Esperanza

01.

                                                                                LAYNA

Université, New york

« Tu devrais vraiment penser à faire un régime. Là, ça commence à devenir insupportable. »

« Avec tout ce que tu manges, pas étonnant que tu sois comme ça. »

Je sais, maman, je sais. Croirais-tu si je te disais que je fais tout mon possible pour que tu n'aies plus honte de moi ? Hélas, je rechute chaque fois, reprenant les quelques kilos perdus aussi vite qu'une allumette s'enflamme.

Je sortis de mes pensées en sentant une main secouer mon bras replié sous ma tête.

- Layna, allez, lève-toi, le cours est terminé. On sort, répéta-t-elle.

- Oh, désolée, je ne t'avais pas entendue, répondis-je en me tournant vers la voix qui m'avait interpellée.

Je rangeai mon iPad et mon carnet de croquis rose, orné d'un « L » personnalisé sur la couverture, puis je me levai pour quitter l'université, accompagnée de mon acolyte.

- On passe à l'épicerie, puis on rentre chez moi, ça te dit ? proposa Sarah, ma meilleure amie, en ajustant son voile en Jersey noir.

- Avec plaisir ! dis-je souriante, impatiente de passer l'après-midi avec elle.

Nous prîmes la direction de la petite épicerie à cinq minutes de notre école d'architecture. La brise fraîche de septembre caressait ma peau, m'arrachant de légers frissons.

Après avoir acheté tout ce dont nous avions besoin, nous prîmes les transports en commun. En un clin d'œil, nous étions dans la cuisine de Sarah, prêtes à préparer les paquets de nouilles achetés plus tôt.

- J'ai une de ces faims ! Tiens, tu me passes la casserole ?

- Oui, moi aussi je meurs de faim, je ne me souviens même plus de la dernière fois où j'ai mangé, plaisantai-je en lui tendant la casserole.

Si elle savait que ce n'était pas juste une blague...

- Ça te dit qu'on se retrouve demain après-midi à Central Park pour avancer sur notre maquette ? proposai-je pendant que nos nouilles cuisaient.

- Demain ? Oui, ça marche, mais je ne serai dispo qu'à partir de 16 h, j'ai un truc à régler avant.

Je partis dans son salon allumer la télévision. Elle s'alluma sur une chaîne d'infos, et Sarah me rejoignit sur le canapé blanc, les bras chargés de nos assiettes de nouilles et de boissons.

C'était une tradition que nous avions depuis le lycée. Tous les vendredis après les cours, nous passions l'après-midi chez elle, à manger des nouilles et d'autres sucreries. Au fil du temps, ces vendredis après-midi étaient devenus sacrés. Jamais nous ne les manquions, sauf en cas d'urgence, et toujours en avertissant l'autre.

La voix d'une journaliste à la télévision m'arracha à mes souvenirs.

- Nous venons de recevoir la confirmation qu'une attaque a eu lieu dans une gendarmerie du quartier de Soho, à Manhattan. Trois hommes ont été retrouvés morts, tués d'une balle dans la tête, puis égorgés, leur laissant ce qu'on appelle le « sourire kabyle ». Pour l'instant, on ignore qui est derrière cette attaque ou pourquoi a-t-elle été commise, mais la police estime qu'il y aurait au moins quatre assaillants. La mairie de New York recommande de rester chez soi autant que possible et de ne sortir qu'en cas de nécessité.

Nous restâmes figées, les yeux écarquillés. Sarah, surprise, recracha même l'eau qu'elle venait de boire.

- Putain... C'est dans le quartier où j'habite, c'est là que travaille Aaron, murmurai-je, tremblante.