III

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On sonne à l'entrée, je n'ai pas envie d'avoir de la visite. Je me suis endormi en rentrant de mon rendez-vous chez le Dr. Allen et je suis encore à moitié plongé dans les bras de Morphée. A la deuxième sonnerie, je me lève d'une traite et mes jambes s'arquent sous mon poids. Je parviens difficilement à faire les premiers pas mais une fois la porte de ma chambre passée, je retrouve l'équilibre. Je regarde à travers le judas et m'aperçoit avec surprise que c'est Niall, un de mes meilleurs amis. Je ne peux pas le laisser dehors, les instants passés avec lui sont trop précieux.

- « Salut ! » déclaré-je d'une voix un peu cassée en ouvrant grand la porte.

Il me fait un grand sourire et me prends dans ses bras. Niall est trop souvent absent, ce n'est pas un reproche mais il n'est jamais là. Il pratique l'aviron en professionnel et est souvent amené à voyager avec son équipe pour des compétitions. Ses entraînements lui prennent quatre-vingts pour cent de son temps libre et les vingt pour cent restants sont réservés à son sommeil. Cela me fait un immense plaisir qu'il passe me voir.

- « je crois qu'on va pas dormir sur le palier non plus » rétorque-t-il en desserrant l'étreinte.

Je l'invite à rentrer et on s'assoit face à face dans les fauteuils de mon modeste salon faisant également office de cuisine, de chambre et de bureau, lié au manque d'espace de mes trente mètres carrés. Je m'empresse de lui proposer à boire mais il refuse, faute de soif. Il a l'air fatigué, la saison se termine pour lui, il me raconte à quel point les championnats nationaux ont été excitant et difficile. Je ne fais qu'acquiescer ou répondre par des phrases brèves et banales du genre « ah ok », « c'est vrai ? », « je comprends » ou encore un simple « d'accord ».

- « Tu es sûr que ça va ? Tu as l'air ailleurs... » demande Niall de but en blanc après s'être aperçu que je n'ai rien suivi de ses récits.

- « Oui il n'y a pas de problème » répondis-je en feignant un rictus.

- « Je ne sais pas comment te le dire mais tu as l'air bizarre depuis que je t'ai vu à l'entrée. Déjà tu dors à moitié, tu traînes en pyjama alors qu'il est dix-sept heure et je te sens tendu. Cela ne te ressemble pas de glander comme ça tout une journée. » affirme-t-il en ayant examiné scrupuleusement son ami de haut en bas.

Je n'avais pas revu Niall depuis l'accident. On s'était appelé, envoyé des textos, uniquement du contact virtuel. Il n'est pas au courant, personne ne l'est, je ne peux pas me résoudre à me confier à quelqu'un. Cela ferait de moi un monstre aux yeux de ceux que j'aime le plus au monde, ma famille et mes amis.

- « Parle-moi un peu de toi maintenant, c'est ton tour ! »

La vérité est que je n'ai rien à lui raconter car ce qui occupe mon esprit tout entier, me lie à la douleur et à cette éternelle question : est-elle en vie ? Je ne peux pas arrêter d'y penser, je n'arrive plus à m'amuser, j'ai l'impression d'être un meurtrier, quelqu'un de mauvais. Je suis prisonnier de mon délit, je n'ai plus la force de nier, d'essayer de vivre avec mais en même temps je suis trop lâche pour en parler.

- « Rien de spécial, la vie suit son cours » répondis-je faute de mieux.

- « Tu passes en deuxième année de biologie ?

- Oui mais je ne me suis pas encore inscrit. J'attends de savoir si je peux être pris dans une meilleure école, pour l'instant je suis sur liste d'attente.

- J'espère que tu le seras... »

Niall se lève et commence à regarder le contenu de mes étagères, celle qui concerne les sciences de la Terre, du corps humain et s'attarde sur mes vieux journaux. Il prend un quotidien assez ancien et se rassois afin d'en lire le contenu.

Accident FatalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant