Les pièges de la vérité

Sous la menace

Mon cœur battait encore à tout rompre, mais la peur avait cédé la place à une sorte de calme résolu. Je savais que j'étais au bord de quelque chose de grave, que chaque pas me rapprochait d'un danger plus grand encore. Les documents entre les mains, je fixai mon mystérieux allié, cherchant une réponse dans son regard.

« Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? » murmurai-je, consciente que la situation nous échappait déjà.

Il sembla peser ses mots, son regard sombre balayant les alentours comme pour s'assurer qu'on était seuls. « Nous devons trouver un endroit sûr, étudier ces documents et comprendre ce qu'ils contiennent exactement. Ensuite, peut-être qu'on pourra envisager de négocier. Mais attention : chaque personne qui a voulu les voir de trop près a disparu. »

Nous quittâmes l'ombre de la ruelle et, tout en restant sur nos gardes, nous rejoignîmes un appartement discret, apparemment l'un des repaires temporaires de mon mystérieux compagnon. L'endroit était spartiate, mais sécuritaire, et les fenêtres étaient soigneusement voilées pour éviter tout regard indiscret.

Il déplia les documents sur une table, les examinant sous la lumière tamisée d'une lampe de bureau. Certaines pages étaient marquées de symboles et de noms codés, tandis que d'autres contenaient des photographies et des listes de noms. La plupart des informations étaient en russe, et même avec mes quelques notions de la langue, j'avais du mal à déchiffrer le contenu. Mon compagnon, en revanche, semblait comprendre sans difficulté.

« Ici, » murmura-t-il en pointant une page. « Il s'agit d'un compte-rendu de réunions secrètes, probablement des contacts entre plusieurs hommes d'influence. »

Je me penchai pour mieux voir. Les noms, bien que souvent incomplets, évoquaient des figures politiques et des dirigeants d'entreprise. Cela allait bien au-delà d'une simple histoire d'espionnage. C'était un réseau entier de corruption, un cercle d'influence qui s'étendait de la Russie à d'autres pays.

« Mais qu'est-ce qu'Elena a bien pu découvrir qui soit aussi compromettant ? » chuchotai-je, réalisant soudain l'ampleur de ce dans quoi elle s'était retrouvée piégée.

Mon allié secoua la tête. « Elle a sans doute vu des choses qu'elle n'aurait jamais dû voir, ou entendu des conversations qui l'ont mise sur cette piste. Si elle a pris peur, c'est probablement parce qu'elle savait qu'ils ne la laisseraient pas fuir avec tout ce qu'elle savait. »

Je sentis une vague de panique monter en moi. Elena était quelque part, sans défense, poursuivie par ces gens impitoyables. Je devais la retrouver avant qu'il ne soit trop tard.

Alors que je reprenais mon souffle, mon allié sortit une carte pliée de sa poche et me la tendit. « J'ai une idée de l'endroit où elle pourrait se cacher. Elle a peut-être cherché refuge dans l'un des lieux sûrs que je lui avais mentionnés un jour, juste au cas où elle aurait besoin d'aide. C'est un appartement à l'écart, difficile à localiser. Si elle est toujours en ville, c'est notre meilleure chance de la retrouver. »

Je fixai la carte avec espoir, me demandant si elle me mènerait enfin à Elena. « Tu es sûr que c'est là qu'elle serait allée ? »

« Non, mais elle sait que cet endroit est isolé, loin de tout réseau de surveillance. Elle pourrait y rester cachée, en espérant que tout cela finisse par se calmer. »

Sans perdre de temps, nous quittâmes l'appartement, prenant soin de dissimuler les documents dans un sac que je portais en bandoulière. Mon compagnon m'avertit qu'il serait peut-être préférable de nous séparer pour atteindre l'adresse en question, au cas où quelqu'un nous suivrait. J'étais nerveuse à l'idée de marcher seule, mais il avait raison : si on était suivis, il valait mieux minimiser les risques.

La route jusqu'au lieu indiqué fut un calvaire de suspense. Chaque bruit de pas, chaque ombre dans la rue me faisait sursauter. L'appartement se trouvait dans un quartier excentré, au dernier étage d'un vieil immeuble. J'entrai dans l'immeuble désert, mon cœur battant à tout rompre alors que je montais les escaliers étroits.

En arrivant à la porte, je pris une grande inspiration et toquai doucement. Aucun bruit ne vint de l'intérieur. J'hésitai, craignant d'avoir fait tout ce chemin pour rien. Mais alors que je tournais la poignée, la porte s'ouvrit lentement. L'appartement était plongé dans une semi-obscurité, les rideaux tirés. Un léger souffle de vent faisait flotter une odeur de poussière et de papier jauni.

« Elena ? » murmurai-je, presque inaudible.

Un faible mouvement attira mon attention. Dans un coin de la pièce, derrière un canapé, je distinguai une silhouette frêle et fatiguée. C'était elle. Elle se tenait là, les yeux cernés, le visage pâle, mais bien vivante. Je me précipitai vers elle, les larmes aux yeux.

« Elena ! » m'exclamai-je, la serrant dans mes bras.

Elle resta figée, comme si elle n'en croyait pas ses yeux. « Pourquoi es-tu venue ? » demanda-t-elle, la voix brisée. « Je t'avais dit de rester en dehors de tout ça... »

« Je ne pouvais pas. Tu es en danger, et je ne pouvais pas t'abandonner. » Je lui montrai les documents. « J'ai trouvé des preuves. Avec ça, peut-être qu'on peut te tirer de là. »

Elena regarda les papiers d'un air abattu. « Ce n'est pas si simple. Ces gens-là ne s'arrêteront pas tant qu'ils n'auront pas récupéré ce que je sais. Et maintenant, tu es impliquée aussi. »

À cet instant, mon compagnon arriva, s'assurant que personne ne nous avait suivis. Il jeta un coup d'œil à Elena et lui tendit un téléphone jetable. « On peut utiliser ces informations pour négocier, mais il va falloir être prudents. Il y a des gens en haut lieu prêts à tout pour enterrer cette histoire. »

Elena soupira, comme si tout espoir l'abandonnait. « Même avec des preuves, personne ne se risquera à les affronter. Ce réseau s'étend bien au-delà de Dmitri. »

Je sentis un frisson me parcourir. Nous étions face à quelque chose de bien plus grand que nous. Mais je refusais de me laisser abattre. « Peut-être que si on leur laisse croire qu'on a des copies ailleurs, ils hésiteront à nous poursuivre. Il faut qu'on les force à se dévoiler, à prendre le risque de cette exposition. »

Elena me fixa avec un mélange de peur et d'espoir. « Tu es sûre de vouloir faire ça ? Il se pourrait qu'on n'en sorte jamais. »

Mon compagnon hocha la tête, approuvant mon idée malgré ses propres réserves. « Si vous voulez que ça fonctionne, il va falloir être rusés. On envoie un message, un avertissement, en leur faisant croire que ces documents seront rendus publics s'il arrive quelque chose à l'une de nous. »

Elena, moi et notre allié savions que la moindre erreur pouvait signer notre arrêt de mort. Mais pour elle, pour la vérité, j'étais prête à tout risquer. Nous étions à présent trois dans cette lutte, unis dans une alliance fragile mais déterminée.
                                                               À suivre...