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L'ombre de la petite maison se dessine enfin au bout de la ruelle. Je m'arrête un instant, le souffle court, les muscles encore tendus et enlève la sueur de mon front. Je me retourne, m'assure que je n'ai pas été suivie, avant de frapper doucement à la porte. Le cœur battant, j'attends patiemment. Un instant plus tard, la porte s'ouvre légèrement, laissant apparaître le visage inquiet de ma tante.

- Bon sang, Hélara, où étais-tu passée ?

J'entre rapidement, refermant la porte derrière moi, et me laisse tomber sur une chaise.

- Il y a eu des Gardiens... J'ai dû fuir, tenté-je d'expliquer à bout de souffle.

Mon oncle pose une main rassurante sur son épaule, tout en maintenant sa tête de son autre main mais son visage trahissait une profonde inquiétude.

- C'était trop risqué d'aller là-bas, surtout pour moi. Les rumeurs courent que L'Ordre intensifie les patrouilles.

J'hoche la tête, encore hantée par l'image du Gardien de L'Ordre et la force brutale avec laquelle il m'a retenue. Je sens les reproches venir, mais je sais aussi que leurs inquiétudes sont fondées. Le marché noir est un jeu dangereux, une nécessité de survie qui peut se transformer en cauchemar à tout moment.

Ma tante m'apporte un verre d'eau et se penche vers moi, chuchotant presque :

- Et si un Informateur t'as vue ? Il suffit d'une dénonciation pour que...

Les mots restèrent en suspens, lourds de menaces invisibles.

- Tiens, la coupé-je. Éric en a besoins. Au moins je n'y suis pas allée pour rien, lui dis-je en attrapant mon sac.

- Dieu merci, tu es un ange, sourit-elle timidement.

- Je te remercie Hélara, mais ne risque plus ta vie pour moi, me sermonne mon oncle.

- Je vais aller me reposer, je suis fatiguée, rétorqué-je pour couper la conversation.

- Tu as raison, je vais aller chercher un peu d'eau à la fontaine. À tout à l'heure, répond ma tante en attrapant la petite gourde en fer.

L'eau à volonté n'est que pour les Puristes, une secte qui prône une « pureté » de la société. Ils croient que l'apocalypse était une punition pour les erreurs passées de l'humanité. Ils cherchent à éliminer toute forme de diversité aussi bien culturelle que physique. Ils collaborent avec L'Ordre pour éradiquer ceux qui sont différents.

Je ne sais pas comment font les Rebelles pour survivre mais ici, tout est restreint. La fontaine au centre de notre secteur est surveillée vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours. Nous avons le droit à un quota journalier selon le nombre de personnes par foyer. Évidemment, c'est le strict minimum, et encore moins pour nous car je ne suis pas censée vivre ici.

L'Ordre a détourné la seule rivière qui passe dans toute la ville et a mis en place plusieurs barrages, servant de frontière entre tous les quartiers. Seuls les paysans ont un quota un plus élevé pour les cultures et ainsi avoir un meilleur rendement. Et encore, toujours sous la surveillance des Gardiens de L'Ordre.

Seulement, ce sont ceux qui n'y connaissent rien qui l'ouvrent le plus. Il y a eu bien des batailles entre les paysans et ceux de la classe supérieure en ce qui concerne l'eau et les récoltes. Mais là encore, c'est le « travailler plus pour gagner moins » qui prime.

Dommage pour eux mais il y a bientôt deux ans, en allant au abord de la forêt non loin d'ici, j'ai repéré une petite source d'eau cachée sous quelques pierres. Elle n'est pas tout le temps alimentée mais suffisamment pour remplir quelques gourdes si nécessaire. J'y passe la plus part de mon temps, récoltant quelques baies par ci par là. C'est un petit havre de paix qui est censé être interdit mais bien trop dense pour être surveillé de près.

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