Prologue

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Prologue
Royaume d'Elysie
An 334
La rumeur c'était propagée comme une traînée de poudre dans la capitale. Le roi était mort, vive le roi. Le jour ne s'était pas encore levé mais les rues grouillaient déjà de monde. Les habitants de Medialis se retrouvaient aux coins des rues, aux bords des canaux. « Est-ce vrai ce qu'on raconte ? », « Cora, qui travaille au palais, a entendu des gardes le confirmer... », « On dit que la reine a péri avec lui. » « Mais comment est-ce possible ? ».
Ombre dissimulée de pourpre, un homme à la peau d'ébène traversait la place du marché à grands pas pressés. Il s'y était rassemblée une foule grouillante et, un air sombre sur le visage, il bouscula de sa haute stature un petit groupe de vieillards sans prendre la peine de s'excuser. Tournant dans une ruelle qui serpentait entre l'hospice et une auberge de mauvaise réputation, il descendit quelques marches escarpées et frappa au heurtoir d'une vieille porte verte, dissimulée dans l'ombre. Un bruit métallique ne tarda pas à se faire entendre et on l'invita à entrer le long d'un couloir humide. La femme qui lui avait libéré le passage possédait une expression indéchiffrable et il suivit la silhouette de sa chevelure brune qui trainait sur le sol de pierre.
-Tu en as eu la confirmation alors.
Il ne s'agissait pas d'une question.
-Le roi Roc est mort. Rose aussi. Le conseil et le prince Kudzu se sont réuni sans moi.
-Tu es inquiet, souffla la jeune femme en les faisant pénétrer dans une pièce illuminée par de nombreuses bougies et où trônait une petite table de bois ronde et deux chaises. Elle s'assit sur l'une d'elle et invita son visiteur à en faire de même d'un signe de la main.
-Il semblerait qu'il s'agisse d'un meurtre Marigold. Et pas par n'importe qui.
La femme sortit des cartes d'une boite en bois sombre et commença à les battre d'un geste machinal, les ombres des flammes dansant sur sa peau lisse et halée. Elle choisit et posa quatre cartes devant elle : une tour d'où tombait un homme, un diable nu, un homme pendu par le pied et une femme dénudée au bord d'un fleuve, sous les étoiles. L'homme retira le capuchon qui couvrait son crâne chauve et parcouru de fin entrelacement d'encre noire, comme la toile d'une araignée infiniment précise. Il se pencha sur le tirage de la sorcière, les yeux plissés.
-C'est ce que je craignais, murmura-t-il. La ville toute entière parle déjà de l'origine du meurtre. Une chimère. Par les Dieux, fallait-il que ce soit une chimère !
Il repoussa d'un geste brusque les cartes que Marigold rangea sans protester.
-Tu ne devrais pas perdre de temps Zael.
-Et que dois-je faire ? Questionna-t-il avec impatience en se levant et observant, sur les étagères autour de la pièce, les bocaux et les herbes séchées de celle qui s'était maintenant approchée du poêle pour y faire chauffer de l'eau. Elle ne lui répondit pas immédiatement, faisant tomber quelques herbes dans sa théière.
-A l'est, par-delà le fleuve, la vallée du Nix est encore un endroit sûr.
-Fuir ? Gronda Zael. Crois-tu vraiment que cela soit nécessaire.
-Je ne crois rien, rétorqua Marigold en versant l'eau et en le posant sur le poêle. Mais écoute, tend l'oreille. Déjà la nouvelle se propage. Une chimère a tué le roi et la reine. Une créature magique a réduit en cendre le bon roi et sa femme. Le moment est proche où le nom de Lizia échappera aux bouches du peuple.
-Lizia était un monstre.
-Lizia était une sorcière. Comme toi. Comme moi. La colère gronde. Le pays va s'embraser. Ne perd pas de temps Zael.
Le sorcier se laissa choir sur la chaise, le visage entre les mains.
-Après tous ses efforts... Comment en est-on arrivé là ?
Marigold posa devant lui une tasse brune dans laquelle elle versa le thé fumant. Zael releva la tête, saisit la tasse, souffla sur le breuvage parfumé et en but une gorgée.
-Et toi ? Finit-il par questionner tandis que son hôte posait sa propre tasse chaude tout contre son plexus solaire.
Elle lui sourit sans répondre et il finit son thé calmement avant de se lever. Il remit son capuchon, s'approcha de la porte et se dirigea vers la sortie. Avant de tourner la poignée, il s'immobilisa et se tourna vers la sorcière qui le regardait de ses prunelles sombres, un sourire aux lèvres, comme si elle attendait la question qu'il allait lui poser.
-La carte de l'Etoile ? Souffla-t-il, curieux.
La sorcière se contenta de sourire et Zael hocha la tête avant de s'engouffrer dans le couloir. Dehors les cloches sonnaient, des pleurs résonnaient dans les rues de la ville et une lueur écarlate enflammait l'horizon.

Âmes EmbraséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant