Chapitre 3 ) Fracture

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Le laboratoire était encore silencieux lorsque je suis arrivée ce matin-là, prête à démarrer une nouvelle journée d'expériences. Dong-Hyun était déjà là, comme d'habitude. Il semblait plongé dans ses notes, sans lever la tête. Tout à coup, le bruit de ses doigts sur le clavier s'arrêta net, et je sentis son regard peser sur moi.

- Manar, tu es encore en retard, non ? lança-t-il d'une voix glaciale, sans même lever les yeux.

Je sentis ma mâchoire se crisper. Je n'étais en retard que de quelques minutes, et surtout, il n'était pas mon supérieur. Pourtant, je pris une profonde inspiration, cherchant à garder mon calme.

- J'ai dû passer récupérer du matériel, expliquai-je. Et je ne suis pas en retard, je suis dans les temps.

Il haussa un sourcil et laissa échapper un soupir, un brin sarcastique.

- Ah, c'est vrai, toi, tu as tes propres règles, n'est-ce pas ? Ça doit être tellement pratique, répondit-il avec une pointe d'amertume.

J'étais fatiguée de ses remarques incessantes, mais je tentai de l'ignorer en allant m'installer à mon poste. Pourtant, il ne semblait pas prêt à lâcher le morceau. Après un silence pesant, il reprit.

- Je me demande vraiment comment tu peux espérer réussir ici, Manar, ajouta-t-il, la voix chargée de mépris. C'est comme si... tout dans ton attitude, tes choix de vie, criait que tu es différente.

Je relevai les yeux, sentant ma patience fondre comme neige au soleil. Il m'avait fait des remarques sur mon travail avant, mais cette fois, je voyais qu'il visait autre chose. Mon voile, peut-être ? Ma foi ?

- Et qu'est-ce que ça veut dire, " différente ", Dong-Hyun ? répliquai-je d'un ton sec. Tu as un problème avec le fait que je ne sois pas exactement comme toi ?

Il esquissa un sourire ironique, un sourire qui me hérissa le cœur.

- Disons que je trouve... étrange de voir quelqu'un qui dit vouloir avancer dans un domaine scientifique en se limitant autant. Franchement, ta façon de t'habiller, ce voile... c'est un peu décalé, non ? Tu te mets des barrières toute seule, et après tu veux qu'on te traite d'égal à égal.

Les mots résonnèrent dans ma tête, et une colère sourde monta en moi. Comment osait-il ? Que savait-il, lui, de ce que mon voile représentait ?

- Écoute, Dong-Hyun, commençai-je, essayant de ne pas perdre le contrôle. Ce voile, il ne me limite en rien. Peut-être que c'est toi qui es limité par tes propres préjugés.

Il ricana, un ricanement amer qui piquait comme du sel sur une plaie ouverte.

- Je suis réaliste, Manar, rien de plus, répliqua-t-il. Ce monde ici, c'est un monde où on ne tolère pas les choses qui freinent. La science, elle ne peut pas se permettre d'avoir des chaînes, et c'est pourtant ce que tu portes, n'est-ce pas ? Une chaîne autour de ton identité.

J'avalai avec difficulté la réplique acide qui me montait aux lèvres, mes mains tremblaient de rage.

- Tu sais quoi, Dong-Hyun ? lâchai-je en le fixant. Peut-être que c'est toi qui ne comprends rien. Tu parles de liberté et de science, mais au fond, tu es coincé dans tes propres croyances comme n'importe qui d'autre.

Il fronça les sourcils, et je vis dans son regard une lueur de colère à mon tour.

- Coincé ? Moi ? dit-il, son ton devenant plus dur. Non, Manar. Moi, j'avance. Toi, tu restes accrochée à des... traditions et des coutumes qui n'ont aucun sens ici.

Chaque mot prononcé me coupait comme une lame, mais je refusais de baisser les yeux.

-C'est peut-être facile pour toi de juger depuis ta position confortable, mais ce n'est pas une raison pour mépriser ce que tu ne connais pas, répondis-je, la voix pleine de reproche.

Il secoua la tête, visiblement agacé, et jeta un coup d'œil exaspéré.

- Très bien. Continue de croire que tu peux avancer comme ça, murmura-t-il. Mais ne t'étonne pas si, à force de traîner derrière tes " convictions ", tu finis par te faire écraser.

C'était la goutte de trop. Les mots me brûlaient, un mélange de colère et d'injustice qui m'empêchait de garder mon calme.

- Tu n'as pas le droit de me parler comme ça, Dong-Hyun, dis-je, mes yeux étincelant de rage. Je suis ici pour apprendre, pour travailler, et je mérite le même respect que n'importe qui.

Il laissa échapper un rire moqueur, secouant la tête.

- Respect ? C'est ça que tu veux ? Le respect, ça se gagne, Manar. Et à mes yeux, tu n'as rien prouvé.

Ces mots me frappèrent comme un coup de poing. Les larmes me montèrent aux yeux, mais je refusai de les laisser couler. Je refusai de lui donner cette satisfaction. D'un geste brusque, je ramassai mes affaires et me levai, prête à quitter cette confrontation avant qu'elle ne m'écrase.

- Un jour, tu comprendras peut-être ce que signifie le respect, murmurai-je d'une voix tremblante. En attendant, je n'ai pas de temps à perdre avec tes jugements.

Je sortis du laboratoire sans attendre sa réponse, mes pas résonnant dans le couloir. Mon cœur battait la chamade, et je me sentais à la fois furieuse et blessée. Ce n'était pas juste une querelle d'ego ou un conflit de méthode. C'était plus profond, comme une blessure à vif qu'il venait de raviver.

Alors que je marchais, le visage dur, je me jurai de ne plus jamais lui donner l'opportunité de me faire sentir aussi vulnérable...

A SUIVRE...

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