Partie 1/4 - Soirée des Bacheliers

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La boite est bondée. En habitués les garçons ont eu une bonne table. Les filles dansent, moi ce n'est pas mon truc, je préfère le chant. Alors Je suis assise là depuis plus d'une heure. Je savoure l'effet des basses sur mon cerveau et mes pulsations cardiaques. Cette vibration qui s'accorde à la perfection avec tous les atomes de mon corps. Comme une fusion.

J'aime aussi regarder vivre mes amis. Les garçons naviguent entre leurs verres et la piste. Et oui, nous avons pour chevaliers servants les derniers spécimens masculins qui aiment et savent danser. Je les regarde se déhancher et se sourire. Nico a esquivé beaucoup de sourires aguicheurs en une heure. Son choix pour la soirée s'est finalement arrêté sur une grande brune filiforme et habillée à la dernière mode. Etrange, en général il préfère les blondes. Comme je sais que d'ici moins d'une heure ils s'éclipseront, et qu'il sort toujours couver, je me désintéresse de lui : il est entre de bonnes mains.

Allan et Steph ne sont pas sur la même longueur d'onde. Elle le boude, encore. Alors ils dansent en la frôlant de temps en temps. Dans peu de temps le vieux libidineux assis au bar va vouloir offrir un verre à la jolie brune. A ce moment, Allan réagira et ... Ben on ne peut pas savoir avec ses deux-là.

Rachid à son Harem. Comme toujours. Rien de neuf pour mes amis.

Parfois je me mets aussi à suivre des yeux quelques étrangers. J'imagine leur vies, leurs joies, leurs drames.

Comme j'ai arrêté l'alcool au profit du jus de cerise, mon ivresse s'évapore lentement. J'en suis à un point de lucidité qui me permet de comprendre ce que voulait Arnaud tout à l'heure. Cette robe est franchement indécente. Si je me lève, je vais passer pour une allumeuse. Alors je reste assise en battant du pied. A rêver à tout un tas de trucs idiots alors que mes amis se relayent sur les fauteuils qui m'entourent pour reprendre leur souffle.

J'ai remarqué un couple qui danse. Ils ont l'air totalement ailleurs. Ils esquissent des gestes prudents l'un envers l'autre. Rien de sexuel pour le moment. Mais ça crève les yeux qu'ils en ont envie. Leurs gestes, son sourire à elle, la crispation de sa mâchoire à lui... Autant de signes que j'ai appris à interpréter quand je sers les cocktails chez Théo. Je souris à l'idée de ce jeu qui me permet de remplir ses moments de solitudes qui m'assaillent alors que je suis entourée de personnes sans intérêt.

Mon attention est troublée car je le sens avant qu'il ne prenne place à mes côtés. C'est comme ça depuis le début avec Arnaud. J'ai la sensation d'être un aimant prit dans son champ de force. Encore et toujours. Attraction, répulsion. Attraction répulsion. Depuis trois ans. Alors je ne sais vraiment pas comment arrêté ça. C'est épuisant de résister. Pourtant c'est ce qui me fait sentir vivante. Ce frisson interdit. Et si je cède ? S'il cède, si nous ... Et si ... Il est là, à quelques centimètres. Je fais quoi ? Comme d'habitude, attends.

- Aller, viens, on bouge.

- Quoi ?

- Je t'emmène au karaoké. Allan nous a réservé une table.

Je m'apprête à enfilé mon gilet pour cacher le dos de ma robe lors de notre déplacement quand il me le subtilise.

- Arrête, ordonne-t-il. Tu es sublime dans cette robe. Et même si l'idée que d'autres te reluquent me fait frémir, je suis ravi de t'avoir à mon bras. Tous les hommes que nous croiserons m'envieront.

Il est debout devant moi, la main tendu. C'est la première fois qu'il ne fait un compliment sur mon physique. La première fois qu'il ne fait pas une vanne pourrie pour atténuer le brasier de ses prunelles bleues. Je pose ma main dans la sienne en déglutissant. A l'aide d'une simple impulsion il me tire vers lui pour me plaquer contre son torse. Je ferme les yeux sous l'influence de son parfum. J'ai toujours trouvé son parfum envoutant. Si nous pouvions le mettre en bouteille pour le vendre à grande échelle, le taux de vente des antidépresseurs chuterait à coup sûr. Parce que ce parfum a définitivement quelque chose d'apaisant.

- Nous sommes Bacheliers, avons tous une place là où nous voulions aller. Maintenant il n'y a plus qu'à suivre le chemin bien tranquillement. Il nous suffit de prendre garde à ne pas nous perdre. Il est grand temps pour nous princesse, murmure-t-il à mon oreille.

Et là, il pose sa bouche sur mes lèvres. Je ne comprends pas pourquoi il fait ça. Et notre amitié ? Il la jette aux ordures ?

Je m'en fiche ! Quand sa langue caresse enfin ma lèvre inférieure, je m'en balance totalement. Je me colle un peu plus à lui et noue les doigts sur sa nuque. Sa chaleur m'irradie. Elle est douce, différente de la touffeur des lieux. Ses mains descendent sur mes reins mais je m'en aperçois à peine parce qu'il me demande d'ouvrir la bouche avec la pointe de sa langue. Je n'hésite pas longtemps. Son souffle dans ma bouche semble me traverser de part en part, de l'intérieur. Je crois bien que s'il ne me tenait pas aussi serré contre lui, je serais déjà tombée : mes jambes ne me tiennent plus. Quand il déplace sa bouche vers mon oreille, des frissons me parcourent la colonne vertébrale. Juste avant de s'installer dans le bas de mon ventre. Canalisant à cet endroit si particulier toute la chaleur de notre étreinte. Je frissonne. Sa bouche glisse lentement vers mon oreille.

- Je j'avais su que tu te laisserais faire, j'aurais tenté ma chance avant bébé.

Je lève les yeux vers lui, éberluée, pas encore remise. Son pouce caresse ma lèvre humide.

- Putain, ne me regardes pas comme ça ou je te ramène chez Rachid pour te coucher sur un lit. Devant mon air, il précis. C'est notre premier baiser c'est déjà pas mal pour ce soir.

- C'est mon premier baiser tout court, j'avoue timidement.

Il scille un instant.

- L'autre ne t'a jamais embrassé ?

- Quel autre ?

- Il couche avec toi mais il ...

Au moment où je pose la question je comprends. Ma main se lève comme animé d'une volonté propre et je la lui envoi en pleine figure. Puis je le repousse les deux mains bien à plat sur ses pectoraux d'airain. Sous le coup de ma gifle, il reste planté comme un piquet. J'attrape mon gilet et je fends la foule.

Mais quel crétin ! Et moi qui pensais que ... Tu n'as pensé à rien ma pauvre fille. C'est toi la crétine. Théo m'avais pourtant prévenu. Cours, cours avant qu'il ne te rattrape pour t'humilier encore plus.

Heureusement pour moi, il n'y a personne au vestiaire. Je ressors très vite. J'entends les sifflets obscènes des fumeurs qui squattent le trottoir en me regardant passé en trombe. Alors j'enfile mon gilet et passe mon sac en bandoulière. De toutes manières après l'humiliation d'Arnaud, ces sifflets ne sont rien.

Sauf qu'encore une fois Théo à raison : ta personnalité, ton physique, personne en croira à dix-huit ans tu n'as jamais laissé un homme t'approcher. Ça m'avait fait rire.

J'habite loin d'ici mais une heure de marche de nuit me fait moins peur que cet homme que je viens de gifler. Cet homme que j'adule et déteste tout à la fois. Tout plutôt que de revoir cet abruti avant des années !

Mon Dieu, est-ce qu'ils pensent tous ça de moi ? Et encore, ils ne savent pas la moitié. Heureusement que j'ai écouté Théo sur ce coup.

Je marche le plus rapidement possible en tentant de ne pas penser à tout ce qui pourrait bien surgir de chaque coin sombre. Ce qui n'est pas trop difficile par ce que je passe mon temps à maudire Arnaud de toutes les manières que je connais. Puis je passe à moi. Ma stupidité, ma naïveté sont déplorables sinon risibles. Pendant trois ans je me suis bercée d'illusions. Depuis quand je peux avoir des amis, une vie normale ? Depuis quand puis-je avoir un homme sublime rien que pour moi ? Rien de tout cela n'a jamais été écrit dans le grand plan de l'univers pour moi. Retour à la case départ.

Je suis enfin devant la porte de la maison. Ce n'est pas chez moi puisque je n'ai plus de chez moi. Je n'ai plus rien depuis longtemps. J'enfonce la clef, referme derrière moi et m'écroule sur mon futon. Je suis seule, dans l'unique en droit ou je peux être moi Alors fais ce qui me démange depuis ma sortie de cette boite : pleurer.

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La suite sera sans doute plus longue à venir parce que je n'ai plus rien en réserve. Il va me falloir un peu de temps pour coucher mes idées sur le papier. Puis pour moi c'est enfin mes vacances.

Et si ... Toi et moi ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant