Le soleil commençait à se lever quand Camille laissa sa meilleure amie au croisement d'une rue pour rentrer chez elle. La soirée avait été longue, et l'alcool dans son organisme floutait sa vision. Elle ne marchait sans doute pas très droit non plus, mais elle était bien trop épuisée pour s'en soucier.
Les rues étaient calmes, à cette heure de la nuit. Ou du matin, ce n'était pas très clair. Camille apercevait encore la Lune et les premiers oiseaux chantaient avec entrain dans les arbres le long de la rue. Ses écouteurs n'avaient plus beaucoup de batterie, et elle priait silencieusement pour qu'ils tiennent jusqu'à son retour chez elle. Elle les mettrait en charge en rentrant, pour qu'ils soient prêts à l'emploi lorsqu'elle commencerait à travailler après sa matinée de repos.
La tranquillité de l'instant fut rompue par une silhouette humaine, courbée sous un tas de vêtements sombres, effectuant des allers-retours nerveux entre la rue et une petite ruelle sombre accolée à son immeuble, que les habitants du quartier utilisaient comme un débarras. Camille se douta qu'entre cette personne et elle, la moins louche n'était probablement pas en train de rentrer d'une soirée. Elle décida donc de poursuivre son chemin.
De plus près, l'individu avait les traits tirés et le teint si pâle que Camille pouvait apercevoir ses veines au travers de l'épiderme. Il tremblait presque, ses mains serrés autour de son manteau élimé.
Elle s'apprêtait à le contourner pour poursuivre sa route et enfin rentrer chez elle. Son lit douillet l'attendait. Peut-être même que si elle ne s'effondrait pas dès l'instant où elle passait le pas de sa porte, elle se ferait un petit plat de pâtes.
Ses rêves de repos furent bien vite arrêtés. Avant qu'elle n'ait pu réaliser ce qui lui arrivait, l'individu se saisit de son poignet et l'entraîna dans la ruelle avec une force déroutante compte tenu de son gabarit. Il semblait pouvoir s'envoler à chaque instant et pourtant, elle n'aurait pas pu résister à sa poigne, même si elle l'avait voulu.
Camille voulut crier, mais elle était tétanisée. Elle ne parvenait pas à se débattre, et quand l'individu la plaqua contre le mur, elle sut parfaitement ce qui allait lui arriver. Elle n'était pas stupide. Ce qui arriva ensuite l'étonna un peu plus.
Elle ressentit une douleur vive au niveau de sa nuque et ses jambes flanchèrent sous son propre poids. Une chaleur étrange et inhabituelle s'empara d'elle alors qu'elle essayait en vain de se rebeller contre la faiblesse grandissante. Elle sentit sa tête partir en arrière, son dos glisser contre le béton froid de l'immeuble. J'ai laissé ma fenêtre ouverte, il va faire froid demain, se dit-elle alors que l'individu disparaissait en un éclair. Ou peut-être étaient-ce ses pensées devenues bien trop lentes ?
Elle avait chaud, trop chaud mais tout allait trop vite pour qu'elle puisse analyser quoi que ce soit. Camille ferma les yeux, son corps secoué de violents spasmes.
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Camille se réveilla avec une migraine assourdissante, ses vêtements de la veille collant à la peau. Elle avait un goût de vomi dans la bouche. Un bref souvenir d'elle, la tête dans ses toilettes, lui revint. Le reste de sa mémoire était floue depuis le moment où Eliza lui avait proposé un verre de vodka pomme. Ou alors était-ce de la tequila ? Elle ne savait plus quel verre avait précédé lequel.
Elle se leva péniblement, ou plutôt roula-t-elle hors de son lit, et parvint à déverrouiller son téléphone de ses doigts pâteux. Il était 21h. Elle avait dormi toute la journée, laissant en plan Eliza pour leur après-midi shopping. Les dizaines d'appels en absence de sa meilleure amie appuyèrent cette théorie. L'avalanche de messages de la même personne la confirma.
Camille tapotait un SMS d'excuses d'une main en ouvrant la porte de son frigo de l'autre. Toute la nourriture stockée à l'intérieur lui donna la nausée. Elle préféra abandonner le projet « s'alimenter » pour le moment.
Le cadavre d'une assiette de pâtes était échoué sur la table. Sans doute ce qu'elle avait vomi avant de se résigner et d'aller dormir. Alors qu'elle se dirigeait vers sa salle de bain, elle reçut un message d'Eliza « Tkt jariv ».
Le reflet que lui renvoya son miroir faisait peur à voir. Ses longs cheveux bruns et gras étaient regroupés le long de sa nuque. Elle était pâle, des cernes sombres ornaient le dessous de ses yeux clairs et ses mèches collaient pitoyablement à son front. Elle les décala d'un geste désespéré et entreprit de se rincer le visage.
L'eau froide sur sa peau lui fit l'effet d'un choc électrique. Elle n'avait pas réalisé jusque là à quel point sa peau était glaciale. Une douche lui ferait sans doute du bien, mais Eliza devait bientôt arriver. Cela pourrait attendre, sa meilleure amie l'avait déjà vue dans de bien pires états.
La jeune femme entreprit de se laver les dents dans l'espoir de se débarrasser du goût désagréable encore ancré dans sa bouche. Une irrégularité l'interpella mais elle l'ignora. Elle devait bientôt prendre un rendez-vous chez le dentiste de toutes façons. Du sang teintait le dentifrice de rouge quand elle cracha dans le lavabo. La vision de l'hémoglobine lui fit tourner la tête, et elle se revit un instant, roulé en boule dans le débarras à côté de son immeuble.
En refermant la bouche, elle sentit ses dents érafler sa lèvre inférieure, ajoutant un peu plus de sang sur sa langue. Camille ne réalisa qu'à ce moment qu'elle mourrait de faim. Elle tituba presque jusqu'à son frigo. Son pouls battait à ses tempes. Ses oreilles sifflaient.
Les fruits la dégoûtaient, les gnocchis lui donnaient la nausée. Quelque chose ne tournait pas rond, mais la faim était plus forte. Elle s'empara d'un steak haché cru qu'elle emporta avec elle dans un coin. Camille y planta les dents, appréciant avec un soupir le goût de la viande envahissant sa bouche. Le sang teintant ses lèvres de rouge, elle se sentit reprendre des couleurs.
Quand elle eut fini son repas, elle ressentit une brusque envie de vomir à nouveau. Ses doigts étaient collants, son menton sale, et elle sentait la viande descendre lentement dans son organisme. Tout cela était immonde, mais elle reprenait des forces pour la première fois depuis qu'elle s'était réveillée.
Sa migraine s'atténuait, ses pensées se firent plus claires. Elle aperçut La mémoire lui revenait même. Le départ de la soirée, la marche avec Eliza, puis leur séparation. La silhouette. Le goût du sang dans sa bouche était maintenant omniprésent.
La porte d'entrée s'ouvrit avec un cliquetis, puis Eliza passa la tête dans la cuisine.
– Camille, qu'est-ce que c'est que ce bordel ?
La faiblesse était de retour, Camille crut sentir les battements de cœur d'Eliza de l'autre côté de la pièce. Puis elle sombra.
Note de l'auteur : Premier chapitre pour cette histoire courte ! J'espère qu'il vous aura plu, même s'il est moins bon que ceux qui arrivent ensuite. Merci d'avoir lu et n'hésitez pas à laisser un vote et un avis ! Bisous <3
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Opération Carmin
Paranormal"You are mine, you shall be mine, you and I are one forever" Sheridan Le Fanu, Carmilla Lorsque Camille est mordue par un vampire, elle entraîne avec elle Eliza, sa meilleure amie. -- Aussi disponible sur AO3 --