Chapitre 5: Girl on fire

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La pression envahit mon être, ma poitrine se serre, ça y est... Nous sommes toutes et tous aligné.es, comme nous l'avons répété plus tôt dans la journée, l'écran géant va se lever dans quelques secondes et face à nous se trouvera le public du studio 217, les professeur.es et nos rêves plein la tête. J'entends de plus en plus les cris du public, je ferme les yeux, prends une grande inspiration et quand je rouvre les yeux, l'écran nous arrive au niveau de la taille. Je tourne une dernière fois la tête à droite, Axel me regarde, des étoiles dans les yeux, puis à gauche, Julien me fait un clin d'œil comme pour me rassurer.

— Ils et elles sont là, derrière ce rideau, prêts et prêtes à vivre leur rêve pendant des semaines au château. Ils et elles nous viennent de la France entière et de la Belgique. Mesdames et messieurs, veuillez accueillir nos 13 académiciens et académiciennes pour la 11e saison de la Star Academy.

La voix de Nikos bourdonne dans mes oreilles, je ne parviens pas vraiment à distinguer tout ce qu'il dit. Je suis comme hors de mon corps.

— Dans quelques secondes, vous découvrirez leurs visages, leurs voix et leurs univers. Veuillez accueillir : Lola, Louis, Lénie, Pierre, Héléna, Victorien, Clara, Axel, Candice, Julien, Marie-Maud, Margaux et Djebril.

Je reviens à moi quand j'entends mon prénom. Ça y est, c'est le moment de descendre les marches, main dans la main avec les personnes qui partageront ma vie pour les prochaines semaines. Nous nous dirigeons tous et toutes vers les gradins sur le côté droit de la scène pour y prendre place afin d'écouter la première prestation de la soirée. C'est la première fois que je vois le studio dans cette configuration : la lumière, la chaleur du public présent pour ce premier tour de scène. Je ne parviens pas encore à réaliser pleinement ce qui est en train de se passer. Je croise le regard de ma sœur dans les gradins, derrière les professeur.es. Pour cette première, mes parents, Méline, Élise et Cléo, une amie d'enfance, sont venus me soutenir. Le fait de les voir me fait peu à peu atterrir sur le plateau du studio 217. Mon regard se pose frénétiquement sur le public, mes camarades, les technicien.nes en train de mettre en place le décor de la première prestation. Sur l'écran géant, le portrait d'Axel défile. Il est directement parti dans les coulisses pour les dernières retouches avant de monter sur scène. Les éclairages se modifient, il entre en piste. Je suis impressionnée par sa voix. Il interprète Le monde est stone. Au moment fatidique de la fameuse note, je serre les fesses pour lui, mais il réussit à la passer brillamment. J'ai juste le temps de féliciter Axel quand il revient s'asseoir près de nous que le studio 217 est plongé dans un léger brouillard à l'ambiance tamisée.

Un nouveau camarade est sur la scène. Il me semble qu'il s'appelle Pierre. Je l'ai croisé ce matin dans les couloirs, mais nous nous connaissons encore très peu. Je ne me souviens pas l'avoir aperçu lors des auditions et, même si depuis mercredi nous avons toutes et tous pris possession de nos chambres dans le même hôtel, tout a été pensé pour que nous nous croisions le moins possible. Dès les premières notes de guitare, je suis transportée aux côtés de Bradley Cooper et Lady Gaga. Je me surprends à être émue, et en même temps pas tant que ça : j'ai toujours eu un petit faible pour les histoires d'amour tragique. Leur duo est vraiment magnifique. Les fins de phrases d'Héléna me transpercent le cœur. Les applaudissements et les cris du public me ramènent à l'instant présent. Au même moment, Luc, un des coordinateurs techniques du plateau, m'interpelle avec un signe de la main.

— Candice, tu peux me suivre, c'est bientôt à toi.

Je me lève. Je fais attention de ne pas chuter en descendant les deux petites marches sur les côtés de l'estrade. En descendant, Louis, un de mes camarades avec qui j'ai pu discuter un peu plus que les autres puisque nos chambres étaient côte à côte, me lance un regard plein de tendresse.

— Donne tout, ma belle, c'est ton moment.

Ses mots me réconfortent. Je prends de grandes inspirations. Je croise Lénie au coin des micros ; on se prend mutuellement dans les bras pour se donner du courage. Elle va chanter juste après les élèves qui sont déjà sur scène. Je me laisse porter par le moment. On vérifie que le boîtier de mon micro est bien en place. Je m'apprête à mettre mon deuxième ear quand celle qu'on appelle maintenant Jen saisit ma main et me glisse à l'oreille ses mots d'encouragement qui ont pour effet de me détendre un peu. On me donne le signal et ça y est : je prends possession de ce décor féérique. Le plateau est transformé en espace vert entre la jungle et la forêt. Je suis assise sur un rocher entouré de lucioles et de champignons. Je fixe la caméra, porte le micro à mes lèvres puis, instantanément, je décale mon visage pour prendre une dernière inspiration. J'ai le micro bien en main, je laisse passer les trois accords joués au piano, un petit coup vers le prompteur et ça y est, c'est à moi.

— She's just a girl and she's on fire [....] ah umm umm ummm.
— Candice, vous nous avez offert un moment suspendu. Qu'est-ce que vous avez ressenti ?

Un des moments que je redoutais le plus est en train de se produire. Je dois répondre aux questions de Nikos devant des centaines de personnes... Je n'arrive pas à réaliser et, en même temps, je sens que les personnes présentes dans le studio sont pendues à mes lèvres. Je cherche mes mots, quelque peu intimidée par la situation.

— J'ai l'impression d'être dans un rêve, que ce moment n'a existé que dans mes pensées. J'étais autant apeurée que concentrée.
— Mickaël, Candice a un timbre particulier qui est reconnaissable. Qu'avez-vous pensé de sa prestation ? Est-ce que vous avez retrouvé les émotions des castings ?
— Candice, c'est un pari. Elle n'a pas encore conscience de son talent et de sa voix si singulière. Avec le bon accompagnement des professeur.es, je suis convaincu qu'elle peut aller très loin.

Je retourne à ma place et la soirée bat son plein. Il est vraiment difficile de prendre conscience de ce qui est en train de se passer. Tous et toutes les académicien.nes interprètent leur chanson. Puis nous avons le temps d'embrasser une dernière fois nos proches dans le couloir qui séparent le plateau du bus qui nous attend. Dans le bus Karima nous rassure, c'est normal d'avoir l'impression d'être dans un tourbillon. En arrivant au chateau nous descendons du bus un par un et on se met tous et toutes en ligne en se donnant la main pour observer notre prochain lieu de vie pour les jours, les semaines et même pour les mois à venir je l'espère. Puis on se précipite dans la chateau, on monte directement voir nos chambres. J'aime trop les couleurs et la déco de la chambre des filles. Mon lit est à côté de celui d'Hélèna dans le fond de la pièce contre le mur heureusement parce qu' être contre un mur me rassure. Après avoir visité toutes les pièces, j'avoue que j'ai un petit faible pour la salle de théâtre. Dès le pas de la porte j'aime l'atmosphère qui s'y dégage. Nous mangeons tous et toutes autour de cette immense table dans la cuisine, des sushis nous attendent, je crois que je n'en ai jamais vu autant. Rapidement, nous nous mettons autour du piano et c'est parti la musique résonne dans toute la pièce. Nous nous sommes préparé.es pour aller dormir, nous avons pu installer nos affaires dans la salle de bain et nous mettre en pyjama. On est toute la couette quand les lumières s'éteignent enfin. La journée a été riche en émotions, tout me semble encore irréel. Je suis en train de me remémorer cette journée extraordinaire quand les garçons qui étaient encore à la douche viennent nous dire bonne nuit.

— Bonne nuit les filles.

— Bonne nuit reposez-vous bien.

— À demain.

En même temps que leurs bonne nuit, des pas se rapprochent du fond de la pièce. Un " bonne nuit " résonne alors tout près de nous. Je reconnais la voix de Pierre et lui réponds alors.

— Bonne nuit.

Avant de tourner les talons pour rejoindre les autres et sa chambre, je sens un présence à côté de mon oreille et dans un souffle chaud il me murmure:

— Bonne nuit la girl on fire.


I just wanna know if you gonna stayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant