Chapitre 2

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Cela faisait presque deux lieues que Flavien marchait en compagnie de cette inconnue qui le menait par le bout du nez depuis le début. Il ne voulait pas être ainsi vulnérable lorsqu'il gouvernerait le royaume. Quel roi ferait-il s'il ne savait pas se sortir seul d'une situation délicate ? Il avait été instruit depuis qu'il était jeune à l'économie,à l'art, aux mathématiques, à la littérature et à l'escrime. Bien qu'il excelle dans de nombreuses matières, il était médiocre en cette dernière. Père, qu'il ne voyait pourtant pas souvent, ne cessait de lui répéter qu'à son âge, c'est-à-dire douze ans,il avait déjà vaincu son maître d'armes.

Flavien était loin de cet exploit. C'était à peine s'il savait comment tenir son épée, qu'il ne prenait jamais avec lui. Cela lui avait d'ailleurs porté préjudice aujourd'hui, bien que ça n'aurait sans doute fait aucune différence Cependant, il ne voulait pas être un roi qui se laisse faire, un roi faible, un roi que l'on oublie quelques décennies plus tard. Il voulait que son nom reste dans les esprits du peuple, associé à un exploit. Mais il était difficile de se faire un nom après un roi qui avait tout réussi.
Il fallait s'imposer.

Mais ce n'était pas à la merci d'une sauvageonne qu'il s'imposerait. Il la regarda. Elle avait le teint pâle, qui contrastait avec sa chevelure noire bien trop courte pour une jeune fille. Ses vêtements étaient beaucoup trop grands pour elle. Ils étaient sans doute à ses six frères dont elle lui avait brièvement parlé. A première vue, elle paraissait frêle, presque fragile. Mais de plus près, Flavien pouvait observer qu'elle était plutôt musclée, pour une fille. De plus, elle détenait de nombreuses cicatrices autant sur le visage que sur le corps.

Une question qu'il aurait sûrement dû lui poser plus tôt qui vint alors à l'esprit.

« Pourquoi m'as-tu attaqué ?

- Tu as fait fuir ce qui aurait pu nous faire un repas, à moi et ma famille. »

Il n'aimait pas la façon dont elle lui parlait. Personne ne l'avait jamais aussi peu respecté. Tout le monde lui faisait sans cesse des formules élogieuses à longueur de journée.

« Tu peux acheter de la viande au marché. »

Elle lui jeta un regard noir.

« As-tu cru que j'étais stupide ? Ce n'est pas parce que je vis dans la forêt que je ne vais jamais en ville. Et bien que je n'aille au marché qu'une fois tous les douze jours, je suis sûre que je m'y rends plus souvent que toi qui n'a qu'à lever le petit doigt pour avoir ce que tu souhaites. »

Une fois de plus, elle avait raison. L'autorité naturelle d'Arya prenait toujours le dessus face à ses arguments inexistants. Cela avait toujours été de même avec ses propres sœurs. Toutes les trois ramenaient toujours tout à leur âge et, étant le benjamin de la famille, il n'avait pas son mot à dire.

Il ne répondit pas à Arya. Heureusement pour lui, elle n'avait pas l'air d'attendre une réponse. Cela faisait maintenant à peu près une heure et demi qu'ils marchaient côte à côte. Bien qu'il soit plus grand qu'Arya, elle était plus rapide. Flavien n'avait pas l'impression d'avoir autant marché à l'aller.
Il était plutôt rare qu'il s'aventure seul dans la forêt. Il était rare qu'il s'aventure où que ce soit seul, d'ailleurs. Depuis sa naissance, il avait été entouré de gardes et de protecteurs quelque soit l'heure du jour ou de la nuit. Néanmoins, il parvenait à leur échapper quelques heures de temps à autre. Il ne devait cependant pas s'absenter trop longtemps au risque qu'on ne déclenche l''urgence.

Les rumeurs sur la forêt ne manquaient pas. Certains disaient qu'elle abritait des sorcières et des géants. D'autres, certainement plus réalistes se limitaient aux loups et aux ours. Flavien savait qu'il n'y avait rien de tout cela à l'intérieur, hormis de jeunes filles qui vous menaçaient de vous égorger à tout bout de champs.
Égorger le fils du roi ! Cela aurait fait d'excellents potins pour le royaume. Ce n'aurait pas été la première fois, bien que d'habitude, c'était pour des histoires d'héritages ou de territoire. Pas pour des histoires de biches qui s'enfuient. De nombreux héritiers au trône avaient été assassinés au cours de l'histoire, par leurs frères principalement. Flavien avait cette chance de ne pas avoir de concurrent direct : ses parents avaient eu du mal à obtenir un garçon.

Il avait souvent réfléchi au genre de roi qu'il souhaitait devenir. Il ne voulait pas être un de ces rois tyranniques, mais pas non plus celui que personne ne respectait. Il voulait seulement être un bon roi. Et pour cela, il devait apprendre à être une autoritaire.
Soudain,une idée folle lui vint à l'esprit.

« Arya ? Apprends-moi à être un bon roi. »

Ses grands yeux bleus s'écarquillèrent. Lui-même fût étonné de ses propres paroles, mais il poursuivit.

« Apprends-moi à me faire respecter, tant tu le fais si bien. Tu as aussi l'air de savoir te battre . Apprends-moi. »

Depuis la première fois qu'il la connaissait, c'est –à-dire à peine une heure, Arya semblait prise au dépourvu.

« Une sauvageonne qui enseignerait à un héritier sa future fonction royale, ironique non ? rétorqua-t-elle en appuyant bien sur le mot « sauvageonne ».

Effectivement, au premier abord, cela semblait ridicule. Mais Flavien était déterminé.

- En effet. Mais qui de mieux pour instruire un roi qu'une personne qui en a toutes les qualités ?

- Un roi, peut-être ?

-  Crois-tu que je n'y ai jamais songé ? Mon père n'a pas assez de temps à me consacrer pour m'apprendre quoique ce soit. »


Arya ne répondit pas immédiatement. Après de longues minutes de silence, elle déclara enfin :

« J'accepte. Mais à deux conditions. La première est que j'exige que tu sois présent tous les six jours à l'aube avec ton épée à l'endroit où nous nous sommes rencontrés, le tout pour deux heures.

- Bien, je parviendrais à me libérer. Quelle est la deuxième condition ?

- Tu me payeras vingt sous à chaque fois. Cela ne devrait pas faire trop cher pour un héritier, je présume.

- Je me les procurerai.

- Dans ce cas-là, à dans six jours, my prince. »

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