(Si vous souhaitez une analyse d'un de vos écrits semblable à celle ci, contactez moi ici ou sur mon Babillard !)
Dans ce chapitre, j'analyse le chapitre un, Sauce sucrée, de My boss, my ex écrit par @FannySvyy. (romance, enemiestolover) Le chapitre étant très long, et mon but étant d'analyser les tout débuts, l'analyse ne portera que sur la première partie, jusqu'aux premières étoiles : de "Ambre, Université du Minnesota..." à "à affronter la suite de la journée". (Il peut m'arriver de couper pour me concentrer sur le début, pour des questions de longueur comme d'unité : raconter une scène). Je vous conseille de le lire pour pouvoir suivre mon analyse.
Le cadre clair nous est donné, l'heure à la minute près : nous sommes à l'Université du Minnesota (Etat des USA, dans le Nord du pays), le cinq octobre 2019, et la narratrice est Ambre, une étudiante. Dans la mesure où elle dessine et calcule des TVA, et qu'on ignore ce qu'elle étudie, je suppose qu'elle en est à ses premières années, car aux USA les premières années universitaires sont généralistes. Cela nous donne un indice sur l'âge d'Ambre, une très jeune adulte.
Le cadre, pour être sincère, m'a un peu fait froncer les sourcils : je me suis dit que l'histoire paraissait clichée, notamment la mention d'"enemiestolover" (même si cela semble une sous catégorie de romance à part entière). Mais en lisant le début, je l'ai trouvé bien rédigé et bien mené, si bien que l'on peut tirer des choses de cette lecture, et finalement c'est la seule chose qui compte. Et deuxième chose : je n'évalue pas le scénario global, mais le début seulement, et en l'occurrence c'est un début assez intéressant pour une raison qui tient en trois mot : tout va bien.
Un début trop beau pour être vrai
A vrai dire, j'aurais pu nommer ce paragraphe "un début trop beau pour durer". Car dans le début que je lis, tout va bien. Notre protagoniste et narratrice ne suit pas le cours de fac (et on ne peut lui en vouloir, elle ne le perturbe pas et n'est pas présentée comme une cancresse). Elle dessine un soleil : tout étudiant qui se respecte dessine en cours, dans les marges de ses cahiers (à moins d'avoir un pc, ce qui aurait été possible). "Chaque trait" est "libre et léger", on a une sorte de personnification, ou plus exactement d' "extension" comme la narratrice le dit : le dessin est la façon dont elle s'exprime (je pense à la Reine des Neiges dont l'âme "s'exprime en dessinant et sculptant dans la glace", dans la VF).
Une phrase qui m'a marquée est que pour Ambre, Vincent est en couple avec elle "quoi qu'il arrive" : c'est si facile à dire... On a un horizon d'attente (d'autant plus qu'on connaît le titre et le synopsis). Mais, narrativement comme dans la vie, c'est par l'épreuve qu'on reconnaît le véritable amour (sans être fanatique des "messages" dans les histoires (voir mon recueil "d'encre et de pixels," essai sur "la réflexion de l'œuvre), disons que s'il y a un enseignement à retenir du genre de la romance, c'est sans doute celui-ci). Ici, le plus grave qui puisse arriver au couple, c'est que la jeune fille mange ses sushis avec une sauce qui ne convient pas aux yeux du jeune homme.
La "sauce sucrée", titre du chapitre, est à la fois un détail amusant (j'apprécie les titres qui sont des détails amusants), un "débat" "phatique" (= qui sert uniquement à tisser un lien sans intérêt en lui même : c'est comme le débat du lait avant ou après les céréales, ou la détestation de la pizza aux ananas), et un élément de complicité entre Vincent et Ambre. De même que le surnom de crevette, qui est assez familier pour n'être employé qu'en couple (ou éventuellement par des gens très proches) : s'il y a séparation, et remise en couple, ou nouvelle rencontre, dans quelle mesure ce surnom sera t il utilisé ? Je pense donc que "crevette" est un peu un baromètre de leur relation.
Une lente insouciance
Ambre, le personnage, est jeune et cela se voit aussi par son comportement insouciant. Le choix du soleil a quelque chose d'un peu enfantin : beaucoup d'enfants en représentent. Ambre est adulte, mais le personnage semble peu nostalgique, et ne pense pas non plus aux perspectives d'avenir : on a un personnage qui vit dans l'instant présent, qui le savoure. La narration est assez lente et détaillée : bien écrite, elle permet au lecteur de s'immerger avec le jeune couple dans l'instant présent.
Bien sûr, Ambre peut se permettre de vivre l'instant présent car elle semble avoir assez d'avenir pour cela. On ne connaît pas sa situation économique, mais si elle était précaire, je pense qu'on le saurait. De plus, elle a les moyens de se payer la fac, et je rappelle que l'histoire se déroule aux USA. Elle a un petit ami. Enfin, elle est doublement douée, et on a la preuve : les compliments des professeurs, bien sûr, mais surtout sa réussite malgré sa nonchalance en cours : ce n'est pas une personne scolaire qui s'acharne et obtient la moyenne, mais quelqu'un de plutôt doué. Et puis; l'autre professeur ne complimente pas à la légère, mais la complimente elle.
D'ailleurs, la façon dont sont introduits les deux professeurs donne un peu l'effet d'une fausse gravité, d'un faux élément déclencheur. Tout va bien, interruption : on s'attend à quelque chose de moins bien, et en fait la situation s'améliore encore. La première fois, l'étudiante n'écoute pas en cours et est interrogée par le professeur : on s'attend à une humiliation, et en fait, non. La deuxième fois, le décor est idyllique, avec les ombres qui dansent, et les arbres et le vrai soleil (à l'image de celui qu'elle a dessiné... enfin non, c'est l'inverse :) ) et là, interruption. Mais c'est pour que la professeur la complimente. C'est un peu la même chose avec la sauce sucrée, le décalage entre le sérieux de Vincent et la trivialité amusante de ce qu'il énonce produit un effet comique. A noter que l'inverse est burlesque : c'est le cas des Temps Modernes de Chaplin, drôle alors qu'il aborde le sujet de la condition ouvrière et de la misère.
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Tout va bien au début, contrairement à d'autres histoires que j'ai pu lire : cela tient à l'insouciance et à la beauté de la situation (et je trouve le texte bien écrit). Mais cela signifie aussi un "paradis perdu", un "âge d'or", et l'horizon d'attente est ici qu'Ambre sorte de ce bonheur (et cherche à le retrouver, ou au contraire à aller de l'avant). Ambre a tout pour être heureuse, et l'est : la chute n'en sera que plus rude. En tant que critique, je suis extrêmement méfiante et "y vais de mon pronostic" (grand Corps Malade, les voyages en train) : ça ne va pas durer.
Mais que faut il faire en tant que lecteur ? Essayer d'anticiper ? Ou se laisser guider, confiant et aveugle, par la narration et se réjouir avec Ambre pour l'instant, et savourer l'instant présent comme elle ? A mon sens la deuxième lecture est plus empathique, la première en revanche permet de prendre un plaisir supplémentaire dans le déroulement de l'intrigue. A mon sens, les deux attitudes sont possibles pour un lecteur qui cherche à se prendre au jeu.
Je remercie @FannySvyy pour ce moment de lecture, que je regrette d'avoir commencée préjugés en tête.
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Au début [FERME]
Non-Fiction[FERME] Par où commencer ? Soumettez moi vos histoires et j'en analyse le début ! Ceci est un projet qui se veut un florilège, en quête de perles Wattpad. Un peu à l'image du prix de la Page 111, je n'analyserai que le début, appelé "incipit" par...