Je roule sur l'autoroute, dans un coin perdu avec la forêt et les montagnes, que j'appelle "Les Dormeuses". Dans ma tête, ces immenses collines ont toutes -ou presque- l'air de femmes qui dorment, sur le coté ou sur le dos. Certes, elles ont d'étranges formes pour des femmes, mais je suis plus ou moins capable de distinguer leurs courbes, les différenciant de celles qui dorment sur une oreille et celles qui sont allongées, le regard vers le ciel.
Aussi, parfois, je laisse dériver mon regard vers le ciel nuageux. Parmis les longues nuées de blanc et de gris, je distingue un pégase, un phœnix et un daupin sans queue. Plus le vent souffle, plus ils se déforment, faisant place à un immense serpent de vapeur, aux dents pointues, au long corps difforme et à la queue épineuse.
J'arrive finalement à destination: un petit magasin bazar sur le bord de la route. C'est le crépuscule, et on peut entendre les cris des outardes qui migrent vers le Sud, à l'approche de l'hiver. Il n'y a jamais beaucoup de monde qui viennent ici, mais c'est le repère des jeunes ados rebelles et des adultes sans responsabilités. Je me gare dans le petit stationnement d'en avant, coupe le contact et me dirige vers l'entrée du petit bâtiment. À l'extérieur, il y a un petit groupe rassemblé autour d'un feu de joie, à l'autre bout du parking. Ils dansent au son de la musique qui sort de hauts parleurs, soigneusement posés sur une souche juste à côté du feu. Ça n'a pas l'air de déranger le propriétaire, puisqu'une fois sur deux, quand je viens ici, y'a toujours des gens à moitié saoûls qui traînent dans le coin.
En poussant la porte, un petite clochette retentit alors que le responsable des lieux me salue de derrière le comptoir caisse. C'est un homme dans la soixantaine, bedonnant, chauve, au sourire blanc éclatant et qui sens bon le vieux. Ne me jugez pas. J'aime bien l'odeur des vieilles personnes. C'est différent et apaisant en quelque sorte. Je vais faire un tour au toilette, puis, en sortant, m'arrête net devant le miroir. Dans la glace, je vois le reflet d'une étrangère. Mes cheveux légèrement bouclés m'arrivent aux fesses et ils sont noirs, alors qu'hier ils faisaient la moitié de leur longueur actuelle et ils étaient châtain aux reflets roux. Mes yeux sont bleus azur au lieu d'être pairs et lorsque je sourie, j'ai deux fossettes au lieu d'en avoir qu'une, à gauche. Par contre, j'ai toujours mon teint vampirique, blanche comme la neige. Je me suis réveillée ce matin avec cette nouvelle apparence, et personne n'a l'air d'avoir remarqué la différence. Même moi, ça n'a pas l'air de m'avoir choqué plus que ça aurait du.
À la caisse, je paie mes articles, et en me dirigeant vers la sortie, je me stoppe devant un magnifique pendentif en forme de triangle, avec une perle à chaque extrémité et un signe incompréhensible en son centre. Il est vraiment joli, et pas trop cher, mais je viens juste de payer mes achats. Je reviendrai sûrement plus tard s'il est toujours là.
En sortant du magasin, il fait noir et les jeunes et les plus vieux sont toujours là à boire et à danser. J'avance de quelques pas, puis quelques chose attire mon regard. Je me retourne vers ce 'quelque chose' qui n'était pas là avant: c'est un homme, évidemment bien plus âgé que moi, étendu sur le dos sur une chaise longue, un pied par dessus l'autre et les bras croisés derrière la tête. Il s'est installé à quelques mètres de l'entrée sous un arbre. On dirait qu'il dort, il a les paupières closes. Je m'avance vers lui, détaillant chaque aspect de son visage. Il a des sourcils fournis, de longs cils, un nez droit, pas trop petit ni trop imposant, puis des lèvres charnues, en forme de coeur. Il a une barbe de quelques jours, un peu plus pâle que ses cheveux, bruns foncé, entre 'courts' et 'moyennement longs'. Son teint est un peu plus foncé que le mien et ses cheveux sont en bataille, avec quelques boucles par endroit. Ses oreilles sont décollées -mais il n'a pas l'air de Dumbo-, il a un petit diamant sur la gauche et un anneau sur le haut de la même oreille. Ah oui, il a aussi des lunettes. Le genre de lunettes rectangulaires super sexy qui vont super bien à ce genre d'homme. Ou devrais-je plutôt dire 'Dieu'.
Je ne sais pas pourquoi je l'observe de la sorte, mais même les yeux fermés, il m'hypnotise. Je me suis même approchée jusqu'à être à quelques centimètres de son visage. Puis, lentement, il ouvre les yeux. Il les plonge dans les miens. Ses iris noisette intense, qui tirent un peu sur le doré, sont aussi tachées d'un peu de bleu, surtout au centre, autour de la pupille. Le cercle noir intense qui entoure ce ravissant mélange de couleurs est plutôt épais. Ni lui ni moi ne bougeons. Je ne suis même pas en état de panique, j'ai juste envie de laisser mon regard se noyer dans le siens, mais il faudra bien y aller un jour, alors je me lance.
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Like a dream
Diversos*Inspiré d'un rêve* Je m'appelle Sophie. Dans cette histoire, j'ai 17 ans et je vis au Québec. Je connais bien les alentours, même si ces derniers temps, tout me semble avoir changé, avoir été modifié. Je vis dans un studio assez spacieux et je cond...