Chapitre 3

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Le soleil perdait de son intensité et de son altitude. Arya soupirait. Avec toute cette histoire, elle avait oublié de chasser. Dans sa famille, personne ne la considérait comme une fille. La seule personne du sexe féminin de la maison était sa mère. On l'avait élevée comme ses frères et entraînée aux mêmes disciplines. A son âge, une vraie jeune fille aurait dû savoir cuisiner, lire, écrire, apprendre le langage des fleurs, porter des robes et déjà songer à ses futures noces. Au contraire de tout cela, on lui avait toujours coupés les cheveux très courts et habillée avec les vieux vêtements rapiécés de ses frères. Au fûr et à mesure, elle avait développé une force bien presque irréaliste pour une jeune fille.
Il lui restait encore une lieue et demie à parcourir. D'ici là, il ferait déjà nuit noire, et son père la sermonnerait, surtout si elle revenait les mains vides. Ne voulant ressentir une énième fois les coups de son père sur son visage, elle décida de chasser ne serait-ce qu'un écureuil sur le chemin restant, car Dieu savait que son père frappait fort.

 Ne voulant ressentir une énième fois les coups de son père sur son visage, elle décida de chasser ne serait-ce qu'un écureuil sur le chemin restant, car Dieu savait que son père frappait fort

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Lorsqu'elle poussa la porte de chez elle, Arya ne fut pas surprise de trouver son père assis autour de la table, l'attendant. Elle posa brutalement son sac sur celle-ci, dans lequel se trouvaient un faon et un écureuil qu'elle avait eu du bout de sa flèche. Son père, qui n'avait pas jeté un seul regard sur ses gains, n'avait pas perdu une miette de chacun des mouvements de sa fille. Celle-ci le fixa dans les yeux. Elle savait pertinemment qu'il détestait quand elle ne baissait pas le regard devant lui. Ses traits se tirèrent. Arya n'avait pas besoin de paroles avec son père. Il était aussi lisible qu'une livre, même si elle ne savait pas lire.

Les rides de son front se creusèrent. C'était le signe. Celui qui disait : « Si tu n'arrêtes pas immédiatement, tu vas voir ce que tu vas bouffer ! ». Cependant, elle soutint son regard. Elle vit sa mâchoire se crisper avant qu'il ne se lève bruyamment. Elle ne cilla pas. Il se planta juste devant elle. Elle n'avait pas peur. Sa main s'abattit lourdement sur sa joue. Aucun son ne sortit de sa bouche. Lorsque le bras de son père se leva une deuxième fois, Arya esquiva le coup de justesse. Furieux, il prit sa fille par le bras et la jeta en arrière. Elle porta sa main à son bras. L'étreinte avait été si forte que la trace des doigts de son paternel était encore visible. Allongée au sol, Arya tentait de se relever, mais il la cognait plus fort que jamais. La scène se passait dans le plus grand des silences. Le souffle de son père de fît de plus en plus saccadé, et sa main abritait de moins en moins de force.

Arya ne se souvenait pas de la première fois que son père la battit, mais elle se souvint de la première fois qu'elle vit son plus grand frère, Arthur, se tordre de douleur sous ses coups. Elle était jeune, alors, encore plus qu'elle ne l'était désormais. Elle devait avoir environ quatre ans. Il était tard, comme aujourd'hui, et Arya s'était levée pour boire. Partageant tous la même chambre, elle trouvait déjà suspect le fait que son frère ne soit déjà pas dans son lit. Ce fût dans le salon qu'elle le vît alors se faire frapper, le tout dans un plus grand silence. Même après des années, Arya n'avait jamais vu les yeux de son père aussi enflammé de rage que ce soir-là. Il abattait de toutes ses forces son martinet contre les flancs d'Arthur, qui, souffrant pourtant, se retenait d'hurler de douleur. Ce fût au moment précis où elle croisait son regard que la jeune fille se décidait à ne jamais montrer ce qu'elle ressentait lorsque son père lèvera la main sur elle.

D'un seul coup, sans jeter un seul regard à sa fille, il s'arrêta et retourna à la chambre parentale où sa mère devait déjà être assoupie. Arya resta quelques minutes allongée sur le sol frais en cet automne glacial. Cependant, il n'y avait pas une seule parcelle de son corps qui n'était pas enflammée par la douleur.

Elle rentra doucement dans sa chambre, qu'elle partageait avec trois de ses frères aînés Aubin, Idriss et Tanguy. Ses trois autres frères les plus âgés couchaient dans une chambre adjacente à la leur. Arya se dévêtit rapidement, observa quelque peu ses nouvelles ecchymoses grâce à la lumière de la lune qui pénétrait timidement par la fenêtre. Elle se glissa dans ses draps en attendant que le sommeil vienne l'emporter.

Cependant, des pas se firent entendre. La porte s'ouvrit lentement en un léger grincement. La jeune fille avait reconnu, aux sons des pas, la personne venant d'entrer. Arthur s'approcha de son lit. Ses yeux marron abritaient un regard plein de tendresse. Sachant qu'elle ne dormait pas, il lui montra un récipient qu'il tenait dans ses mains. Arya ne le connaissait que trop bien. Elle s'assit face à son frère, qui trempait ses doigts dans la pâte verdâtre que contenait le bol. Les bouts de ses doigts glacés parcouraient ainsi son corps accompagnés de la pommade qu'il avait lui-même fabriquée en secret. Il massait délicatement chaque blessure que son père lui avait infligée.
Arya était plus proche d'Arthur qu'aucun de ses autres frères, malgré leur grande différence d'âge, qui atteignait les onze ans. Il s'était toujours occupé d'elle, il lui avait tout appris : la chasse, la pêche, le maniement des armes, la culture de la nature. Et c'était lui qui la soignait après chaque combat à sens unique avec son père. Il ne la jugeait pas. Il avait connu tout cela avant elle.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 12, 2016 ⏰

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