Chapitre 5

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Luca


— Alors, ça s'est passé comment ?

Fernando est appuyé contre l'encadrement de la porte de mon bureau. Il a les yeux rivés sur son téléphone, scrollant et tapant à toute vitesse dessus. Je ne sais pas s'il s'intéresse vraiment à mon échange avec notre père, ou s'il vient juste prendre la température sur l'avancée de mon dossier.

— Ça va.

Je réponds simplement, en essayant de retourner à mon travail. Difficile de se concentrer ici, entre les allers-venus du personnel, les discussions dans le couloir, et mon père, au téléphone, qui ne peut pas s'empêcher de marcher l'équivalent d'un marathon par jour pendant ses appels.

— Ça va, c'est tout ? Il demande. Papa m'a dit que tu semblais galérer un peu.

— Je dois peaufiner encore le projet. J'ai besoin de prendre un peu plus de recul sur le sujet.

Je ne sais pas si ma réponse lui convient, mais Il verrouille son téléphone et le range dans la poche de son pantalon noir. Je le fixe en espérant paraître sûr de moi et pour qu'enfin, il me laisse bosser. Ses yeux se plissent et il a l'air suspicieux, mais finit par tourner des talons et partir. Sans fermer la porte. Je me lève en soupirant et vais la fermer moi-même : il faut vraiment que j'arrive à me concentrer.

Je me rassoie à mon bureau et je replonge dans mon fichier. Les chiffres semblent s'entremêler et mes yeux me brûlent depuis une bonne heure, du fait de fixer l'écran constamment. Ou du fait de m'être levé à cinq heures ce lundi matin pour arriver tôt et m'y mettre rapidement.

Je zoom sur le tableur pour y voir plus clair, mais tout autour de moi semble mille fois plus intéressant que ce foutu dossier. Le bruit de la trotteuse de l'horloge accrochée sur le mur du fond résonne dans le silence du bureau.

Mes yeux se portent sur chaque pans de mur : tout est blanc, sans vie. Seule l'horloge trône au milieu, et même elle semble ne pas savoir ce qu'elle fait ici. A ma gauche, les trois fenêtres font entrer dans la pièce la lumière matinale, douce et feutrée. Je vois le bâtiment d'en face et ces mêmes fenêtres qui ornent le mur de briques.

Sur mon bureau, mon ordinateur portable trône en compagnie du téléphone posé à côté et d'un petit cactus qui aurait bien besoin d'eau. J'aime quand rien ne traîne et que tout est ordonné, c'est pourquoi il n'y a que le strict nécessaire dans la pièce. J'ai toujours eu ce besoin que tout soit parfaitement rangé : pas de feuilles qui trainent, de classeurs qui s'entassent, de crayons éparpillés partout ou de post-it dans tous les sens. Seulement le nécessaire. J'ai l'impression que s'il y a du désordre dans la pièce, alors il y a en dans mon esprit.

Je pousse mon bureau des mains pour faire rouler ma chaise jusqu'au mur, derrière moi. Je souffle à nouveau et ferme les yeux en m'appuyant sur l'appui-tête. Il faut vraiment que j'avance sur ce dossier. Je n'ai pas le choix, et d'ici quelques jours, ce sera trop tard. Mon père préféra donner le travail à Fernando, et j'aurais encore déçu tout le monde.

Alors, sans trop réfléchir, je sors mon téléphone de ma poche et ouvre l'application de géolocalisation. Je cherche un lieu à proximité où je pourrais me poser pour avancer. Un café, peut-être. Il y a bien un Starbucks juste à côté, mais je ne suis pas vraiment fan de cette enseigne et il y aura beaucoup trop de monde et de bruit, à coup sûr.

Je zoom et fait défiler la carte sous mes doigts. A quelques rues d'ici, je repère un petit café : The Oxford Hideaway. La devanture à l'ancienne apporte un peu de charme au café, les avis sont très bons et les photos du lieu me font penser qu'il est assez petit pour ne pas être bondé de personnes, et assez grand pour que l'on ne soit pas entassé les uns sur les autres. Ce sera parfait pour ce matin. Je prends mes affaires et quitte les locaux.

Tous nos instantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant