Nous réfléchissons.
« Et si on essayait de rouvrir les portes ? propose le grand, peut-être que leur contenu a changé. De toutes façons c'est soit ça soit le retour au couloir...
- Tu as peut-être raison, répond-ai-je, mais on ne peut pas prendre de risque.»
Je serais tenté de suivre son intuition, mais ma conscience me souffle de ne pas le faire. Et c'est cette conscience qui nous a sauvé la vie plus d'une fois. Nous n'avons pas le temps d'émettre d'autres hypothèses.
Un cri de dément retenti dans le couloir. Il vient de là où nous sommes arrivés. Il est profond, terrifiant. Une chose est sûre, ce n'est pas un cri humain. Le beuglement est suivi des habituels bruits de ferraille. Sauf qu'ils n'ont jamais été autant proches. Jamais autant fort. Nous sommes obligés de plaquer nos mains sur nos oreilles.
Un regard suffit pour nous mettre d'accord.Nous courrons dans le couloir. Tentant
d'échapper à la créature qui nous poursuit. Nous abandonnons le corps de la fille dans la pièce à manger.Nous courrons durant de longues heures. La faim ravivée par le buffet n'a pas disparue. C'est étrange que nous n'ayons jamais eu ce sentiment. C'est comme si tous les repas que nous avions sautés réclamaient justice en même temps. Nous sommes épuisés, affamés, terrifiés, et le cadavre de
la fille ne veut pas s'enfuir de nos pensées.Je ne sais pas combien de temps nous avons couru. Probablement des heures. Je sais juste que, soudain, le grand me sortit de mes pensées.
« Hey ! Une lumière... Tout au fond... »
Il dit la vérité. Tout au fond du couloir, peut-être à des kilomètres de nous, brille une lueur verdâtre. Presque comme la pièce ronde, sauf qu'on ne distingue pas de fond. C'est comme si le
couloir s'arrêtait. Enfin ! Sans même laisser le temps au grand de parler plus longtemps, j’accélère la course. L'espoir revient.Nous courrons pendant un long moment. La lumière se rapproche de plus en plus. Elle devient plus forte au fur et à mesure que nous approchons. Nous ne sommes qu'à quelques dizaines de mètres lorsque je vois ce qu'éclaire la lampe.
Un mur.
Le couloir s'arrête net. Je me précipite vers cette fin. Le mur ne bouge pas, malgré les nombreux coups que je lui assène. Le grand m'a rejoint et panique autant que moi.
« C'est quoi cette merde ? Un mur ? C'est ça la fin du couloir ? C'est une blague !? »
Je m'effondre. Tremblante, je cherche à chasser mes pensées. Nous n'entendons pas encore les bruits de ferraille, nous les avons bien distancés, mais nous savons qu'ils courent toujours derrière nous. Le grand s’assoie à mes côtés. Il met sa tête entre ses genoux et commence à pleurer.
Je voudrais bien faire de même mais les larmes ne montent pas. Seule la peur domine mes pensées.
Nous restons comme ça, attendant notre sort.Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé quand j'entends les bruits de ferraille. Un instinct s'empare de moi. Je secoue le grand et lui hurle dessus. Je commence à paniquer sérieusement. Je
me lève et tambourine le mur qui nous condamne tant. Je donne des coups, je griffe, je tente de le pousser. Le grand m'imite, secoué de sanglots. Les bruits se font plus insistants.Tout d'un coup, j'arrête de frapper le mur. Ce n'en est plus un. Ce n'est plus la même surface lisse, c'est un miroir. Je vois le reflet du grand, et, pour la première fois, je me vois.
Je suis bronzée, j'ai un tout petit nez, mes yeux sont marrons, comme la fille, j'ai des épaules larges et une forte poitrine. Mes joues sont parsemées de taches de rousseurs qui ressortent sous la lumière verte.Puis je le vois. Dans le reflet, derrière nous. Il doit être à au moins un kilomètre de nous, pourtant, on distingue très bien ses doigts fait d'armes de métal. Sa silhouette dépasse de loin la taille d'un être humain. Son corps n'a pas de forme propre, on dirait une sorte de tache constamment en mouvement. Immense et imposant. Son corps est recouvert d'un tissu blanc. Le drap cache son torse, son ventre et ses cuisses. Mais il dévoile ses clavicules dénuées de chair et ses mollets maigres comme tout.
Son visage... Si on peut appeler cette sorte de face déformée un visage, est inhumain. Ses yeux sont tout noirs, sans aucune source de lumière possible. Son nez est inexistant, ou du moins
trop enfoncé dans sa chair pour qu'on puisse le voir. Ses joues sont creuses, lourdes de rides. Ses cheveux sont éparpillés en différents pics tous plus longs les uns que les autres.Et son sourire...
Son sourire s'étend sur toute la largeur de son visage, allant d'une oreille à l'autre. Il doit avoir au moins une centaine de dents, toutes pointues et menaçantes. Ses lèvres sont minuscules. Sa langue est longue et séparée en deux.Ses mains se prolongent en doigts de fer. Il ne porte pas de chaussures. Ses pieds sont uniquement constitués de plaques de fer. Il glisse sur le sol plus qu'il n'avance. Ses doigts de métal crissent sur le parterre du couloir, donnant vie aux bruits de ferraille nous terrifiant.
Les cris humains sont bien présents, derrière lui. Comme si ce monstre guidait une armée de mort vivant, victimes constantes de tortures.
Je ne peux détacher le regard de cette chose. Le grand non plus. Nous sommes bloqués, condamnés à mourir sous les violences de cette créature de métal.
La ferraille n'est plus qu'à quelques dizaines de mètres quand le mur change encore.
Ce n'est plus un miroir, c'est une vitre. Derrière, on voit quatre personnes, plutôt jeunes, se relevant en se
massant la tête. Ils regardent autour d'eux, sans comprendre. Il y a deux filles et deux garçons, tous portent une combinaison verte et noire. Ils ne voient pas la lumière, ils ne nous voient pas. Je hurle.Le grand me rejoint. Nous hurlons pour qu'ils se sauvent. Ils ont un mouvement de peur, de recul. Puis l'une d'entre eux crie :
« Courrez ! ».Ils s'enfoncent dans le couloir infini. Je continue de crier, même lorsque je peux sentir le souffle rauque du monstre de ferraille contre mon cou.
Ils doivent se sauver. Ils auront probablement plus de chance que nous. Il n'y a qu'une solution.Courir. Il faut courir. Courir.
xxx Fin xxx
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Merci d'avoir lu cette nouvelle ! Elle est très différente des précédentes, de par son style que son thème, cette fois il n'est plus question d'un présent mais d'une dystopie. Elle émerge d'une soirée avec des amis, où nous devions créer une histoire, et l'idée m'est venu de l'écrire. Je pense avoir fait le bon choix. :))
J'espère que cette histoire plutôt horrifique vous aura plu !!
N'hésitez pas à me faire des retours, quels qu'ils soient !Merci encore pour votre lecture !
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Courir
Short StoryNous nous sommes juste réveillés. Dans ce couloir noir. Dans cet enfer. Je ne saurais pas vous dire depuis combien de temps nous avons commencé à courir. Nous n'avons aucune notion du temps. Nous savons une chose, il faut courir. Courir.