Après une heure de course-poursuite, j'arrive enfin à les semer. Je m'assois sur le divan d'une vieille dame qui me laisse de temps en temps me poser chez elle, quand j'entends la porte s'ouvrir. Je n'ai même pas le temps de me lever que j'entends la phrase, la voix que je fuis depuis au moins quatre ans.
- Amnah Kartei, comme on se retrouve. On est l'équipe du SNCMA, tu dois nous suivre immédiatement sous l'ordre de l'administration et de la cour de justice.
- Je ne peux pas vous aider, au revoir.
- Ne m'oblige pas à te faire sortir de force d'ici.
- Fais ce que tu veux.
- D'accord.
Une heure plus tard, je me retrouve dans une salle aussi froide que sombre de tristesse. Les heures passent, les gens défilent dans cette salle, mais je ne compte pas céder.
La salle, la situation, toute cette journée ressemble tellement à un cauchemar. Lorsque mes yeux le regardent, je ne comprends pas la raison qui le pousse à m'interroger quand tout ça a commencé avec lui. Devant ses collègues, il fait semblant de ne pas comprendre mes actions quand c'est lui qui m'a formé. Au final, j'ai seulement reproduit ce qu'il m'a enseigné. La porte s'ouvre pour la énième fois, cette fois-ci, il est seul.
Il se comporte enfin comme il devrait se comporter. Il s'assoit près de moi, me prend dans ses bras et me berce. Lui, tout silencieux, et moi inquiet de la suite. Lorsqu'il rompt le silence, que nos regards se croisent, je sens mon cœur se briser tout en l'écoutant :
- Accepte la proposition qu'on te fait, c'est la seule chance pour toi de ne pas finir en prison à dix-huit ans.
- Je n'ai pas envie, je n'ai plus envie....
- Il faut que tu t'en sortes, je veux que tu t'en sortes...
- Abel, c'est toi qui m'as appris à survivre comme ça, on était ensemble à faire cela avant que tu disparaisses, ils t'ont utilisé pour leur « système de sauvetage » moi je ne veux être sur les ordres de personnes. Je n'ai pas besoin de vous pour m'en sortir.
- Et moi je te dis que je vais tout faire, pour te sauver.
- T'aurais dû le faire il y a 7 ans quand t'as décidé de m'abandonner.
- Je ne t'ai pas abandonné, tes parents t'ont abandonné alors que t'avais 5 ans, je t'ai nourri et pris soin de toi. Eux, ils étaient où.
- Ferme-la, ne parle pas d'eux. Toute ta vie tu n'as fait que salir leur mémoire.
- Tu es trop naïve, ils t'ont abandonnée.
- Ils sont morts...mort...
- Une mort qu'ils sont partis chercher.
- Ferme-la.
- Ils ont choisi de t'abandonner, ils ont choisi de se sauver et de te laisser enregistre ça. Pourquoi tu penses qu'ils ont laissé ce stock de vêtements pour au moins cinq ans ? Ils ont choisi que tu devrais bien vivre jusqu'à tes 9 ans et ensuite que tu devais travailler. Ils ont choisi que tu sois mauvaise.
La haine brûle tout mon corps face à tous ces mots, le contrôle que j'ai sur moi me quitte. Il ne me reste plus aucune patience, alors je me jette sur lui. Il se laisse faire, puis se relève avec un sourire et me dit « c'était trop facile, je t'ai sauvé ». Il se met à crier et deux hommes rentrent dans la salle. Ils vérifient que leur collègue se porte bien avant de quitter la pièce ensemble.
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Une vie à sauver
PertualanganDepuis ma naissance, tout a été conditionné pour que je sois là. Étape par étape, ils m'ont emprisonné ici. Quelle a été ma faute ? - Être la fille de mes parents...