JOUR 4

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Mon regard est toujours posé sur le sol, les poings serrés. Je ne veux pas lever la tête, je ne veux pas voir son visage moqueur. Qu'est ce qu'il fait ici ? De toute évidence Melody et lui sortent ensemble. Je les entends s'embrasser. Ce bruit de suçon me dégoûte. Je résiste à l'envie de prendre mes affaires et de partir en courant. Mais je reste là par respect pour Mel'. Elle a fait tant d'efforts....

_Alors...On fait la timide ?

Cette même voix grave. Et putain ce ricanement. Je ne pensais pas que Melody pouvait produire ce son. Ca me fait l'effet d'une claque. Elle est aveugle ou quoi ?

_Pas la peine de faire les présentations. Dit Danaël avant de s'avachir à côté de moi. Mon amie s'assoit sur ses genoux et nous voilà repartit pour une série de baisers baveux. Absolument ignoble et écœurant.

Pendant une bonne heure je reste plantée là, assise comme une idiote sur un banc, a croiser et décroiser mes doigts, gratter la terre du bout de ma chaussure, regarder les enfants monter et descendre inlassablement du toboggan.

Au bout d'un moment Danaël se retourne vers moi.

_Tu sais si t'ennuies je peux appeler un pote, il sera content d'avoir une belle fille comme toi pour s'occuper.

Malgré la délicatesse de sa phrase le compliment me fis rougir. Je secoue la tête.

_Ça ne m'intéresse pas.

Il me fait un petit sourire en coin avant de reporter son intention sur sa copine, ou plutôt sur sa bouche et euuurk, ses seins ! Je détourne vivement le regard quand je les vois se tripoter.

_Vous savez qu'il y a des hôtels pour ça ?

_ T'es jalouse ? demande Danaël.

Je soupire. Le téléphone de Melody se met à sonner.

_Ugh, ma mère, faut que je réponde.

Elle s'éloigne et me laisse seul avec le malade.

Il se colle à moi. Je me lève, je ne supporte pas son odeur, sérieux, il est obligé de se vider son flacon de déo dessus ? A son tour il se lève et m'attrape le bras. J'essaie de me dégager mais il me sert tellement mon poignet que le douleur est de moins en moins supportable. Il m'attire contre lui, son visage à quelques centimètres du miens. Je peux sentir son souffle chaud sur moi.

_June, ma petite June, dit il en coinçant une mèche de cheveux derrière mon oreille. Tu as besoin de moi.
_Non. Je n'ai besoin de personne et encore moins d'un gros psychopathe dans ton genre.
_Tu ne sais pas mentir,ricane-t-il.

Il a tord, je n'ai pas besoin de lui. J'ai besoin qu'une personne autre que lui me trouve belle.Non ce n'est pas égocentrique. J'ai besoin de me rassurer. J'ai besoin qu'une personne tue la voix dans ma tête. J'ai besoin d'amour, de compréhension, j'ai besoin de me sentir aimée et de savoir que je peux compter sur mes amis.Sans ça je vais finir pas péter mon câble. Je vais éclater. Je sais pas quand , je sais pas où, ni pourquoi. C'est ça qui me fait peur, piquer une crise en publique, ou devant mes parents.Si la douleur est trop forte et mon secret bien gardé, je pourrai prendre une arme et la retourner contre moi. Ou écouter Ana jusqu'à mon dernier souffle. Je ne sais pas comment cette histoire va finir. Je ne sais pas comment je vais finir. Tout cela vient à peine de commencer mais ça va déjà trop loin. Et dans un moi, où est ce que je serai ? Je suis terrifiée. L'inconnu me fait peur.A vrai dire, tout me fait peur. J'ai peur de ne pas être à la hauteur, la peur de ne pas être assez belle, assez mince. J'ai besoin d'être parfaite. J'en peux plus, j'accumule trop de pression ces derniers temps. Et puis, j'ai l'impression d'être un aimant à problèmes. Non, JE SUIS un aimant à problèmes.

Putain mais qu'est ce que je fous là ?

_Je m'en vais, je lâche en prenant mes affaires.

Je ne lui laisse pas le temps de dire quoi que soit, de toute façon je n'ai aucune envie d'entendre le son de sa voix.

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Allongée sur mon lit, à réfléchir sur le nouvel épisode de ma vie. Je vais être habituée à faire ça tous les jours, à croire que c'est nécessaire pour moi de penser à ce que je viens de vivre. C'est nécessaire et totalement destructeur. Peut être que je ressens le besoin de me détruire. A méditer.
Mon téléphone vibre, sûrement Melody. Elle veut peut être savoir pourquoi est ce que je me suis sauvée sans lui dire au revoir.

Melody

Alors, comment tu l'as trouvé ?

Moi

Il est cool

Melody

Non June il est parfait !

Moi

Oui si tu veux

Melody

C'était sympa de partir, on a eu plus d'intimité ;)

Quoi ? Elle se moque de moi là ?

Moi

Si tu voulais être seule avec lui pourquoi tu m'as demandé de venir ?

Melody

Pour que tu le vois mais je pensais pas que t'allais rester aussi longtemps.

Moi

Je l'avais déjà vu au bowling je te signal.

Melody

Ah oui j'avais oublié que t'étais avec moi. T'es tellement discrète :D

J'éteins mon téléphone et le pose violemment sur ma table de nuit. Les paroles de ma meilleure amie sont plus tranchantes que des poignards. Je sais bien qu'elle voulait dire invisible et pas discrète. Ou associable, ce mot là me correspond parfaitement. Mais je n'y peux rien si je n'aime pas aller vers les gens. J'ai deux super amis ça me suffit, j'ai pas besoin d'avoir tout le collège à mes pieds. La popularité est un concept totalement stupide que je n'ai jamais compris. Toutes ces filles prêtent à tuer pour être amie avec tout le monde. Le pire c'est qu'elles y arrivent. C'est tellement pathétique.

June, tu sais quoi ? Tu es bizarre. Tu es grosse mais tu restes quand même invisible.

Et alors ? Ça veut dire que je ne suis pas aussi grosse que ça.

Je sais que c'est dur. Ça fait mal de comprendre que tout le monde s'en fout de toi. Mais tu sais quoi ? Si tu arrêtes de manger je te promets que tout le monde te remarquera. Tout le monde aime les belles filles minces.

J'enroule ma main autour de ma cuisse. Je n'arrive pas à faire le tour, elle est trop grosse. C'est donc vrai. Je suis énorme. Qu'est ce que je dois faire ?

Faire du sport et arrêter les gourmandises.

Et cesser de manger jusqu'à crever ?

Oui.


AnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant