PROLOGUE

244 7 0
                                    

J'ai fichu mon poing dans la tronche d'une fille. Pas n'importe quelle fille. Ma meilleure amie. Ma coloc.
Enfin, depuis cinq minutes, je devrais plutôt dire mon ex-coloc. Elle s'est presque aussitôt mise à saigner du nez et, sur le moment, je m'en suis voulu. Puis je me suis rappelé quelle salope, quelle menteuse c'était, alors ça m'a donné envie de recommencer. Jusqu'où je serais allé si Hunter ne s'était pas interposé ?
C'est donc lui qui a pris à sa place. Malheureusement, il s'en est très bien tiré. Beaucoup mieux que ma main.
Mettre un coup de poing, ça fait dix fois plus mal que je ne l'aurais imaginé. Mais je ne passe pas ma vie à imaginer ce qu'on éprouve à boxer les gens. N'empêche que l'idée me démange encore quand je vois apparaître un SMS de Ridge sur mon téléphone. Celui-là aussi, je l'attend au tournant. Je sais que, techniquement parlant, il n'a rien à voir dans la situation pourrie que je traverse, mais il aurait pu se manifester un peu plus tôt. Alors oui, je le cognerais bien à son tour.

Ridge : Ca va? Tu veux monter jusqu'à ce que la pluie s'arrête ?

Bien entendu, je n'ai aucune envie de monter. J'ai assez mal au poing comme sa. Je décidais d'aller rejoindre Ridge dans son appartement, ça serait encore pire une fois que j'en aurais fini avec lui.
Je jette un coup d'œil vers son balcon ; j'aperçois sa silhouette, tournée vers moi, adossée à la porte-fenêtre, son téléphone à la main. La nuit est presque tombée, mais les réverbères du parc illuminent son visage et je distingue ses yeux noirs et son petit sourire triste. Au fait, pourquoi suis-je en rogne contre lui ? De sa main libre, il dégage les mèches de son front, comme pour mieux soulager son air inquiet. À moins que ce ne sour une expression de regret. Comme il se doit.
Je ne préfère pas répondre, alors il hausse les épaules, l'air de dire «c'est toi qui voit», puis referme la porte-fenêtre derrière lui.
Je range mon téléphone dans ma poche avant qu'il ne soit complètement inondé, et contemple le parc de la résidence où je vis depuis deux mois. Quand nous avons emménagé ici, le brûlant été du Texas achevait d'avaler les restes du printemps, mais ce Hardin semblait vouloir encore s'accrocher à la vie. D'éclatants buissons d'hortensias bleu vif et mauves longeaient les allées menant des immeubles à la fontaine centrale.au cœur de l'étouffant mois d'août, cette dernière est tarie depuis longtemps, et les hortensias n'affichent plus qu'un souvenir flétri de mon excitation lorsque Tori et moi nous sommes installées ici. Une triste ambiance qui reflète mon état d'esprit aujourd'hui. Triste et flétri.
Assise au bord de la silencieuse fontaine en ciment , les coudes appuyés sur les deux valises qui contiennent à peu près tout ce que je possède, j'attend le taxi. Je n'ai aucune idée de l'endroit où il va me conduire, tout ce que je sais c'est que je préfère me retrouver n'importe où plutôt qu'ici. Autrement dis, je suis à la rue.
Je pourrais appeler mes parents, mais ce serais le meilleur moyen de me voir infliger tous les «On hé l'avais bien dit» de la Terre.
On t'avais bien dit de ne pas partir si loin, Sydney.
On t'avais bien dit de ne pas t'engager avec ce garçon.
On t'avais bien dit que si tu choisissais la préparer de droit plutôt que la musique, nous payerions tes études.
On t'avais bien dit de sortir le pouce avant de frapper.
Bon, ils ne m'ont sans doute jamais vraiment parlé de technique de boxe, mais eux qui ont constamment raison sur tout, ils auraient peut être dû.
Je serre je serre le poing, ouvre les doigts, les referme. Ma main me fait encore très mal, je devrais y mettre de la glace. Dire que les mecs passent leur temps à taper avec. Ça craint.
Et vous savez aussi ce qui craint ? La pluie. Elle trouve toujours le pire moment pour tomber, comme maintenant, alors que je n'ai nulle part où aller.
Le taxi s'arrête enfin devant moi. Je me lève, pose mes valises sur leurs roulettes, les tire jusqu'à ce que le chauffeur sorte pour m'aider à les ranger dans le coffre. C'est là que mon estomac se retourne : je n'ai pas mon sac.
Merde.
Je regarde autour de moi, d'abord à l'endroit où j'étais assise avec mes valises, puis me tâte comme si il allait soudain réapparaître ; pourtant, je sais très bien où il se trouve. Je l'ai détaché de mon épaule et laissé tomber juste avant de boxer le précieux petit nez à la Cameron Diaz de Tori.
Ça m'arrache un soupir. Puis un rire. Évidement que j'ai oublié mon sac ! Mon premier jour sans abri aurait été trop facile si j'avais eu tout avec moi.
-Excusez-moi, dis-je au chauffeur en train de charger ma deuxième valise. J'ai changé d'avis. Je n'ai plus besoin de taxi. Je sais qu'il y a un hôtel à huit cents mètres d'ici. Si je trouve le courage de remonter chercher mon sac, je pourrais m'y rendre à pied et prendre une chambre jusqu'à ce que je sache quoi faire d'autre. De toute façon, je suis déjà trempée.
Le chauffeur ressort les deux valises, les dépose sur le trottoir devant moi, regagne sa voiture sans me jeter un seul regard, et repart. À croire qu'il est soulagé de pouvoir le laisser tomber.
Ai-je donc l'air si lamentable ?

Maybe SomedayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant