Chapitre 1

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     Elle marchait en silence. Elle en avait l'habitude. Même ses pieds nus laissant tout son poids sur les feuilles rigides de l'automne ne faisaient aucun bruit. Au sol étaient figurés des traces récentes du passage d'un animal. Une biche. Elle les suivait, dague en poche et arc en main. Ses mouvements étaient lents, mais précis. Les arbres de cette forêt dense l'empêchaient de voir à plus de 5 mètres à cause de la luminosité quasi inexistante. Le soleil, qu'elle ne pouvait non plus voir, lui aurait indiqué qu'il était aux alentours de midi et qu'elle était partie depuis plus de deux heures. Son sac était toujours vide. Il fallait qu'elle rapporte cette biche. Absolument.

     C'est alors qu'elle la vit. Le poil soyeux, les pattes longues et fines, les yeux ronds. Elle n'était pas vieille et mangeait tranquillement quelques brins d'herbe. Arya décocha une flèche doucement. Elle savait qu'un seul geste pouvait lui faire perdre son butin. Du haut de ses douze ans, elle était l'une des meilleures chasseuses que cette forêt avait pu connaître. Elle tendit la corde et visa. Un craquement se fît entendre à sa gauche. Elle lâcha. Il était trop tard : la biche s'était enfuie et la flèche vint s'enfoncer dans l'arbre d'en face où sa proie se tenait quelques secondes plus tôt.
Arya tremblait de rage. Elle remit son arc sur son épaule sans prendre la peine de récupérer sa flèche et s'engagea à la poursuite de la cause de son échec. Elle ne mit pas longtemps avant de tomber sur celui qui lui avait fait rater sa proie tant il faisait de bruit. Elle n'attendit pas un instant et s'élança derrière lui avait de l'attirer vers elle et de lui mettre sa dague sous la gorge.

« Nom, prénom. »

     Pris au dépourvu, le garçon avait crié jusqu'à ce que la brune lui plaque la main sur la bouche.

« Répond immédiatement ou tu ne feras pas long feu.

- Flavien de Belleforest, fils du roi Aymeric III de Belleforest. Tu as intérêt à me lâcher tout de suite, car je n'ai qu'un geste à faire pour que tu sois exécutée.

- C'est drôle, parce que moi aussi, dit-elle en renforçant l'appui de la lame contre sa glotte. J'ai hâte de voir qui sera le plus rapide. »

     Elle sentit le garçon tressaillir. Arya vérifia d'un coup d'œil les alentours. Aucun garde du prince n'était prêt à lui sauter dessus. Elle relâcha ce dernier, le repoussant devant elle. Il lui fit face tandis qu'elle le dévisageait. Flavien avait les cheveux d'un noir si profond qu'il lui faisait penser à un corbeau. Sa peau légèrement hâlée et ses yeux marrons faisaient croire qu'il était d'originaire d'un empire du sud. Son âge devait être similaire au sien.

     Ils se firent ainsi quelques secondes durant avant qu'il ne demande enfin :

« Et toi, qui est-tu ?

- Arya d'Aiglemont.

- Et que fais-tu ici ?

- Ce serait plutôt à moi de te poser la question. C'est chez moi, ici.

- N'oublie pas que tu parles à ton futur roi, sauvageonne. Je suis partout chez moi. »

     Arya sourit.

« A combien de lieues se trouve la première habitation aux alentours ?

     Bien que surprit, le prince répondit :

- A une lieue au nord-est, où se trouve la ferme du Père Sagace.

- Faux. A une demi-lieue à l'ouest se trouve ma maison, où je vis avec mes six frères et mes parents. Recommençons. »

     Elle marcha quelques mètres, se baissa et revint devant Flavien en lui tendant un champignon.

« A ton avis, est-ce qu'il est venimeux ? »

     Il se rapprocha pour observer la plante plus en détail avant de déclarer :

- Oui. A ta place, j'éviterais de le manger.

- Faux, répondit-elle en jetant le champignon par-dessus son épaule. Il est vénéneux. On dit venimeux seulement pour les animaux, comme les serpents. Recommençons. Quel genre d'arbre y-a-t-il autour de nous ?

- Des sapins, je ne suis pas stupide non plus ! »

     Un rictus se forma sur les lèvres d'Arya.

« Faux. Ce sont des épicéas. Leurs épines ne sont pas les mêmes, bien que quasiment similaires. Reco-

- Non, cela suffit ! Rien n'est prouvé par tes questions futiles. »

     La brune se rapprocha du prince de telle façon que leurs fronts se touchaient presque.

« Cela prouve seulement qu'ici, c'est chez moi, et non chez toi, my prince. »

     Une veine gonfla sur son front à ses derniers mots. Cela amusait la jeune fille, qui ne cessait de le provoquer et de l'humilier.

« Cela ne t'épargne pas de me respecter ! cria-t-il. N'espère pas rester libre une journée de plus, car quand mon père entendra parler de toi, il...

- Et qui es-tu sans ton père, Flavien ?

- Je t'interdis de m'appeler par mon nom.

- Personne ne me donne d'ordre, mais tu as déjà dû t'en rendre compte. Maintenant, ferme les yeux. »

     Ces paroles étaient appuyées de sa dague, qu'elle pointait une nouvelle fois vers lui. Celui-ci grogna a s'exécuta. Arya baissa son arme, prit Flavien par les épaules et le fit tourner sur lui-même. Au bout d'une vingtaine de tour, elle s'arrêta. Il rouvrit les yeux, titubant fortement.

« Désormais, my prince, je vous souhaite bonne route jusqu'à votre château, où vous n'omettrez pas de vous plaindre de moi auprès du roi. »

     Sur ces mots, elle se retourna et s'en alla lentement, attendant patiemment l'instant où Flavien l'appellerai. Trois, deux, un...

« Arya ! Arya ! »

     Parfait.

« Qu'y-a-t-il, my prince ?

- Arrêtez de vous jouer de moi et dites dans quelle direction est le château.

- Oh, toutes mes excuses, my prince, dit-elle d'une voix faussement niaise, je pensais que nous étions chez vous, d'après vos dires.

- Je ne plaisante plus, Arya. Et je m'excuse. »

     Sa voix était sincère. La jeune brune en était presque touchée. Presque.

« Je t'indique le chemin, à une condition. Tu ne parleras point de moi. A personne.

- Je le promets seulement si cela est réciproque.

- Ce le sera.

- Je promets, alors.

- Bien. Suis-moi. "

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