Chapitre XXVIII : Le bon cavalier

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Le bruit s'intensifia, la silhouette se dessina plus précisément, avançant rapidement dans les allées du domaine. La robe du cheval semblait aussi sombre que la nuit elle-même, le cavalier portait une longue cape qui le protégeait de la pluie. Le cœur de Lyra battait plus fort, une force invisible l'empêchait de faire le moindre mouvement.

Le cheval s'arrêta juste devant les portes, ses naseaux fumants dans l'air glacé. Lyra, à quelques mètres, protégée par l'obscurité, observait, attentivement.

Le cavalier descendit et amena son destrier à l'abri sous les arcades, à l'opposé de Lyra. Elle le vit ensuite s'approcher des portes, poser une main sur les poignées, mais ses gestes trahissaient une certaine hésitation. Il souleva sa capuche. Le cœur de Lyra cessa de battre quelques secondes, c'était lui, elle ne l'espérait plus, pourtant, c'est comme si elle savait que c'était lui, depuis le début.

Elle s'approcha doucement, les jambes tremblantes. Le jeune homme ne la remarqua pas, perdu dans sa profonde réflexion.

Elle n'était plus qu'à quelques pas de lui. Sa démarche était fébrile, elle avait l'étrange impression d'avancer en direction d'un étranger.

Alors qu'il semblait sur le point de pousser les portes, elle rassembla son courage et s'exclama :

« Elwynn !

Le jeune homme s'arrêta net, comme si l'intervention de la jeune femme l'avait transformé en pierre.

« Un mot de ta part, et je deviens sourd. »

Elle s'avança encore, pour qu'il puisse la voir à la lumière des lanternes. Il ne la regarda pas, les yeux fixés sur la poignée.

Lyra posa doucement sa main sur son épaule, sentant son cœur se fendre à la vue de son visage empreint de tristesse.

« Un simple effleurement de tes doigts et je disparais en poussière... »

- Elwynn, c'est moi, Lyra.

Il tourna lentement la tête.

- Lyra ? réussit-il enfin à articuler.

Elle acquiesça, avec un sourire doux.

Sans qu'il s'en rende compte, ses doigts tremblants vinrent frôler une mèche bouclée qui s'échappait délicatement près de son visage, hésitants à la toucher comme s'il redoutait que tout ce moment ne s'évapore en un souffle.

« Un simple sourire, et je me brise. »

- L... Lyra ? murmura-t-il, cherchant des mots qui ne venaient pas, perdu dans la contemplation de ce visage qui le hantait depuis si longtemps.

Elwynn, qui était venu ici simplement pour la voir, se retrouva ébranlé, plus vulnérable qu'il ne l'avait jamais été. Elle était là, devant lui, mais quelque chose en lui savait que cet instant leur échappait déjà. Elle lui semblait presque irréelle, un mirage.

La musique qui résonnait derrière les portes vint se mêler au bruit de sa respiration saccadée.

- Tu es venu, déclara Lyra. Si tu savais comme je suis heureuse que tu sois là. Tu devrais vite rentrer pour te réchauffer, tu es trempé...

Elle s'apprêtait à ouvrir les portes, mais il posa sa main sur les siennes. Il savait que s'ils franchissaient ces portes, les choses deviendraient trop réelles, il voulait prolonger cet instant. Cet instant où il n'était plus Elwynn Prerya, qu'il n'était plus cet homme lâche qui avait renoncé à tout ce qu'il avait toujours aimé. Il voulait être Elwynn, celui qui était enfoui au fond de lui, celui qui aimait Lyra Artelis plus que sa propre vie.

Le Chant De La Pluie : Livres I et IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant