prologue

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Ce jour-là, j'aurai aimé que l'on me dise : beaucoup de choses commencent par une rupture.

Je regarde mon collant se filer d'un seul œil. Celui qui fonctionne. L'autre semble être complètement soul.

Je trébuche contre une pierre. Ou peut-être est-ce un banc. Peut-être même que c'est un banc en pierre. Je sens la chute une fois que mes fesses atterrissent sur la pierre froide. Je suis presque sûre que mon collant vient de se filer de nouveau.

- Aie.

Je me relève difficilement. Trop difficilement. Mon sac est tombé à quelques mètres de moi, je ne sais même pas comment il a pu tomber aussi loin. On dirait que quelqu'un y a mis un coup de pied. Je me baisse pour le rattraper et continuer ma route.

Je suis au milieu d'une place. Je devrais trouver un mur, pour m'y tenir. Pour marcher, avec le mur. C'est bien ça, marcher avec le mur.

Je rattrape mon sac à quatre pattes et je me relève. Soudainement très fatiguée, je finis par reculer pour m'asseoir sur la pierre, enfin, sur le banc en pierre. Il est froid, mais étrangement confortable. Est-ce possible qu'il y ait de la mousse dans la pierre ?

Je devrais m'y allonger. Juste quelques secondes. Le temps de faire une pause avant de rentrer chez moi. Les étoiles tournent au-dessus de moi et je savais que la terre tournait, je n'en ai jamais douté, mais avant cette nuit, je ne l'avais jamais remarqué. Je n'avais surtout jamais remarqué qu'elle tournait aussi rapidement.

Je ferme les yeux quelques secondes. Juste quelques secondes.

*

- Hey. Hey. Réveille-toi.

Apparemment, la terre a arrêté de tourner. Et le ciel a disparu. Il s'est changé en quelque chose de bizarre. Est-ce que le soleil s'est levé ? En fait, je remarque une odeur. Celle du fer, celle du tabac froid et des effluves d'alcool. Et un tout petit peu de cannelle.

Il s'agit de quelqu'un. Devant moi. Il s'agit de quelqu'un ?

Je relève la tête en catastrophe et mon front heurte quelque chose de froid.

- La vache !

Je reprends mes esprits rapidement. Le banc en pierre. La centrale. Je me suis endormie à la centrale ?

L'homme en face de moi est en train de geindre et mon cœur se met à marteler, perdue entre la surprise et la peur. Le ciel lui est toujours aussi foncée, d'un bleu nuit, parsemé d'étoiles, mais dépourvu de lune. Les étoiles ne tournent plus.

Un peu paralysée, je tente de voir ce qui lui arrive.

Quand il retire sa main, mon sang se glace. Le sien ? Non. Le sien coule le long de son arcade sourcilière et emplit ses mains. Je me lève dans un sursaut, pendant qu'il va plonger ses deux mains dans l'eau de la fontaine. Il doit probablement y laisser une sale trainée rouge, comme celle qui dévale sa figure.

- Bordel, je jure. C'est moi qui t'aie fait ça ?

La seule chose que je vois de lui, c'est son sourire se lever en coin et son air qui me semble familier.

- J'aimerais te dire oui, malheureusement, tu as juste réveillé une blessure un peu fraîche.

Je m'approche de lui à tatillon.

Il tourne la tête vers moi et j'écarquille les yeux. Son œil gauche est gonflé, rougie par le sang coagulant. Il y porte un mouchoir qui devait probablement être blanc, pour arrêter l'hémorragie qui coule de son arcade, et semble, surtout et bizarrement, très amusé par la situation.

midnight blueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant