Le Roi des Aulnes

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Rien ne bouge, tout est immobile. Une forêt d'un vert profond, semble attendre quelque chose. Puis, le vent se lève, faisant bruire le feuillage, ajoutant d'étranges mouvements à cet inquiétant tableau...

Et là, un craquement, plusieurs. Des bruits de sabots, ça approche, vite, bien trop vite...

De derrière un buisson, un étalon noir de nuit, rapide comme la foudre, fougueux comme le feu, surgit tel le destrier des ténèbres. Ses pas résonnent, faisant oublier les deux Hommes chevauchant l'animal. L'un est Vieux, l'autre tout Jeune. Ils volent vers une autre vie, qu'ils espèrent meilleurs. Le père tient son fils, il le sert, aussi fort que possible, et tente, bien vainement, de réchauffer l'être frissonnant.

Soudain, l'enfant malade se mets à remuer, cachant son visage sous les vêtements de son protecteur.

«Mon fils, pourquoi caches-tu ton visage avec effroi ?» Interroge ce dernier.

«Père, gémis l'enfant brun, ne vois-tu pas le roi des Aulnes, avec sa couronne et sa robe ?»

L'inquiétude tordit les traits du père.

«Toi cher enfant, viens, viens avec moi !» Entendait le garçon.

«Mon fils, c'est une traînée de brouillard» Tente de le rassurer son paternel.

Son regard s'était durci, et le galop était de plus en plus vif, poussé par l'angoisse de son maître.

«Avec toi je jouerais à de très jolies jeux...» Susurrait la voix. «Tu trouveras sur le rivage maintes fleurs multicolores, et ma mère possède des habits d'or»

Le concerné regardait l'envoûtante ombre, obnubilé par ses promesses. Ce monde est si triste... si terne... si mauvais...

Et la peur l'atteignit.

«Mon père, mon père, n'entends-tu pas ce que doucement le Roi des Aulnes me promets ?

Des larmes échappaient au vieil homme.

«Reste calme mon enfant... Dans les feuilles mortes murmure le vent.»

Mais son fils ne l'écoutait plus, emporté par une étrange torpeur, envoûté...

«Veux-tu, petit garçon, venir avec moi ?»

Il ferma les yeux, endormi par la douce voix de l'inconnu caché derrière un arbre.

«Mes filles doivent t'attendre.»

Ses sœurs étaient partis depuis bien longtemps. Elles lui manquaient tant... Le petit bout d'homme sortit de son doux cocon, et se figea, glacé.

«Elles te berceront, elles danseront, elles chanteront.»

Sur ces belles paroles, des voix féminines qu'il connaissait bien entonnèrent une berceuse.

«Mon père, mon père.... Ne vois-tu pas, les filles du Roi des Aulnes, cachées dans l'ombre ?»

Le désarroi envahissait la voix du petit. Il tenta alors de sauter, afin de rejoindre quelqu'un. Qui donc ? Seul lui le savait... Totalement perdu, et désespéré par la situation, le père répondait maladroitement.

«Mon fils, mon fils, je les vois aussi, ce sont les saules gris de la forêt !»

Le visage du Roi des Aulnes se fit froid, dur, sévère, effrayant. Sans miel dans la voix, il cria:

«Je t'aime, ton joli visage m'attire, et si tu n'es pas obéissant, j'utiliserais la force !»

Un éclair de douleur traversa l'être fragile, qui hurlait, et rien d'autre n'horrifiait plus son père que le silence de plomb qui suivit.

Le petit corps frissonnait trop fort, était trop chaud. Le ciel se couvrait d'épais nuages noirs chargés de foudre. Le cheval accélérait la cadence, ne sentant que trop l'atmosphère grave qui régnait en maître sur son dos.

L'homme arriva au village, l'enfant de 8 ans dans les bras

«Le Roi des Aulnes me fait du mal....» Avait-il soufflé en tout dernier.

Le bruit des sabots avait cessé, leur musique s'était tue.

Un orage éclata dans la forêt maudite.

Les villageois entouraient l'homme en se désolant.


L'enfant était mort.



Inspiré de:

ERLKÖNIG / Le Roi des Aulnes

Goëthe, poète allemand, 1749-1832


Shubert, compositeur autrichien, 1798-1828

Histoire - Le Roi des AulnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant