Chapitre 10 - Trois plus un

327 60 138
                                    





Si elle devait choisir entre « lucide », « stupide » ou « maso » pour se décrire, Kanae opterait pour un doux mélange des trois. C'était en tout cas ce que ce rendez-vous tardif au lycée pour terminer leur travail de littérature, qu'elle avait accepté, lui évoquait. L'envie de s'échapper après son club pour rentrer chez elle s'était faite tentante, mais elle avait été rattrapée par sa conscience et la perspective de ses révisions. C'était donc dans leur salle de classe, nettoyée et vide, qu'elle s'était installée en attendant l'arrivée de ses camarades.

« Bientôt je mourrai —
mais pour l'instant je ne vois
que le chant des cigales. »

Une jambe en tailleur sur sa chaise, elle lut le haïku pour la cinquième fois depuis qu'elle s'était installée ici, avant de considérer 9l'heure sur son téléphone, qui lui indiquait qu'elle avait encore un peu d'avance, mais plus beaucoup. Cette pensée formulée, des pas retentirent depuis le couloir pour lui indiquer que quelqu'un approchait. Une certaine déception la saisit lorsque la silhouette de Morita s'imposa à sa rétine.

— J'avais peur d'être en retard, indiqua-t-elle – et Kanae constata que ses respirations se faisaient rapides.

L'idée de la savoir se dépêcher de quitter son club l'irrita plus que de raison, même si au fond, elle comprenait pourquoi. Manageuse de l'équipe de basketball depuis leur première année, c'était comme cela qu'elle avait rencontré Hayato à l'époque. Des récits que son ex-copain lui avait faits, ils étaient rapidement devenus amis – « mais rien de plus, t'inquiète » pour le citer.

— À croire qu'il y a toujours pire, se contenta de répondre Kanae avec nonchalance.

Un silence lourd de malaise s'écrasa sur les deux jeunes filles, et ce fut bercée par celui-ci que la manageuse vint s'asseoir à sa place. Même si elle replongeait son attention sur les haïku, Kanae sentait les coups d'œil furtifs de sa camarade peser sur sa personne. Incapable de se concentrer, elle finit par lever la tête en sa direction.

— Quoi ?

— Je voulais te parler, Ibaragi-san. Ça fait un petit moment...

— Ça concerne les haïku ?

Elle connaissait bien la réponse, mais elle pouvait toujours y croire et tenter.

— Comme tu t'en doutes très bien, non aucun rapport.

Un soupir fila entre ses lèvres entrouvertes, laissé échapper sans qu'elle ne l'ait vraiment réalisé. Morita était peut-être la dernière personne avec qui elle avait envie de tenir une discussion sérieuse, ou l'avant-dernière si on rajoutait Hayato à l'hypothèse. Au point où même la perspective de dialoguer avec Yaku lui parut moins pénible et plus envisageable, c'était dire. Pourtant, quelque chose dans le regard de son interlocutrice la fit se décrisper

Elle hésitait presque, lorsque les mots glissèrent comme une capitulation :

— Je t'écoute.

— Tu sais, Haya... Hayato-kun n'a rien fait de mal, il t'a toujours respectée. La vérité c'est que tout ce qui se passe est ma faute, si j'avais–

— Écoute Morita, je sais pas trop ce que t'essaies de faire et ce que t'as besoin de prouver, mais votre histoire avec Hayato ne me regarde pas du tout, et elle ne m'intéresse pas. J'suis passée à autre chose, tu sais.

Elle oui, son égo un peu moins. Mais elle n'avait pas vraiment envie de l'admettre à voix haute.

— J'essaie juste de te faire comprendre ce qui s'est vraiment passé parce que j'estime que t'as le droit de le savoir. Hayato-kun n'a rien fait dans ton dos. C'est moi, je... Enfin pas volontairement. Mais à la Saint-Valentin–

Aux couleurs de l'Horizon | Haikyū!!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant