ESMERALDA ⎜1 & 2

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑 - 𝐓𝐎𝐌𝐄 𝐈𝐈

Aiden

Je fixe le morceau de papier quelques secondes sans bouger. Chaque détail devient flou autour de lui, comme si tout l'espace se resserrait autour de ce petit bout de papier. C'est tout ce qui occupe mon esprit, et c'est tout ce qui fait écho dans ma tête. Rafael aussi l'a vu. Il ne dit rien, mais je sens son regard peser sur moi.

- C'est quoi, ce bordel ? marmonné-je, pour moi-même.

Ma voix est plus faible que je ne l'aurais voulu. Un frisson me parcourt l'échine, je frémis sans pouvoir l'empêcher. Ce simple bout de papier a l'air anodin, mais pourquoi est-ce que ça me fait cet effet-là ? Je relève les yeux vers Rafael. Il me fixe à présent avec une lueur d'intérêt dans les yeux, comme s'il attendait que je fasse le premier geste. Il sait, il a vu. Mais il ne dit rien. Pas encore.

- Alors ? me demande-t-il, avec un léger sourire en coin. Il ne cherche pas à me faire parler, mais je le sens, il attend.

Je referme ma main sur le message, comme pour m'en emparer, le cacher, l'étouffer. Je me redresse lentement, mon visage redevenant une façade impassible. Je n'ai pas envie de montrer à quel point ça me perturbe, mais je sais que tout se lit dans mes yeux.

- Rien d'important, dis-je, le plus calmement possible.

Je vois son sourire s'élargir, un peu plus, comme s'il avait compris que ce que je viens de dire est loin de la vérité. Il ne m'a pas crue, évidemment. Et il ne posera pas de questions. Pas tout de suite, du moins. Mais il attend. Il aime ça. Cette tension qui flotte dans l'air.

Je fais glisser le papier dans la poche de mon pantalon, sans le quitter des yeux, comme si je pouvais le cacher, l'effacer de mon esprit en l'enfermant dans ce petit espace. Mais l'angoisse me serre de plus en plus. Quelque chose dans ce message me tord l'estomac. Qui ça peut être ? Et pourquoi maintenant ?

Rafael, toujours là, toujours silencieux, attend. Je ne peux pas le supporter. Je me redresse davantage, comme pour repousser cette présence. Mais au fond, je sais qu'il attend que je craque. Que je lui donne une réponse. Une vraie. Mais pour l'instant, je me tais.

Une seule pensée tourne en boucle dans ma tête : 

Qui ça peut bien être ?

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15h00 :

L'air est lourd, saturé d'une odeur de sueur et de métal. Le soleil cogne fort aujourd'hui, mais ici, même la lumière semble terne. La cour de promenade est un rectangle enfermé par des grillages et surveillé par des miradors. Un espace minuscule où les détenus tournent en rond, comme des fauves en cage. Je marche lentement, les mains dans les poches, observant les groupes dispersés. Certains s'acharnent sur la barre de traction rouillée, d'autres, adossés au mur, échangent des cigarettes roulées à la main. Chacun reste à sa place, respectant une hiérarchie tacite.

Rafael est quelque part dans la foule, probablement en train de discuter avec quelqu'un. Depuis son arrivée, il a su s'intégrer rapidement. Moi, je reste à l'écart. C'est mieux comme ça. Mieux pour éviter les conflits inutiles, mieux pour ne pas attirer l'attention. Ici, se faire remarquer n'est jamais une bonne chose.

Je m'arrête un instant et lève les yeux vers le ciel. Pas un nuage à l'horizon. Rien que cette immensité bleue qui me rappelle à quel point je suis coincé ici. Un goût amer me serre la gorge. Combien de temps encore ?

Un bruit sec attire mon attention. Une dispute éclate à quelques mètres. Deux types se font face, muscles tendus, poings serrés, prêts à en venir aux mains. Rien de nouveau. Ici, la violence est un langage comme un autre. Ce ne sont que des tensions accumulées qui explosent sans prévenir. Je détourne les yeux et reprends ma marche, pensant au message que j'ai reçu plus tôt.