CHAPITRE 56 - Dans le vent

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— C'est pas vrai... Soufflé-je, tentant de retenir mes larmes.

Je tiens toujours le morceau du journal entre mes mains, qui commencent à trembler, sans avoir personne pour me calmer. Toutefois, je ne suis plus capable de rien voir sur ce papier. Tout devient flou, comme si mes yeux ne voulaient pas voir ce qu'il y a en face d'eux. Je repense aux mots que je viens juste de lire, eux qui tournent en boucle dans mon esprit et qui m'affaiblissent de seconde en seconde : « le couple est mort sur le coup, laissant une adolescente seule au monde ». Puis, la phrase la plus importante est celle qui fait battre mon cœur : « Une enquête a été ouverte afin de retrouver le chauffard, mais les chances de le retrouver sont minces. Aucun témoin ne s'est manifesté à ce jour ».

Je ramène une main par-dessus ma poitrine pour empêcher mon palpitant de s'échapper et de broyer mes côtes et mes autres organes au passage. Je dépose l'article à côté de mon genou droit, et trouve une photo. Une autre photo. Une deuxième. Puis, une troisième.

— Des phot... Photos de l'accident... Bredouillé-je.

Je ne suis plus capable d'aligner les mots, ni même d'avoir des pensées rationnelles. Le simple fait de me retrouver de nouveau exposée à cette tragédie que j'ai personnellement vécue, mais donne envie de sauter par la fenêtre et de me laisser mourir allongée dans l'herbe trempée par la pluie.

— Mais pourquoi... POURQUOI ?! Tonné-je.

Le tonnerre claque encore à l'extérieur. Il gronde au-dessus de ma tête comme un signe de l'Apocalypse. Dans le même temps, j'attrape une nouvelle photo qui cette fois, me fait littéralement imploser. Elle date d'il y a longtemps. Elle représente mes deux parents, amoureux. Ma mère est enceinte. De moi. Le tonnerre continue de hurler au-dessus de ma tête, comme si c'était une mise en garde. L'écho d'un avenir qu'on me réserve, bien différent de celui auquel je m'attendais.

— Ah ! Hurlé-je de frousse en sursautant, laissant échapper la photo dans la mallette de nouveau.

— EH ! Tonne alors une voix gutturale qui ne me dit rien qui vaille.

Je fais lentement volte-face et tombe sur sa silhouette gigantesque, les quelques morceaux de journaux entre mes doigts tremblants. Une flopée de frissons remonte le long de ma colonne vertébrale, tandis que mes yeux deviennent aussi ronds que des cratères. Andrea se tient devant moi, dans l'embrasure de la porte, dégoulinant de flotte. Il ramène avec lui les orages de l'extérieur.

— Qu'est-ce que tu fiches ici ?! Tonne l'homme qui ne devient plus qu'une silhouette menaçante dans la nuit noire. Casse-toi !

— Oh ! Andrea, j... J...

— CASSE-TOI ! M'ordonne mon cousin en pointant du doigt la sortie de la pièce. CASSE-TOI !

Je reviens à moi.

Je papillonne grossièrement des cils pour arriver à replonger dans l'instant présent, même si je n'en ai aucune envie. Ou peut-être que si, je ne sais plus vraiment.

Quoi qu'il en soit, je suis de nouveau sur cette moto qui fait un bruit d'enfer et qui me rendrait presque sourde, au beau milieu d'une plaine, sur une route infinie qui nous emmène je ne sais où dans l'horizon, en direction de l'astre solaire qui nous rend les bras. Je suis toujours fermement accrochée au corps robuste de Sandro qui continue d'accélérer et de nous considérer, dans les virages, comme des chats ayant neuf vies.

Moi, j'en ai déjà perdu deux.

Comprendra qui pourra.

La liberté dont j'ai fait l'expérience plus tôt n'est plus. Je me sens comme enfermée dans mes propres souvenirs, n'ayant plus d'autre pensée que celle où je me trouvais dans la chambre d'Armando, ce jour-là, ce jour où j'ai découvert par hasard la mallette secrète sous son lit. Je me revois, assise à même le sol, à tenter de comprendre ce que ces articles de journaux et ces photos faisaient là. Je ne parviens pas à penser à quoi que ce soit d'autre et pour cause, le soleil a bien tourné. Depuis combien de temps suis-je absente, au juste ? Cinq minutes ? Une heure ? Vingt-quatre heures ? Non, n'exagérons rien. Si mon cousin ne m'a pas déjà ramenée à l'ordre, c'est que mon absence n'a pas éternellement duré. Et sur ces paroles, ce dernier finit tout de même par m'interpeller.

BURN WITH USOù les histoires vivent. Découvrez maintenant