Chapitre 4 - Cœur d'artichaud

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Dans un premier temps, l'humiliation devant la perspective que quelqu'un ait pu assister à son échange avec Hayato écrasa chez Kanae tout autre sentiment. Mais qu'en plus, ce quelqu'un se trouve être Yaku, de tous les lycéens de Nekoma, sonnait comme un retour de karma pour s'être emportée contre lui. Ses pommettes se mirent à la chauffer, signe pour elle que son embarras se faisait visible, et elle pria pour que son interlocuteur n'y porte pas attention. La colère fut la seule émotion à laquelle elle parvint à se rattacher, pour ne pas perdre la face.

— Tu te caches dans les buissons pour espionner les gens ? T'as pas honte ?

Le visage de Yaku, jusqu'à présent tiré par quelque chose qui ressemblait à du malaise, se ferma aussitôt. Une irritation qu'il ne chercha pas à cacher lui tendit la veine sur sa tempe, à l'image de ce qu'elle avait aperçu chez lui la veille.

— Je voulais juste passer pour retourner au lycée, sauf que j'ai bien compris que c'était pas trop le moment !

— Peut-être, mais t'étais pas obligé d'écouter !

— Ah ? Et tu voulais que je fasse quoi ?

Kanae laissa échapper un soupir, les joues picotantes d'agacement, incapable de trouver une réponse cohérente. Difficile de lui dire qu'il aurait dû faire tout le tour du lycée pour rejoindre l'entrée de l'autre côté, même pour elle et malgré leurs échanges déjà houleux. Elle préféra se dire que c'était peut-être l'occasion d'en profiter. Disparaître, et espérer n'avoir jamais besoin de lui adresser la parole à nouveau... Deux fois, ça suffisait.

— Laisse tomber, capitula-t-elle.

Rien que ces mots lui coûtèrent, pourtant elle relativisa. Elle n'était même pas certaine qu'il connaisse son nom, et il était peu probable qu'il soit allé le demander à Hina. Et même si le ressentiment qu'elle éprouvait à son égard paraissait réciproque, rien n'indiquait qu'il parlerait de toute cette histoire à quelqu'un. Après tout, il n'avait rien à y gagner...

Le doute s'immisça jusqu'à elle.

— Par contre, je te préviens que si tu parles à qui que ce soit de ce que t'as entendu...

Déjà prêt à faire volte-face pour s'éloigner, son interlocuteur tourna en sa direction une moue dubitative, aux traits figés et tendus. Elle ne lui laissa pour autant pas le temps de rétorquer quoi que ce soit :

— Les rumeurs, ça tourne vite, tu sais.

Pour l'instant, elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle pourrait raconter dans l'hypothèse où elle devrait se venger, mais elle trouverait bien quelque chose si le besoin s'en faisait. Mieux valait pour lui – et pour elle – qu'il n'en parle pas, même si rien n'était certain. Même si elle se sentait un peu ridicule, à se braquer comme ça dans sa fierté, Kanae fit de son mieux pour n'en laisser rien paraître – le problème étant que, plus elle s'attardait sur le sujet, plus il risquait d'y porter attention.

La peau bien refroidie, ses nerfs retombés, la jeune fille estima qu'il valait mieux regagner le bâtiment avant de faire d'autres boulettes. Face à elle, le volleyeur l'observait avec une perplexité évidente, pas convaincu de l'approche qu'il devait avoir. Quelque chose dans son regard brun, un voile sombre teinté de jugement, l'enjoignait silencieusement à ne rien ajouter. Il devait faire la même taille qu'elle, peut-être deux ou trois centimètres de plus, aussi pouvait-elle observer avec attention cette façon singulière qu'il avait... de la jauger.

Il haussa les épaules.

— Je voulais pas m'en mêler, mais là Nagase avait raison. Tu devrais pas te bloquer autant dans ton égo.

Aux couleurs de l'Horizon | Haikyū!!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant