Chapitre 1

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3 ans plus tard

C'était un souvenir si flou qu'il arrivait parfois à Stella de croire qu'il s'agissait d'un rêve. Pourtant, elle se rappelait avec beaucoup de précision de ce qui c'était passé juste avant. L'anniversaire du Couronnement du roi Kudzu avait transformé en rires et en chansons les rues de la capitale. Depuis le balcon de leur castel, au bord du fleuve Proserpine, Stella pouvait voir le palais royal, illuminé de rouge, de vert et d'or par le feu d'artifice qui explosait au-dessus de ses tours. Azzio était d'une humeur massacrante ce soir-là. Il ne cessait de persifler à propos de Gregori qui avait eu la faveur du roi dans les invitations à la fête. Junie tentait de calmer son époux et Séléna était au temple. Stella, fatiguée d'entendre la rengaine de son père avait fini par décider de sortir prendre l'air. Il faisait très chaud ce soir-là. Les neiges de la montagne avaient fondu et emplissaient le lit du fleuve qui grondait tandis qu'elle marchait sur la rive. A un moment donné, elle avait voulu se rafraîchir et avait tendu la main vers le courant furieux. La chute avait été aussi brutale qu'inattendue et aujourd'hui encore elle n'était pas sûre de ce qui l'avait produite. Peut-être avait-elle tout simplement perdu l'équilibre. Peut-être la berge c'était éboulée sous ses pieds. Ou bien peut-être, parmi les fêtards qui couraient à tout va, l'un d'eux l'avait, sans le vouloir, bousculé. Quoi qu'il en soit, c'était à partir de là que tout devenait flou. Dans ses souvenirs l'eau était gelée, douloureuse, comme un milliard d'aiguilles dans sa peau. Son corps était lourd et tordu, blessé par le courant. Elle avait dû perdre connaissance. Par la suite, seule des sensations lui revenait : la blessure du sol contre son corps ankylosé, le ciel multicolore au-dessus d'elle ; des yeux clairs, myosotis ; le contact de lèvres sur sa propre bouche. Et une chaleur, diffuse, rassurante et réconfortante passant de sa gorge à sa poitrine, se propageant dans chacun de ses muscles et la tirant de l'état de somnolence inquiétant qui la gagnait. Des cris, le bruit d'un froissement d'ailes et des bras rassurant autour de ses épaules. « Tout va bien mademoiselle ? ». Elle s'était éveillée de lendemain matin dans son lit. Depuis cet évènement, un an auparavant, Stella n'avait plus jamais eu froid. Ce soir-là, Vitali l'avait ramené chez elle après l'avoir trouvé étendue au bord du fleuve et il était revenu la voir le lendemain, ainsi que le jour d'après. Junie plaisantait souvent avec sa fille à ce propos « Il a fallu que tu te jettes à l'eau pour trouver le plus beau parti de la capitale ! ». Cependant, elle c'était bien gardé de parler de celui qui l'avait sauvé, bien avant l'arrivée impromptue du Duc sur la berge. Souvent, elle revoyait ses yeux d'un bleu si clair, posés sur elle, cette silhouette découpée par les lumières du feu. Elle ignorait s'il s'agissait d'une illusion, mais l'image d'un diable, cornu et ailé, au-dessus d'elle la hantait. A Séléna, la seule à qui elle avait raconté son souvenir, elle avait avoué ce feu qu'il avait insinué en elle et qui l'avait sauvé de la mort. Sa petite sœur lui avait conseillé, judicieusement, de n'en parler à personne. La magie était bannie du royaume depuis près de trois ans, mieux valait ne pas se risquer ne serait-ce qu'à l'évoquer surtout dans les cercles aristocratiques dans lesquelles elle évoluait. Stella n'avait pu qu'approuver et avait gardé, jusque-là, le secret de son sauveur bien enfouie. Mais rien n'avait été pareil depuis ce fameux soir.
Le ruban avec lequel Stella s'échinait depuis vingt minutes à faire tenir sa longue chevelure brune pris feu entre ses doigts. Elle poussa un cri de frustration et le laissa tomber, enflammé, au sol de sa chambre, l'écrasant rageusement du talon. On toqua à la porte acajou.

-Stella ? Tout va bien ?

La jeune femme soupira et alla ouvrir.

-Oui mère... marmonna-t-elle en laissant passer le fauteuil roulant de Junie. La femme l'examina d'un œil amusé.
-Des difficultés avec tes cheveux ma douce ?

Stella saisi un coussin et le laissa choir au sol avant de s'y assoir tandis que sa mère attrapait brosse et ruban. Elle saisit les boucles de sa fille et s'appliqua à les tirer en arrière et à les nouer dans un enchevêtrement de nattes au-dessus de sa nuque.

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⏰ Dernière mise à jour : 3 days ago ⏰

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