Chapitre 2

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  Les vas et vient du médecin, de l’huissier, des agents de police et des sirènes de leurs véhicules m’irritent, mes oreilles bourdonnent. Mon état émotionnel est si mauvais qu’Helena, ma soeur ne me cherche pas de noises et s’agite moins qu’à l’accoutumée. Je n’ai pas quitté mon lit depuis la macabre découverte. Ma voix est aux abonnés absents, comme souvent après de trop nombreux stimuli et efforts sociaux (et quels efforts ! Pas sûr que je puisse parler de nouveau un jour…) mais surtout à cause du choc. Je crois que pour une fois, mon cerveau n’a rien imaginer de pire que ce qu’il m’arrive en ce moment. Réalité: un, Anxiété: zéro.

  Avec ce que j’ai cru voir, mieux vaut que je n’en parle jamais si je ne veux pas finir à l’asile, ce qui n’améliore pas mon état. Je ne sais même plus à qui je mens: à la justice, à moi-même ?

 J’ai simplement dû halluciner dans la panique, c’est sûr. Je ne voit que ça. Ça n’est pas arrivé. Mon cerveau a simplement cherché une explication à ce que j’avais sous les yeux, quitte à ce que cette explication soit totalement irréelle et absurde, voir carrément improbable. Je frotte pensivement mon nez sur la couverture bleue et blanche qui me recouvre. Elle est un peu rêche. Ce geste m’apaise mais pas assez pour me couper de mes ruminations. Je lâche un profond soupir. 

  Qu’y-a-t-il de plus improbable et irréel que de trouver son voisin assassiné dans sa propre chambre malgré une phobie sociale carabinée ? Jamais je n’aurais dût me trouver là en cet instant. Je n’aime pas beaucoup l’ironie de cette situation. Pourquoi moi ? 

  Une chose m’apparaît évidente: mon anxiété n’est plus assez imaginative: il existe pire que les situations qu’elle envisage au quotidien.Tous mes efforts des dernières années pour ne plus percevoir le monde extérieur comme un monde hostile où je n’ai pas ma place se trouvent réduits à néant. Ma psy avait tort: parfois le réel est pire que mes inventions et projections mentales ; de quoi guérir sereinement et progresser dans mon rapport aux autres tiens !

  Helena toque à la porte, m’arrachant à mes sombres pensées. Je me redresse, tête sur les genoux et doigts noués. Je grogne une réponse étranglée. Elle entrouvre la porte et y passe son visage. Son regard brun est doux, ses traits légèrement tirés et blanchit par l’inquiétude. 

  — Séra’ ? Ils sont là. Ils voudraient te parler. Elle entre, s’approche et passe sa main dans mon dos. Viens. Tu dois seulement raconter ce que tu as vu, ensuite ils te laisseront tranquille.

  J’ouvre la bouche, me masse la gorge. Elle est nouée, au sens premier. Je secoue la tête, attrape mon portable et en tapote l’écran. 

  — Je n’ai plus de voix, ma gorge me fait malsignalé-je par écrit. Helena hoche la tête. 

  — Je sais, tu n’aura qu’à répondre par écrit, comme tu le fais avec moi. Je leur ai expliqué ta situation.

  Ta situation. Je grimace. Je déteste cette sensation de ne pas en faire assez, ou de pousser les gens à s’adapter à moi alors qu’à leurs yeux c’est à moi de le faire. Je déteste voir la pitié dans leur yeux, ou pire ce regard qui dit: tu le fais exprès. Comme d’habitude, mes efforts qui me coûte tant en énergie ne suffisent pas, quoique j’y puisse, quoique j’y fasse. Jamais. Je soupire. Me lève de mauvaise grâce. Au moment de passer la porte, Helena m’attrape à bras le corps, pose sa tête sur mon épaule et me sert contre elle. Des larmes brillent aux coins de ses yeux. 

  — Pardon, murmure-t-elle. Je lui tapote doucement le creux des reins, et me détache d’elle. Elle se sent coupable. Sans son forcing, jamais je n’y serais allé.

  Je lui adresse un bref signe de tête et une grimace que je souhaite rassurante. Après tout, elle n’y peut rien. Comment pourrais-je lui en vouloir ? J’esquive son regard, elle n’est pas dupe. Je rejoins les agents de police dans la salle à manger. Si les essaies infructueux d’Helena pour me sortir de ma zone de confort m’exaspèrent, je reconnais néanmoins qu’elle ne pense qu’à mon bien et ne souhaite que me venir en aide, ce qui aurait pu, peut-être, fonctionner dans d’autres circonstances. Si j’avais pas trouvé un corps.

Souris ! (titre provisoire)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant