𝒞𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 10

11 0 0
                                    

Ava se lève d'un bond, comme à son habitude impulsive, prête à foncer dans la mêlée. Je sens la colère bouillir en elle avant même qu'elle n'ouvre la bouche, mais à ma surprise, c'est Ali qui réagit en premier. Il attrape doucement son bras, avec une fermeté inattendue. Son regard protecteur, presque suppliant, me frappe. Ava lui jette un regard noir, prête à se dégager, mais il ne la lâche pas.
— Laisse tomber, Ava, souffle-t-il, la voix calme mais déterminée.
Elle se radoucit. Je vois ses épaules se détendre légèrement, et avec un soupir frustré, elle finit par se rasseoir. Ali ne dit rien, mais il reste à ses côtés, ses doigts glissant de son bras tandis qu'elle croise les bras sur sa poitrine. Nassim, qui n'a pas l'air aussi affecté par la scène, se penche vers nous en murmurant :
— Sérieusement, c'est quoi leur problème ? Ces joueurs de foot... Ils se croient tout permis.
Je hoche la tête, mais mes yeux restent rivés sur l'altercation qui se poursuit au centre de la pièce. James a enfin réussi à écarter Tyler de Paul, passant un bras entre eux pour empêcher une nouvelle attaque. Tyler, le visage rouge et les traits déformés par la colère, semble prêt à en découdre à nouveau, mais James lui parle d'une voix basse, assez ferme pour le ramener à la raison.
— Ça ne sert à rien, arrête, Tyler. Ce n'est qu'une perte de temps.
Je ne peux pas m'empêcher de remarquer Chloé, qui se tient toujours en retrait, son téléphone à la main, le sourire aux lèvres. Elle est là, à prendre des photos de la scène comme si tout cela n'était qu'un spectacle divertissant. Sa suffisance me donne la nausée. Ses doigts volent sur l'écran, immortalisant chaque moment, probablement pour alimenter ses réseaux sociaux.
Ava, qui jusqu'ici semblait contenue, se redresse de nouveau, les poings serrés.
— C'est quoi ce cirque, sérieusement ? lâche-t-elle avec un mélange de dégoût et de mépris.
Je vois ses jambes prêtes à la porter jusqu'à Chloé pour lui dire ses quatre vérités, mais cette fois, elle n'en a pas l'occasion. Deux vigiles du café se précipitent vers le groupe en pleine agitation. Ils écartent rapidement l'équipe de foot, sans ménagement. Les éclats de voix de Tyler et les ricanements de Chloé se noient dans la cacophonie des cris et des protestations autour de nous.

Les rares adultes présents dans le café commencent à s'énerver à leur tour. Les conversations deviennent plus bruyantes, les tensions montent rapidement. Je sens l'odeur âcre de la bière se mêler à celle, plus douceâtre, des cocktails sucrés que la plupart des clients sirotent. Les esprits s'échauffent sous l'effet de l'alcool, et je vois quelques-uns des clients se lever, jetant des regards hostiles vers le groupe de footballeurs.
Les amis de Paul, Lucas et Eric, traînent leur camarade blessé vers la sortie. Paul, le visage ensanglanté mais toujours aussi impassible, se laisse faire, une main pressée contre son nez pour tenter d'arrêter le sang. J'entends des murmures autour de moi, certains clients murmurent qu'ils ont entendu parler de ce gars – ce « Paul » – et que c'est bien fait pour lui.
Ali se tourne vers nous, la mâchoire crispée. Il jette un coup d'œil rapide autour de la pièce, où la situation semble empirer. Je peux déjà entendre une femme, à l'autre bout de la salle, qui parle au téléphone, probablement pour appeler la police.
— Il serait temps de partir, murmure-t-il. Ça sent mauvais, et on n'a pas envie d'avoir des ennuis.
Ava acquiesce d'un hochement de tête rapide, visiblement encore agacée par la scène. Moi, je ne demande pas mieux. L'atmosphère s'est chargée de cette tension électrique que je déteste tant, cette sensation oppressante qui précède généralement un autre éclat de violence. Nous nous levons, et je peux sentir une certaine urgence dans nos gestes.

Nous sortons précipitamment du café, laissant derrière nous cette scène chaotique. Dehors, l'air frais de la nuit nous enveloppe, tranchant brutalement avec la chaleur étouffante et les odeurs lourdes de l'intérieur. Il me fait l'effet d'une bouffée d'oxygène bienvenue après l'agitation suffocante à l'intérieur.
Notre groupe s'éloigne légèrement, et je remarque rapidement Paul, assis sur le bord du trottoir, non loin du parking. La lumière tamisée du réverbère le baigne d'une lueur pâle, rendant son visage ensanglanté encore plus frappant. À sa gauche, Lucas fait les cent pas, ses mains crispées en poings. Je peux presque sentir son agitation vibrer dans l'air.
— Sérieusement, pourquoi t'as pas réagi ?! Crache Lucas, sa voix pleine d'incompréhension. Tu pouvais l'éclater, mec !
Il marche nerveusement, ses pas rythmant l'écho de ses paroles dans la rue déserte. Éric, un peu plus calme, tente de ramener Lucas à la raison. Il est accroupi à côté de Paul, posant une main apaisante sur son épaule.
— Laisse tomber, Lucas. T'es pas obligé de toujours te battre pour prouver quoi que ce soit. Paul a bien fait de ne pas réagir.
Mais Lucas secoue la tête, son visage rouge de colère. Je devine qu'il a du mal à comprendre pourquoi Paul est resté impassible, à encaisser sans rendre les coups. C'est vrai qu'avec sa réputation de bad boy, on s'attend à ce qu'il réagisse. Pourtant, il est là, immobile, son regard fixé sur le sol comme s'il cherchait à effacer cette soirée de sa mémoire.

Sous le poids du silence (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant