Dimanche 29 septembre 2022
Cela fait maintenant trois jours que je suis sortie de l'hôpital. J'y suis restée un peu plus d'une semaine, une éternité. Là-bas, le temps semblait ne jamais s'écouler. L'ennui, la solitude, et cette sensation de ne pas être en sécurité m'envahissaient chaque jour. Les nuits étaient si sombres que je ne pouvais pas fermer l'œil sans avoir une lampe allumée. L'air dans la chambre était glacial, presque oppressant, et les jours passaient lentement, interminables. Chaque minute qui s'égrenait sur l'horloge semblait une petite torture, une éternité de silence et d'incertitude.
Depuis ce fameux mercredi 18 septembre, je n'ai plus la même vision de la vie. Ce jour-là, tout a changé. J'ai cessé de croire en l'humanité. J'ai vu la cruauté, le doute, la suspicion. Tout semblait dangereux. Et à partir de ce moment-là, j'ai arrêté de vivre. J'ai commencé à survivre. Parce qu'il ne s'agissait plus de savourer chaque instant, mais d'éviter les pièges, les souffrances, les trahisons. Survivre. Ça me permet de me sentir un peu plus en sécurité. Un peu plus à l'abri du monde extérieur.
Cette notion de "survivre" plutôt que "vivre" m'a transformée. J'ai appris à être plus prudente, plus vigilante, plus isolée. L'idée même de l'autre me semble devenue dangereuse. La solitude m'entoure comme un cocon protecteur. À force de regarder les gens autour de moi avec une méfiance grandissante, je me suis refermée sur moi-même. C'est peut-être plus sûr ainsi. Moins d'attentes. Moins de déceptions. Moins de risques. Mais aussi, moins de tout.
Aujourd'hui, je me trouve dans la voiture de ma mère. Le jour même de ma sortie de l'hôpital, on m'a annoncé que nous allions déménager. Un nouveau départ. Un nouveau chapitre, prétendait-on. Mais comment me sentir prête pour un tel changement ? Est-ce que je suis vraiment prête à tout effacer derrière moi et à recommencer à zéro ? Peut-être pas. Pourtant, mes valises sont dans le coffre. Maman vient se glisser en face de moi dans la voiture, me lançant un sourire bienveillant. Je détourne le regard. J'ai cessé de sourire depuis ce jour-là, le 18 septembre. Le sourire m'a quitté, emporté par la douleur et le doute.
À côté de moi, ma sœur est assise, silencieuse. Peut-être plus renfermée que moi. Elle s'en veut. Je le sais. Elle n'a rien dit depuis qu'on est partis, elle a mis ses écouteurs et regarde par la fenêtre. La vitre est baissée, et ses cheveux blonds flottent au vent, presque comme si elle cherchait à s'échapper. Elle jette un regard vers moi, un regard doux, réconfortant. Un regard qui réchauffe un peu mon cœur glacé, même si je n'ose le lui dire. Elle tourne ensuite la tête et regarde à nouveau dehors, le paysage défilant, emportant avec lui une part de notre ancienne vie.
Puis, il y a lui. Mon père. Il entre dans la voiture et je sens une pression dans ma poitrine. Mon cœur se met à battre plus vite, irrégulièrement. J'essaie de respirer normalement, mais c'est comme si l'air venait soudainement à manquer. La simple idée de sa présence me paralyse. Depuis les interrogatoires de la police, j'ai peur de lui. Tout le monde l'a suspecté. Et moi aussi, je l'ai fait. J'ai laissé la peur prendre le dessus, la même peur qui m'envahit en ce moment. Peut-être que je l'ai toujours un peu craint, inconsciemment. Mais aujourd'hui, ce doute est devenu une angoisse réelle, palpable. Je me demande s'il est possible de réellement aimer quelqu'un et en même temps en avoir peur. Peut-être que l'amour et la peur ont toujours été liés. Comme deux faces d'une même pièce.
La voiture démarre. Le moteur vrombit, mais il n'efface pas le bruit de mes pensées. Le paysage défile lentement à travers la fenêtre. Je me force à observer tout ce qui m'entoure, tout ce qui défile et que je vais quitter. J'ai failli ne jamais revoir ces rues, ces bâtiments, ces arbres. Et pourtant, aujourd'hui, tout semble si beau. La lumière du matin est douce, caressant. Le monde a une beauté que je n'avais pas su voir auparavant. Cette expérience m'a secouée, m'a fait toucher du doigt la fragilité de la vie. Avant, j'ignorais ces petites choses qui la rendent belle, ces instants de douceur. Maintenant, je les vois. Je les ressens. Après avoi vécu cette semaine horrible, dans la peur. Enfin...peut-on dire que je l'ai...vécu ? Quand j'ai vécu dans l'ombre, la douleur, le froid... était-ce encore la vie ? Peut-être à peine. Mais une chose est certaine : cette expérience m'a permis de goûter à ce qu'il y a de plus pur, de plus fragile, de plus précieux dans la vie.
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Derrière la vitre
RomanceSidney, une jeune fille vivant à Paris, es forcée de déménager suite à un grave accident. Dans cette grande maison du seizième arrondissement, une tragédie avait changer sa vie. Lorsqu'elle arrive dans son nouveau lycée, elle ne tarde pas de faire l...