Contes d'Amérique

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CONTES D'AMÉRIQUE ***

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LOUIS MULLEM

Contes d'Amérique

PARIS

M DCCC XC

_A

ALPHONSE DAUDET

En toute affection pour l'homme,

En toute admiration pour l'écrivain.

L.M._

_L'imagination ne pouvant que retrouver ou prévoir, les historiettes suivantes devraient être, selon le désir de l'auteur, considérées comme des chimères susceptibles de devenir réelles ou de l'avoir été._

UNE NOUVELLE ÉCOLE

--Étrange idée! Nous convoquer ainsi, ce soir même!... au risque de nous faire expulser comme des bambins par le père Wallholm!

--Il est vrai, Gibb, le vieux gentleman est peu endurant pour les visites en dehors du dimanche.

--Et ce sera comme j'ai dit, Fogg: il s'agit tout bonnement de nous servir quelque nouvelle avalanche de prose de M. Wallholm fils.

--Oui, Andrew produit beaucoup!...

--C'est une rage! Passe encore de fabriquer, comme nous, quelques poésies, entre les heures de bureau. Mais entasser poème sur prose, roman sur comédie! Il deviendra fou!

--Bah! subissons encore cette petite corvée et nous aurons, en revanche, le plaisir d'entrevoir Mlles Kate et Lizzie... L'une d'elles, je crois, ne déplaît pas à celui de nous qui ne lui préfère pas sa soeur?

Cette insinuation subtile ramena chacun à ses préoccupations personnelles, et les deux interlocuteurs continuèrent en silence de gravir la montée.

L'automne agrémentait la soirée d'un petit froid vif, et de fines nuées dansaient dans l'azur, sur la note gaie du clair de lune.

Tout rappelle l'Allemagne, du reste, dans cette région du Kansas où l'émigration rhénane prédomine et impose ses moeurs. La nature elle-même paraît se prêter à ce pastiche; elle se joue notamment à l'entour de la petite ville de Humboldt, comme à une seconde édition du grand-duché de Bade, et le faubourg grimpant où nous avons amené le lecteur imite avec ses maisons en bois sculpté et ses sombres touffes de sapins les plus pittoresques échappées de la Forêt Noire.

Gibb et Fogg, qui avaient parlé tout à l'heure, trahissaient aussi le type tudesque blond, à large face rougeaude. Ils s'étaient exprimés avec une gravité bien digne de citoyens de dix-huit ans, destinés au commerce, ouverts pourtant à la littérature et livrés de coeur aux mystiques rêveries d'un premier amour. Ils étaient sanglés dans des redingotes noires très courtes, ils avaient des casquettes à visières vernies, ils quittaient à l'instant le tiède cabaret du _Grand Frédéric_ où l'on paie en thalers et ils s'avançaient battant le chemin de leurs bottes sonores.

--Merci d'être venus à l'heure, dit tout à coup quelqu'un dans la nuit...

Andrew Wallholm, aux aguets près de la maison paternelle, avait fait quelques pas au-devant de ses camarades.

--Silence, et suivez-moi comme des ombres, ajouta-t-il gaîment, mais à voix basse.

Gibb et Fogg entrèrent après Andrew, en assourdissant autant que possible les craquements de leurs cothurnes, et franchirent le vestibule, non sans risquer, devant la porte vitrée de la chambre basse, le coup d'oeil convenu sur miss Kate et miss Lizzie, qui brodaient et rêvassaient à la clarté de la lampe. Dans le fond de la pièce, près de la cheminée flamboyante, se tenaient la grosse dame Wallholm, tricotant, et la sèche personne de M. Wallholm, perdu sous son bonnet fourré, absorbé dans la fumée de sa pipe et fixant d'un air de mépris ses lunettes sur le vide. M. Wallholm avait une réputation de misanthropie hargneuse, portée par les mauvaises langues sur le compte d'anciennes prétendues frasques de Mme Wallholm...

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 16, 2008 ⏰

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