HOMELESS ou La rose d'hiver

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Je hurlais de toutes mes forces, vidant le maigre contenu de mes poumons d'enfant. J'avais mal. Très mal. Mon corps tout entier souffrait, je n'étais plus qu'une plaie vivante en mouvement. À bout de souffle. À bout de vie. Je n'en pouvais plus. Pourtant, je continuais. Je m'époumonais, pleurais ce qu'il me restait. Je courais. Tombais. Courais. Puis tombais encore. Une nouvelle blessure marquant mon anatomie à chaque relevée. Je criais, encore et encore, infiniment,

«Maman.. ! Papa.. ! Ne partez pas.. ! Ne me laissez pas..!!!! »

Ils semblaient si proche. Ils souriaient et me tendaient la main, tout en me demandant d'abandonner. Sois sage. Sois sage. Répétaient-ils inlassablement. Sois sage. Sois sage...

«Maman non ! »

Ils me distançaient de plus en plus.

«Papa non ! »

Leurs voix s'éteignaient à mesure que leurs images s'estompaient. Malgré mes efforts, Ils restaient inatteignables, inapprochables, intouchables. Hors de porter de mes petits doigts naïfs. Je tremblais de Peur. De Haine. De Reproche. Je ne voulais pas... Je ne voulais pas. Je ne voulais pas ! Dans un dernier élan de désespoir, je criai :

«Ne me laissez pas toute seule... !! »

Silence.

Ils n'étaient plus là. Ils étaient partis. Partis.

J'étais déchirée.

Seule.

Le cœur meurtri.

Abandonnée.

Trahie.

Seule.

Seule, dans les ruines du mensonge que j'appelais famille. Foyer. Maison.

Seule...

** ** **

-Mademoiselle Rose...Chuchotait une voix qu'elle ne reconnaissait pas, mademoiselle Rose...

La voix se faisait rassurante, dégageant une certaine chaleur. Elle était douce et claire, agréable à l'ouïe comme le ruissellement de l'eau.

-Mademoiselle... Insistait-elle doucement.

Une délicate odeur caramélisée vint chatouiller ses narines. Rose reconnut instantanément le parfum des viennoiseries fraîchement sorties du four, du chocolat encore chaud des pains aux chocolats jusqu'aux sucres fondues des croissants faits maisons.

-Ce n'était qu'un rêve, mademoiselle... Dit la voix au moment où une caresse surprit son visage.

Ses yeux s'ouvrirent lentement sur une silhouette féminine, floutée par les effets du réveil. Elle arrivait tout de même à distinguer le brun de sa longue chevelure, ainsi que le bleu de l'uniforme de travail consacré aux employés. En frottant ses yeux afin de la découvrir entièrement, ses mains se retrouvèrent humidifiées par des larmes qu'elle devinait versées dans son sommeil. Elle s'empressa d'effacer toutes traces de faiblesses avant de lui faire face.

Rose était une victime de la vie. Celle-ci l'avait empoisonnée d'amertume et de méfiance, avant de la jeter dans les rues abandonnés de la société. La jeune fille s'était développée dans ce vide particulier, plus vide que vide, où chaque être vivant est une menace. Elle avait grandi traumatisée par des géniteurs trafiquants d'enfants, soumise à un vielle homme exploiteur des corps féminins, fouettée par des monstres vicieux aux visages humains. Sa confiance en l'humanité était morte, en même temps que sa naïveté et son amour propre. Elle s'était bâtie dans cet environnement malsain, créant sa propre défense contre les prédateurs. Rose, beauté aux apparences fragiles n'hésitant pas à user de ses venimeuses épines pour protéger son cœur, seul lieu où elle trouvait encore refuge dans ce monde où l'argent est roi. Elle refusait à tout être humain le droit d'en avoir un aperçu, de peur de dégrader à leur contacte la beauté ainsi que la paisibilité de son abri. Aussi, elle avait appris à ne laisser transparaître aucune émotion et rester muette, de sorte à ce que même le volume de sa voix ne trahissent pas ses sentiments.

HOMELESS ou La rose d'hiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant