Chapitre 1

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Le vent s'infiltrait dans les rues étroites du village, emportant avec lui des murmures presque inaudibles. Les pavés luisants sous la pluie récente renvoyaient des éclats d'un passé lointain, comme si chaque pierre avait une histoire à raconter. Maxime avançait avec précaution, jetant des regards furtifs autour de lui. Il n'avait pas l'habitude des villages isolés, mais quelque chose dans ce lieu l'avait attiré, un sentiment étrange, presque familier.

Après quelques minutes de marche, une enseigne branlante attira son attention : Auberge des Égarés. Les lettres délavées semblaient promettre à la fois un abri et des mystères enfouis. Maxime hésita un instant. Ce n'était pas vraiment le genre d'endroit où il se sentait en sécurité, mais la pluie menaçante et le froid envahissant finirent par le convaincre.

En poussant la porte, il fut accueilli par un silence lourd, seulement troublé par le craquement du bois sous ses pas. L'odeur de la poussière et du bois humide emplissait l'air, donnant à l'endroit un parfum de nostalgie. Derrière le comptoir, une femme au visage marqué par les ans le fixait d'un regard énigmatique, presque perçant.

– Besoin d'un lit pour la nuit ? demanda-t-elle, d'une voix qui semblait sortir d'un autre temps.

– Oui, répondit Maxime en détournant légèrement le regard, mal à l'aise sous son inspection insistante.

Il sortit son portefeuille pour payer, mais avant qu'il ne puisse lui tendre un billet, un autre client entra brusquement, faisant grincer la porte et résonner le silence de l'auberge. Maxime tourna la tête pour apercevoir un jeune homme, apparemment dans la même tranche d'âge que lui, au visage illuminé par un sourire narquois et une attitude désinvolte. Son air nonchalant tranchait nettement avec l'atmosphère oppressante de l'auberge.

– Belle soirée pour une aventure, hein ? lança le nouvel arrivant avec un clin d'œil, comme s'ils se connaissaient déjà.

Maxime hocha la tête en réponse, peu enclin à engager la conversation. Pourtant, ce dernier s'approcha de lui sans hésiter, comme s'ils étaient de vieux amis. Il posa son sac à ses pieds, regardant la vieille femme avec un sourire malicieux.

– Vous aussi, vous venez affronter les légendes locales ? demanda-t-il à Maxime, son ton oscillant entre sérieux et ironie.

Maxime haussa les épaules, préférant éviter d'avouer qu'il ne connaissait rien des histoires du coin. Avant qu'il ne puisse répondre, la propriétaire leur tendit à chacun une clé, ses yeux perçants passant de l'un à l'autre. Juste avant qu'ils ne prennent les escaliers menant aux chambres, elle murmura d'une voix grave, presque solennelle :

– Soyez prudents. Ici, on dit que les souvenirs sont capricieux... Il n'est pas rare qu'ils s'évanouissent avec la nuit.

Sidjil, le jeune homme avec le sourire moqueur, éclata de rire.

– Des souvenirs qui s'évaporent ? C'est original comme légende ! On verra si j'oublie qui je suis d'ici demain matin.

Maxime esquissa un sourire, amusé malgré lui. Il suivit Sidjil, qui montait déjà les escaliers grinçants en sifflotant, son sac négligemment jeté sur une épaule. La vieille femme les regarda disparaître dans l'ombre, ses yeux voilés par une lueur d'inquiétude. Si elle avait essayé de les avertir, ils n'avaient manifestement pas pris son message au sérieux.

Le couloir menant aux chambres était faiblement éclairé par des lampes vacillantes, projetant des ombres mouvantes sur les murs. Maxime avait la chambre 7, juste en face de celle de Sidjil, la chambre 8. En ouvrant la porte, il découvrit une petite pièce simple, avec un lit en bois massif, une table de chevet et une fenêtre donnant sur le cimetière du village, où la brume semblait danser autour des vieilles pierres tombales.

Il posa son sac et s'étira, profitant du silence. Pourtant, un étrange malaise s'empara de lui, comme si quelque chose l'observait. Il se força à ignorer cette impression, se disant qu'il s'agissait seulement de la fatigue et du mystère ambiant.

De l'autre côté du mur, Sidjil sifflotait toujours, indifférent à l'atmosphère pesante. Maxime sourit, pensant que la présence de ce jeune homme insouciant pourrait peut-être atténuer la tension de l'endroit.

Quelques minutes plus tard, il entendit frapper à sa porte. En l'ouvrant, il découvrit Sidjil, appuyé nonchalamment contre le cadre, un sourire narquois au coin des lèvres.

– Ça te dit un petit tour dans le village ? Il paraît que certaines tombes ont des inscriptions étranges... et que les âmes perdues errent encore dans les ruelles.

Maxime hésita, mais l'idée de se balader semblait moins oppressante que de rester seul dans cette chambre où le silence pesait lourd. Il attrapa sa veste et suivit Sidjil à l'extérieur. Ensemble, ils déambulèrent dans les ruelles désertes, leur souffle se mêlant à la brume qui enveloppait le village.

Ils échangèrent quelques mots, apprenant à se connaître sans pour autant dévoiler trop de leur passé. Maxime sentit une certaine chaleur dans la compagnie de Sidjil, une légèreté qui contrastait avec ses pensées souvent sombres. Pourtant, alors qu'ils passaient devant l'auberge pour retourner à l'intérieur, un détail attira son attention : les lumières semblaient vaciller plus que d'ordinaire, et la vieille propriétaire, restée au comptoir, leur lança un regard étrange, presque inquiet.

Cette nuit, en se glissant dans leurs lits respectifs, ni l'un ni l'autre n'arrivèrent à fermer l'œil immédiatement. Ils ignoraient encore que cette première nuit à l'Auberge des Égarés marquait le début d'un périple où chaque souvenir pourrait être la clé... ou le piège.

La malédiction des oubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant