Une servante surexcitée fit irruption dans les appartements d'Aelswyn, les joues gonflées de nouvelles glanées en écoutant les gardes dans la cuisine.
La fille du duc leva les yeux de son ouvrage, une chemise qu'elle brodait de ses doigts gelés, assise à la fenêtre. Elle jeta un regard exaspéré à la jeune fille, Edith. À seize ans cette dernière aurait dû savoir comment se tenir.
Aelswyn devait admettre que la servante n'était pas dépourvue de talent. Elle savait passablement filer, tisser, coudre, et broder des vêtements, comme sa robe vert mousse pouvait en témoigner. Mais elle serait bientôt mariée, et son futur époux pourrait bien ne pas montrer la même patience que sa maîtresse face à son comportement infantile. Cela pourrait lui valoir de sérieuses corrections.
Edith rougit devant la réprobation d'Aelswyn et s'inclina, retrouvant subitement ses manières. «Pardonnez-moi ma dame, mais je viens d'entendre des choses incroyables. Les vikings, en fait un viking, il était là, et il a demandé votre main, et votre père, il l'a tué !» énonça-t-elle d'une seule traite.
Aelswyn soupira et la pria de se calmer. Le charabia de la servante n'avait aucun sens. «Edith, qui était ce viking, et que faisait-il là ?»
«Je crois qu'ils ont dit que c'était un messager; c'est cela, envoyé par Sven quelque chose, il avait un drapeau blanc.»
«Et que disait le message ?»
«Il voulait votre main en mariage pour son chef, et votre père a refusé.»
Aelswyn fronça le nez. Cela était à prévoir. Son père lui réservait un bien meilleur parti: le second fils du roi, qui venait juste d'atteindre sa majorité. Il était bien plus jeune qu'elle, mais leur union renforcerait l'autorité royal sur leurs terres, tout en rapprochant le duc du pouvoir. La dote était arrêtée, et le contrat serait bientôt signé.
«Et mon père l'a fait exécuter pour cela?»
«Non, il lui a donné son congé, et c'est alors que l'homme lui a déclaré la guerre et l'a insulté. Il devait avoir perdu l'esprit !»
«Et donc les gardes se sont saisis de lui ?»
«Oui et ils l'ont décapité. Regardez, ils sont en train de monter sa tête sur un pieu!»
Elle pointa le doigt vers la fenêtre, et le regard d'Aelswyn suivit la direction indiquée. Une tête masculine, encore dégoulinante de sang, était plantée sur le mur juste en face de sa chambre. Elle serait aux premières loges pour voir les corbeaux picorer ces yeux bleus vitreux, tirer sur ces longs cheveux roux et déchirer ces lèvres souriantes.
Aelswyn fixa l'affreux spectacle avec un mélange d'horreur et de fascination. Quelque chose n'allait pas. Pourquoi l'homme souriait-t-il ? Qui se réjouirait à l'idée de sa propre mort ? «Tu as bien dit un messager? Avec un drapeau blanc ? Pas un négociateur ?»
Édith haussa les épaules. «C'est bien ce qu'ils ont dit, ma dame.»
Un frisson glacé parcourut l'échine d'Aelswyn. Comment son père avait-il pu ignorer le piège? Les messagers n'étaient que les innocents vaisseaux des mots d'un autre, s'en prendre à eux était considéré comme vil. Ce rusé chef viking était parvenu à utiliser le caractère irascible du duc à son avantage. Son père ne recevrait aucun support de ses alliés lorsqu'apparaitraient les esquiez . Il avait porté le premier coup.
Elle regarda autour d'elle, espérant que le fort se montrerait suffisamment solide pour les protéger le jour venu. Elle s'enveloppa dans son manteau, déterminée à faire la seule chose encore en son pouvoir: prier.
Étendu de tout son long dans l'herbe trempée du sommet de la colline la plus proche, l'éclaireur sourit de toutes ses dents au spectacle sanguinolent qui s'offrait à lui. Cela dépassait toutes leurs espérances; Sven serait satisfait. Même dans ses rêves les plus fous, son chef n'aurait osé espérer une exécution publique.
L'éclaireur rampât à reculons puis se mit à courir aussitôt qu'il se sut hors de vue. Ses camarades attendaient dans la forêt et les rejoindre ne lui prit que quelques instants. Leur chef était assis dos à un arbre, sommairement abrité de la pluie battante par une couverture.
«Ils l'ont tué Sven!» haletât-il. «Ils ont exposé sa tête!»
Sven éclata de rire. Ces fiers Saxons étaient si faciles à manipuler! Cela devait venir de leur foi chrétienne. Ils étaient de valeureux guerriers lorsqu'ils étaient païens.
Il tapota l'épaule de son commandant en second. « Ton frère a réussi, Olaf. Il s'est racheté en mourant comme un guerrier. Il a fait honneur à votre famille. Je ferai en sorte que son courage ne soit pas oublié.»
Olaf carra ses larges épaules et leva fièrement son menton : «Je réclame le droit d'allumer le brasier à ses funérailles comme c'est mon privilège. Puissent les Walkyries le guider jusqu'au Walhalla !»
Sven acquiesça et fit signe à ses hommes de se rapprocher : «Tout se déroule conformément au plan. Soyez prêts à attaquer à la nuit tombée. Vous savez ce que vous avez à faire.»
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The Viking's Hold (La Poigne du Viking) Français
Ficción históricaLes vikings! Aelswyn avait entendu les rumeurs de leur cruels exploits, des viols , des pillages, des villages brûlés jusqu'au sol. Mais jamais elle n'aurait cru qu'ils pousseraient l'audace jusqu'à attaquer la forteresse de son père. Ni qu'ils pour...