𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝟏

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Les enceintes murales crachent une musique dont les basses font trembler les instruments chirurgicaux disposés dans un plateau en inox sur la vieille table en bois du hangar. Je me plonge dans cette ambiance, portée par les remix Trap qui résonnent dans la pièce vide de vie. Ici, au milieu de nulle part, personne ne viendra déranger mes plans. À vrai dire, personne n'en aurait le courage.

Intouchable.

Voilà ce que je suis.

Je recule pour observer mon œuvre. Assis sur une chaise en métal, les mains liées par un collier de serrage en plastique, un homme vient de rendre son dernier souffle. Son visage est méconnaissable, parsemé de coupures de tailles et profondeur différentes, et dont le nez est ouvert, laissant apercevoir le cartilage. Son pantalon est baissé jusqu'à ses chevilles et sa peau couverte de son propre sang. Avant qu'il ne meure, j'ai pris un malin plaisir à lui couper les couilles à l'aide de ma scie la plus abimée. Un sort qu'il a mérité. J'aime cette vision : un homme qui a commis les pires crimes du monde, puni de ma main et son âme en perdition errant désormais dans les limbes.

J'essuie minutieusement toute trace de sang qui jonche mes doigts, munie d'un mouchoir blanc. Lorsque mes mains sont propres, je sors mon téléphone de ma poche et appelle mon ami et bras droit. Seule la première tonalité se fait entendre dans le combiné, Isaïah sait qu'il est préférable de ne pas me faire attendre.

« Dieu est délivrance », un prénom ironique pour un homme qui m'aide à punir et à tuer de nombreuses personnes depuis des années.

— J'arrive. Je ne suis pas loin, laisse-moi dix minutes pour te rejoindre.

Je ne prends pas la peine de lui répondre. Mon intention était claire et il l'a comprise rien qu'en voyant mon nom s'afficher sur l'écran de son smartphone.

Parole tenue, il débarque à mes côtés dans les délais. Isaïah enfile des gants en latex noir qu'il sort de la poche de son jean et s'attèle à sa tâche. Je l'observe nettoyer derrière moi, comme à chaque fois que je m'adonne à des sessions de tortures qui finissent en bain de sang.

— T'y est pas allée de main morte cette fois, soupire-t-il alors qu'il ramasse un doigt sur le sol en béton.

Un rire m'échappe. Que c'était jouissif de scier doucement l'annulaire de cette ordure. Il abusait de jeunes filles et pensait pouvoir mener une vie tranquille d'homme marié sans jamais être condamné. Malheureusement pour lui, je châtie ce genre de type tous les jours quand la justice n'est pas capable de faire son travail.

— Je ne fais pas dans la dentelle. Tue ou tu te feras tuer, c'est ainsi que le monde fonctionne.

Ce sont les mots que mon père m'a répété toute ma vie. Et plus le temps passe, plus j'y crois. Le monde n'est que noirceur, aucune âme n'est toute blanche. L'innocence n'existe que lorsque l'on est enfant, si tant est que l'on n'ait pas grandi dans mon univers. Car chez moi, l'innocence est un concept, une illusion.

— J'ai un appel à passer, je te laisse finir, si besoin demande à Alessio de t'aider.

Isaïah hoche la tête sans un mot. Outre débarrasser mon hangar de mes cadavres, il est aussi celui qui gère mes troupes et les entraînements. Mon bras droit et meilleur ami depuis notre plus tendre enfance. Il est le seul à qui j'accorde une confiance aveugle. Le seul être sur Terre à qui je confierai ma vie sans sourciller.

Dehors, le vent frais vient déposer sa morsure glaciale sur mes joues. J'inspire à pleins poumons, faisant disparaître peu à peu l'odeur ferreuse qui emplissait mes narines. Les docks sont éclairés par les lampadaires. La lumière se reflète sur l'eau calme du port. J'aime cette vue, plus particulièrement la nuit, quand seuls mes hommes et moi sommes présents. Une tranquillité que je peux m'offrir en tant que propriétaire des lieux et des commerces qui y prennent place.

Mes doigts froids tapent un numéro que je connais par cœur, mais que jamais je n'ai enregistré. Je me refuse à laisser le mot « maman » apparaître sur mon écran quand j'ai le devoir de la contacter.

— Le travail est fait ?

Comme d'habitude, la politesse n'est pas de mise. Selon elle, ce sont des futilités.

— Oui. Isaïah nettoie le hangar.

— Bien. J'espère que tu as été discrète.

— Évidemment, pour qui tu me prends ?

Elle soupire bruyamment. Elle déteste que je lui réponde ainsi, mais c'est plus fort que moi.

— Fais ton job correctement et je n'aurais pas besoin de toujours te rappeler à l'ordre, Rose, réplique-t-elle d'une voix forte et dure.

— Oui, maman.

J'appuie sur le dernier mot qui me brûle les lèvres. Je ne l'appelle ainsi que quand elle me balance son venin. Elle comme moi détestons ce nom, mais j'aime la satisfaction de la voir esquisser une grimace ou de souffler quand elle l'entend.

Cette élimination l'arrange, elle aussi. Pourtant, elle agit comme si rien n'allait dans son sens. Et moi, comme une conne, je l'écoute encore me cracher sa haine alors qu'elle n'a plus son mot à dire dans notre organisation. Habituée à rendre des comptes ou trop idiote pour me détacher de ma mère. J'hésite encore...

Elle raccroche sans un mot de plus et je range mon téléphone dans la poche de ma veste en cuir noir, avant de rejoindre mon ami. Isaïah a presque fini de débarrasser le corps dans un sac mortuaire. Les bâches sont retirées et prêtes à être brulées. Plus aucune trace de ce qu'il s'est passé ici ce soir ne doit rester.

D'un signe de tête, j'indique à mon ami qu'il est temps de partir. Je l'aide à soulever le sac noir et nous le portons jusqu'à l'arrière de l'utilitaire avec lequel mon ami est venu. Un bruit sourd résonne lorsque le corps est jeté à l'arrière du véhicule. Je me frotte les mains sur mon pantalon et me dirige vers ma propre voiture. Je la démarre et le moteur vrombit. Une douce mélodie pour mes oreilles d'amatrice. D'un coup d'accélérateur, me voilà partie à la suite d'Isaïah en direction de notre dernière destination de la soirée. Ma Camaro ZL1 file au vent. Les doigts enroulés autour de mon volant, je profite de cette montée d'adrénaline que me crée la vitesse. Mes sens sont stimulés, mon esprit est vif. Je ne connais pas la peur. Le danger, la mort, les blessures, rien de m'effraie. Cela fait bien longtemps que cette émotion ne fait plus partie de mon langage. Dans mon monde, il n'y a pas la place pour ça.

Marche ou crève.

Avancer sans jamais regarder en arrière. Avancer quoiqu'il en coûte vers la réussite au risque de tout perdre en chemin. De se perdre. Ainsi va la vie.

La musique qui se jouait sur l'autoradio est remplacée par la sonnerie désagréable de mon téléphone. D'un doigt, j'appuie sur « accepter » et attend que mon interlocuteur prenne la parole.

— Patronne, on a un problème.



                                                       🔥🔥🔥

Hello! Merci d'avoir lu jusqu'ici, j'espère que ce Prologue et ce Chapitre 1 t'ont plu et que ça t'a donné envie de lire la suite !

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Merci encore de suivre cette aventure ! À très bientôt ​🫶🏻​

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