Les vibrations incessantes de mon téléphone et son écran qui ne cesse de s'allumer juste à côté de ma joue me réveillent d'une manière tout sauf douce.
J'ouvre un oeil dans un effort insoutenable, mais quelle heure est-il ?
Mon écran indique le prénom de Marion je répond donc péniblement au téléphone.
-Allo...
-Oulah j'en connais une qui vient à peine de se réveiller.
-C'est ta faute...
-Tu ne me remercie même pas ta sauveuse?
-Hein?
J'avoue que mon éloquence au réveil est assez limitée.
-On t'a sortie de chez Léa.
Ça y est je retourne à la réalité.
-On t'a retrouvée dans son lit sous elle en soutien gorge.
-Je peux tout t'expli-
-Ce sera pas la peine ne t'en fais pas je sais qu'elle t'a droguée pour parvenir à ses fins. Léa est totalement folle je suis restée chez elle afin de lui parler, ne penses pas à elle.
-T'es toujours chez Léa?
-Oui toujours, j'ai dormi chez elle et j'ai tenté de lui parler toute la journée mais elle est clairement bornée, je sens qu'on va avoir besoin d'un moment pour lui faire comprendre la gravité de ses actes.
-Et moi il me faudra un moment pour espérer lui pardonner.
-Je ne pourrais pas la pardonner si elle m'avait fait un quart de ce qu'elle t'a fait!
-Et encore tu ne sais pas tout, elle m'a éloignée d'Emily en plus de la tentative de viol...
-Si je le sais, Emily va t'expliquer. -Hein?
-Désolé je dois aller manger.
-Tu rigoles je viens de me reveiller!
-Il est 19h Alex...
J'éloigne le portable de mon oreille pour vérifier les propos de Marion "19:03" oups, il semblerait que j'ai dormi toute la journée.
-Bon bah bonne appétit...
-Merci, bon règlement de compte!
Marion raccroche sans rajouter un mot, comment ça règlement de compte?
Je sors de mon lit en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ça fait bizarre de retrouver l'usage de mes membres maintenant que je ne suis plus sous substances illicites.
Je trébuche et mon doigt de pied vient rencontrer un meuble à ma gauche. Une seconde, il n'y a pas de meubles à cet emplacement dans ma chambre. Où suis-je?
J'ai comme un sentiment de déjà vu, cette situation est déjà arrivée il y a plusieurs mois et c'était chez...Emily Hatch.
Non.
Non...
Non!
Je suis chez Emily?! Comment ai-je fait pour ne même pas m'en rendre compte! Marion est arrivée avec une autre personne chez Léa c'était forcément Emily!
J'attrape mon téléphone et tente d'éclairer la chambre autour de moi grâce à la lumière qu'il dégage. Pas de doute, je suis bien dans la chambre de ma prof. Le peu de lumière que mon portable dégage accompagné de la brise légère que je sens sur mes jambes confirme une chose: je suis en culotte.
J'imagine qu'Emily a du me déshabiller en me couchant, je suis tellement gênée! Je crois que je vais être incapable de sortir de cette chambre avant disons, 2 ou 3 vies.
Une voix se fait entendre depuis le salon.
-Alex t'es réveillée?
Je crois que mon plan de cache cache sur plusieurs générations tombe à l'eau.
Je songe un instant à fuir par la fenêtre mais je le résigne vite en me rappelant que nous sommes au dernier étage. Je prend mon courage à deux mains et ouvre timidement la porte.
Je retrouve cette pièce dont j'ai rêvé des dizaines de fois, un bar americain sur ma gauche et la partie salon à ma droite.
Et puis entre les deux juste en face de moi, elle.
Elle me regarde et me tend un verre d'eau avant de retourner derrière son bar.
-Je te garantis qu'il n'y a pas de drogue dans ce verre.
Mes yeux ne peuvent se détourner d'elle, celle qui m'a fait tant de mal. Elle est maintenant en short et débardeur en train de cuisiner à quelques mètres de moi derrière son bar.
Elle lève les yeux de sa poêle et me fixe avec un sourire espiègle.
-Tu pourrai au moins me remercier, je t'ai sortie des griffes de Léa.
Je préfère aller m'asseoir sur le canapé, je sais que je devrai lui être reconnaissante mais Emily m'a fait tant de mal...La dernière fois que je lui ai parlé seule à seule elle a fini par m'exploser (involontairement certes) le crâne contre une table.
Et maintenant elle paraît si sereine, si apaisée. Je suppose qu'elle est heureuse de me savoir ici plutôt que chez Léa mais j'ai moi en revanche beaucoup de mal à me dire que je suis dans la même pièce que la fille qui occupe mes pensées en permanence.
Et en plus je suis en culotte!
Je sens le regard d'Emily sur moi et je ne sais pas comment réagir, je joue avec mes doigts pour lutter contre le stress qui montre son nez. Ma prof rompt le silence.
-Je fais des spaghettis bolognaise ça te va?
Sa question me fait sourire, elle sait très bien que j'adore ce plat.
-C'est très bien.
Un silence se fait et cette fois c'est moi qui le brise.
-Merci d'être venue me chercher chez Léa tout à l'heure.
-C'était hier soir en fait, tu as dormi toute la journée tu ne dois pas t'en rendre compte.
Elle a raison, j'ai l'impression que j'étais à chez Léa il y a quelques heures à peine.
-Au fait tu ne sens plus les effets de la drogue?
-Non j'ai quelques courbatures mais rien de plus.
Un ange passe et je redeviens gênée. Pour moi qui d'ordinaire est très bavarde ce silence est plus que pesant.
Je n'ose pas prendre la parole même si je sais très bien que nous avons des comptes à régler.
Emily s'avance vers moi, pose les assiettes sur la table puis viens s'assoir sur le canapé à une place de moi.
-Euh...en fait j'ai pas très faim.
À peine cette phrase prononcée mon ventre gargouille et produit un bruit semblable à une dizaine de réacteurs d'avions en marche.
Nous nous regardons une seconde avant de rire toutes les deux.
-Je crois que ton ventre n'est pas de cet avis, tu dois manger.
-Non mais vraiment je t'assure...
-Mange s'il te plait.
Son ton quasi suppliant achève de me convaincre et je dévore tout ce qui se trouve dans mon assiette, qu'est ce que c'est bon!
Alors que j'en suis à la moitié de mon repas Emily prend enfin la parole.
-J'ai vraiment eu peur lorsque tu étais chez Léa tu sais...
Elle semble sincère mais elle a encore une fois changé totalement d'attitude par rapport à la dernière fois que je l'ai vu.
Elle ne peut pas se comporter tantôt ange tantôt démon en fonction du jour qu'il est! Je lui répond avec amertume.
-C'est en partie ta faute si j'étais chez Léa, tu m'as sortie de la mais tu m'y a aussi conduite.
-Je sais, écoute j'ai pas été très honnête depuis le début avec toi.
-Non, tu crois?
-Alex...
Non. Cette fois je ne me laisserai pas avoir par son ton larmoyant, il me faut des réponses.
Je laisse mon repas sur la table à mon opposé et prend une grande inspiration.
C'est l'heure des explications, et cette fois elle va être honnête.
-Emily, je veux la vérité. Je sais que Léa s'est impliqué dans ta vie mais je veux tout comprendre. Dans les moindres détails.
Ma prof de français reprend son souffle et cherche ses mots avant de me parler, entre gêne et tristesse.
-Je vais tout te raconter si c'est ce que tu veux. Mais je ne sais pas si...
-Racontes. S'il te plait.
-Très bien, tout a commencé le jour de mon arrivée, je rencontrais mes nouveaux collègues et mes nouveaux élèves. On m'avait dit que la prof que je remplaçait était appréciée par beaucoup d'élèves et que j'aurai du mal à arriver à son niveau. Penses à la pression que j'avais.
-J'ai du mal à t'imaginer stressée.
-Et pourtant c'était le cas, crois moi! Bref pour mon premier cours je prennais en charge la classe dont j'étais prof principale encore une charge de plus. Je me disais que la journée commençait mal et puis...Toi.
-Moi?
-Tu es arrivée en retard et tu as fait preuve d'une insolence que je n'avais jamais rencontré avant.
-Maintenant c'est moi qui suis gênée.
Emily rigole, elle est magnifique avec cette expression sur le visage.
-Ne le sois pas, ton attitude m'a plu et m'a un peu détendue en ce jour de rentrée. Et puis la journée est passée et le soir je me suis rendue compte que tu occupais toutes mes pensées.
Une seconde, elle pensait à moi? Je tente de masquer le sourire naissant sur mon visage.
-Les jours passaient et je t'observais de plus en plus, j'avais deviné que tu aimais les filles grâce à mon gaydar surpuissant et...
-"gaydar surpuissant" ça va l'égo? -Chut c'est moi qui raconte l'histoire.
Elle fait semblant de bouder et reprend la parole.
-Et puis il y a eu ce jour ou tu es sortie de ton cours d'art. Je ne sais pas pourquoi j'ai voulu te dire que...moi aussi j'aimais les femmes.
-Oh.
-Comme tu dis, heureusement j'ai été sauvée par le gong et tu es retournée en classe, à cet instant je me disais "merde Emily qu'est ce qui t'arrive?!"
Ma prof principale semble troublée, c'est étrange de la voir dans cet état.
-Et puis j'ai remarqué tes résultats médiocres en sciences et...D'ailleurs ça m'intrigue comment ça se fait que tu sois si bonne en français ou en art et si mauvaise en sciences?
Je réponds sans mentir.
-Je suis trop sélective avec mes matières, si j'aime un prof et que son cours est bon j'ai des bonnes notes sinon c'est une catastrophe.
-Pendant que tu venais encore à mes cours tu avais 19 de moyenne devrais-je en conclure que tu m'aimais bien?
Elle ponctue sa phrase d'un clin d'oeil espiègle, hors de question que j'admette qu'elle me troublait déjà au début de l'année! Je ne veux pas lui donner raison et fait preuve d'une mauvaise foi exemplaire.
-Non tu était l'exception qui confirme la règle.
-J'ai du mal à te croire...Bref, pour être honnête le temps à passé et j'étais de plus en plus... obsédée par toi. Je m'arrangeait pour te voir un peu après mes cours mais je n'osais rien faire pour me rapprocher de toi.
Et puis le jour de noël j'ai dîné avec mon ex et des amis. Je leur ai avoué que quelqu'un m'intéressait sans dire que c'était une élève et je me souviens encore de ce que ma meilleure amie m'a dit "Si tu n'essaie pas tu ne saura jamais alors bouge toi le cul".
-C'est...violent.
-Mais ça a fonctionné! C'est grâce à elle que j'ai osé t'envoyer un sms.Et puis au fur et à mesure de nos conversations je comprenais que je t'intéressait peut être aussi. Et puis il y a eu Léa.
Ça y est, elle rentre dans le vif du sujet.
-J'avais déjà remarqué qu'elle t'observait énormément pendant les cours mais ça s'arrêtait la et puis tu m'a raconté qu'elle avait tenté de te violer lors de votre soirée. J'étais hors de moi! J'ai réfléchis toute la journée je n'arrivais pas à dormir la nuit et je suis donc... allée chez Léa à 5h du mat.
-Tu as fait quoi?!
-Le pire est à venir crois moi. Ses parents n'étaient pas la, tu me l'avais dit. Je pensais devoir la réveiller mais j'ai entendu du bruit je suis donc montée directement jusqu'à la source du dis bruit c'est à dire dans sa chambre et la...j'ai surpris votre conversation.
-Notre c-
-Laisse moi finir.
Le ton d'Emily est devenu glacial en une fraction de seconde.
- Vous parliez sur Skype, j'entendais mal la conversation mais j'ai clairement pu cerner un extrait. Vous parliez de moi et puis Léa t'a demandé:
"-Est ce que tu l'aimes?"
Tu as répondu:
"-Non, bien sûr que non je l'apprécie c'est tout!"
Je pourrais bien tenter d'expliquer la raison de ces paroles à Emily mais elle ne semble pas apte à m'écouter.
-Je suis rentrée dans la chambre Léa a d'abord été surprise de me voir mais elle a rapidement repris son air mesquin que je connais par coeur, elle savait très bien que je ressentais des...choses pour toi.
Elle m'a dit que je devais être exécrable avec toi et que tu devais me détester sinon elle ferait le nécessaire pour que je sois virée.
-Alors tu as préféré ton job à moi?
-Tu ne comprends pas Alex, je n'avais pas le choix! Nous aurions eu des problèmes tout les deux je ne voulais pas que ça t'arrive! Alors j'ai été ignoble avec toi ça me brisait le coeur d'avoir à te faire ça.
Je sens qu'Emily est en train de livrer ce qu'elle a enfoui en elle depuis longtemps, je continue de l'écouter attentivement alors que les pièces du puzzle s'emboîtent peu à peu.
-J'ai commis une faute, je t'ai vu si belle et si triste et j'ai craqué, je t'ai embrassé. Plusieurs fois. Je savais que ce petit jeu nous faisait souffrir toutes les deux alors je t'ai menti, encore une fois, en te disant que je ne voulais que ton corps.
Emily passe ses doigts sur ses yeux pour empêcher ses larmes naissantes de couler.
-Et puis dans un geste de haine tu as pulvériser toutes les affaires qui se trouvaient dans mon casier en me laissant un mot plein de haine.
-Désolé...
-Ne t'excuses pas, c'est grâce à ce mot que j'ai pu te retrouver, j'ai demandé à Marion si elle savait ou tu étais et elle m'a dit que tu dormais chez Léa. Je lui ai alors tout expliqué dans la panique avant de rouler le plus vite possible pour te sortir des griffes de ce monstre.
Enfin, Emily cesse de parler. Après toutes ces explications je ne sais pas quoi dire elle a posé toutes les cartes sur la table. Je répond d'un air timide voir absent.
-J'ai retrouvé le paquet de cigarettes que tu m'as confisqué il y a des mois dans ton casier. Pourquoi tu l'avais gardé?
Elle me regarde l'air de dire "tu connais déjà la réponse" et réplique de façon courte et concise.
-C'était le seul objet qui me rattachait à toi, c'est con à dire mais c'est la vérité.
Je n'ai plus de questions sans réponses. Tout est clair maintenant, un sentiment de béatitude m'envahit et des larmes perlent sur mes joues, je suis comblée. Emily a fait des erreurs mais moi aussi je n'ai pas été parfaite. Et puis je vois bien qu'elle ne ressent pas pour moi que de l'attirance ou de l'amitié, c'est écrit dans ses yeux.
Emily me regarde et à son tour elle laisse échapper une larme discrète.
Elle me prend la main puis murmure dans un sanglot.
-Je suis désolée pour tout Alex. Je t'aime.
Puis ses lèvres viennent rejoindre les miennes.
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Carpe Diem
Novela Juvenil"Comme à chaque fois qu'une décision s'impose je me dis la même chose : "Carpe Diem", je décide donc de faire ce que je veux en prenant le risque de le regretter demain matin."
