Une minorité opprimée

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Vendredi 25 Septembre 2015, c'est ce jour-là en effet où j'ai pris conscience du pétrin dans lequel je m'étais mise. J'ai vu cette vidéo, une vidéo horrible, humiliante, insultante et violente où de jeunes débiles marocains s'en prenaient publiquement à un homosexuel, la nuit, dans une ruelle sombre. Quel est ce pays où nos orientations sexuelles nous font vivre dans la crainte ? Ce pays c'est le mien, c'est le votre.
Ayant pour habitude de passer mon temps sur les réseaux sociaux (tels que sur la communauté LGBT de 9chat), je me suis enfermée dans une bulle où j'ai créé une illusion d'espoir et d'égalité. J'aime me plaindre de ma situation à d'autres homosexuels à l'étranger. Pourquoi ? Simplement pour qu'ils prennent conscience de la chance qu'ils ont d'être acceptés ou tolérés, bien que la tolérance ne soit pas un mot positif en tant que tel. La tolérance, à mes yeux, exprime l'acceptation d'une chose que l'on réfute. Entre autre, bien que de nombreux pays acclament le fait d'être tolérants, en soi, cette tolérance n'est qu'hypocrisie. Certes, c'est devenue une mode, de supporter les « gays », toutes les adolescentes veulent avoir un meilleur ami gay ! Expliquez-moi... S'il-vous plaît ! D'où viennent ces modes ? En quoi être gay, lesbienne, bisexuel, transsexuel est différent ? Avez-vous choisi d'être hétéro ? Non, et bien nous non plus. Pourquoi y mêler les lois, la religion, le comportement, le jugement et tout ce qui s'en suit ?
Quelques mois à trois ans de prison. C'est notre peine, notre avenir. Sommes-nous des criminels ? Faisons-nous du mal aux autres ? Etait-ce interdit par la religion ? Sommes-nous forcément croyants et pratiquants ? Sommes-nous Dieu, s'il existe, pour décider de punir un tel ou un tel en son nom ? Non. Face à ces nombreux questionnements, ma seule envie est de hurler. De hurler laissez moi vivre ! Je n'ai que 17 ans, je vis au Maroc et je vis cachée. Seulement, mes yeux sont grands ouverts, mes oreilles bien à l'écoute et mon cœur est déchiré. Oui, il est dans cet état par votre faute, par la mienne et par celle du gouvernement. Nous, les marocains, on parle beaucoup et on agi peu. Seule, exclue, dans une société qui ne veut pas de moi, une société qui me rejette. Lorsqu'on me demande d'où je viens, je réponds simplement que je vis au Maroc. Ce pays n'a plus de place ni dans mon présent, ni dans mon avenir. La seule solution pour nous, homosexuels marocains, c'est la fuite. Certes, c'est lâche, mais nous n'appartenons pas à ce pays, ce pays ne veut pas de nous, nous ne voulons plus de lui. Certes, nous n'avons pas tous cette opportunité, certains ont des familles, des enfants, des amis et tout cela. Mais valent-ils notre liberté ? Notre sécurité ? Notre épanouissement ?
Fuir c'est pour les faibles ? Non, fuir c'est pour les impuissants, et oui, nous ne pouvons qu'être impuissants face à cette hypocrisie nationale, cette justice injuste, ces stéréotypes malsains. Aucun pays n'est parfait, certes, mais dans le notre, au lieu de progresser, on régresse. A quoi ceci est du ? A la religion qui freine le progrès social, peut-être. A l'endoctrinement que l'on subit de jours en jours, certain. Jeunesse, enclaves toi sur toi-même pour combattre intérieurement tout les discours de haine qu'on te fait avaler dans ton innocence. Ai soif de savoir, mais bâtis ton opinion seul. Soit fière de ta pensée, qu'elle te guide vers un avenir incertain, mais choisi !
Ce texte s'adresse à toi, élite de la jeunesse marocaine, fuis ce pays que tu ne peux appeler « le tien », fuis le tant que tu es libre !
Maintenant, imagine notre situation actuelle. Coincés dans un pays auquel on n'appartient pas, et qui ne manque aucune occasion pour nous le rappeler. Le plus douloureux dans tout cela c'est les remarques, l'opinion des autres. Imaginez-moi, une quelconque ado de 17 ans, avec rien de particulier hormis une curiosité démesurée, qui s'aventure sur la toile marocaine. Je me souviens de ce jour, où, comme régulièrement, je lisais la presse marocaine sur mon smartphone. Je tombe sur de nombreux articles où diverses personnes luttent contre l'incrimination de l'homosexualité dans mon pays. Les articles sont beaux, biens écrit, courageux; une lueur d'espoir réapparaît dans mon âme. Ma première pensée est qu'il faut garder espoir, il y a des personnes ouvertes d'esprit dans ce pays injuste malgré tout. Seulement, je pousse ma curiosité un petit peut trop loin. Je vais jusque lire les commentaires à propos de l'article en question. Résultat, je fonds en larme devant des centaines de déclaration haineuses, homophobes, violentes, humiliantes. Imagines-moi, perdre ma fierté, mon estime personnelle, mes convictions, et tout cela en un instant. Certes, on a pour habitude de dire que l'avis des autres importe peut, sauf que dans cette situation, où nous sommes nous même perdus et avons besoin de réconfort, les avis haineux sont ceux qui font le plus d'écho. J'ai gardé toute cette haine en moi jusqu'à la rédaction de ce texte, qui finira certainement dans la corbeille de mon ordinateur. Enfin, après avoir lu ce qu'on peut très clairement appeler l'opinion publique (car ce sont ces discours discriminatoires et insensés qui sont le plus dominant chez la population marocaine) je me devais de faire quelque chose. Seulement, ne pouvant pas changer toute une société, j'ai essayé de changer moi-même. Mais comment changer quelque chose de naturel chez moi ? Après plusieurs tentatives échouées d' « hétéroisation » (si je peux appeler ça comme ça), je me suis faite à l'idée que ni moi, ni la société ne changera jamais. Un trouble identitaire important se crée donc en moi : qui suis-je réellement ? Pourquoi suis-je comme ça ? Suis-je malade ? Puis-je dire que je suis marocaine ? À quoi/qui/où est-ce que j'appartiens ? Avec tant de questions sans réponse, la dépression s'impose, bien évidemment. Elle vient toujours tout gâcher de toute manière ! Je perds donc goût à la vie, je ne veux plus voir personne, c'est l'exclusion sociale. Je plonge dans la drogue, les fêtes, l'alcool, enfin, tout ce qui permet à ma haine de s'absenter un instant et de pouvoir enfin être vidée. Heureusement, je comprends bien vite que rien de cela ne va apporter aucune solution à mes problèmes. Certes, ça permet juste de faire un petit « break de tristesse », mais dès les effets de ces substance dissipés, mon mal-être ressurgi.
Après une « cure de désintoxication » faite avec les moyens du bord, je me ressaisie, je reprends ma vie et mon objectif en main. Je suis déterminée. Je vais obtenir mon bac avec la meilleure mention possible. Ainsi, les portes des meilleures universités et écoles européennes seront à ma portée. Je pourrai enfin être libre, dans un pays qui n'est pas le mien certes, mais qui devra me tolérer. Ainsi, lorsque j'aurais acquis une certaine influence, je reviendrai. Maroc, tu es malsain, tu es malade, je trouverai une solution pour te soigner !

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 30, 2015 ⏰

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