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Thalia pensive, laissa Séphora commander pour elle. Cette dernière n'était plus tellement dans son assiette. Le fait de revoir Julian, l'avait mise dans un de ses états. Il lui rappelait une triste et horrible période de sa vie, d'autant plus qu'il en avait été le principal ouvrier. Elle lui avait accordé une place dans son cœur. Mais celui-ci le lui avait brisé sans même se soucier de ses sentiments à elle ou encore ressentir des remords. Et dire qu'elle pensait -et aurait aimé- ne plus jamais le revoir... Silencieusement, elle piquait les frites de pomme qu'elle rapportait machinalement à sa bouche après les avoir garnis d'une méticuleuse sauce tomate. Elle sentit le regard inquiet de Séphora sur elle. N'ayant pas envie de lui gâcher son rendez-vous, elle adopta une mine plus enjouée et participa à la conversation sans toutefois faire attention à Julian.

Depuis qu'ils avaient commandé, Julian ne cessait d'épier Thalia histoire d'en déceler quelque chose qui en dirait long sur ce regard froid et iradiant. Elle était froide, impassible, de marbre à tout ce qui se passait autour d'elle. Si bien qu'il hésita à lui adresser la parole. Il suffit d'un regard de son amie pour qu'elle changeât d'attitude. C'est alors que la sentant plus détendue, il s'hasarda à la questionner.

-Alors, Thalia, que fais-tu dans la vie?
-Comptable... Et toi? Ajouta-t-elle par politesse, comme si elle ne le savait pas déjà.
-Footballeur professionnel. Mais je compte devenir une légende du ballon rond.
-Ah bon! Je vois maintenant pourquoi ce visage m'était familier! intervînt Séphora. Ils ont parlé de toi à Intersport dans la catégorie des footballeurs professionnels africains qui ont fait une belle saison cette année ! Lança-t-elle non sans enthousiasme. Mais c'est que c'est fabuleux tu es pratiquement une star mondiale du football.
-Hahahaha, commença Julian qui avait été surpris par l'intérêt d'une femme au football. Oh, merci Séphora  c'est agréable à entendre. J'ai juste voulu faire de ma passion un véritable métier. Et aujourd'hui elle me le rend grassement. Dit-il, un sourire en coin feignant sans aucun doute la modestie,  pensa Thalia ennuyée.
-Oh mais c'est super ça. Lança Séphora buvant allègrement les paroles de ce Don Juan aux talents irréprochables que Thalia avait jadis eu à apprécier. Cette dernière guettant son amie d'un coin de l'oeil, secoua négligemment la tête et reporta son attention sur le trait d'azur que représentait désormais le ciel, au soleil couchant.

Voilà bientôt deux heures qu'ils étaient là à discuter autour de verres de spiritueux et de jus naturels, de la carrière grimpante de Julian. Lui ne pût s'empêcher d'assister au changement d'humeur de Thalia tel l'éclosion d'une fleur. Plongée dans ses pensées au départ, il la vit changer du tout au tout pendant la soirée. Il fit face à une Thalia, plus fraîche, naturelle, ouverte, souriante, hilarante loin de la coincée et sainte-nitouche qu'il avait rencontrée 5 ans plutôt. Elle était plus supportable... Et facile à vivre. Julian n'en revenait pas... Thalia Emane,... Facile à vivre ? Qui l'aurait cru ?! L'incrédulité se faisait encore plus présente lorsque Julian se surprit à examiner la forme plutôt que le fond. Elle avait pris quelques kilos en trop avec l'âge mais ne demeurait pas moins la magnifique femme qu'il eut connue. Il se plut à examiner ses rondeurs qui lui allait d'ailleurs très bien, ses yeux toujours aussi pétillants, mais cette fois-ci de malice, nota-t-il, son nez retroussé, ses lèvres pulpeuses... Il préféra ne pas s'y attarder quoique l'envie ne lui manqua pas. Il se ravit à constater que ses doigts fussent toujours aussi soignés et magnifiques. Elle ne s'était jamais appropriée cet attirail de faux ongles que les filles aimaient bien se procurer. Son sourire était des plus radieux et quand elle se leva pour prendre un appel un peu plus loin de leur table, Julian n'en crut pas ses yeux. Comme un typique camerounais, son regard s'est immédiatement projeté sur la chute de reins que soulignait parfaitement le pantalon en denim de Thalia, mais c'est que ça avait pris du volume, pensa-t-il, et des jambes bien galbées, fermes, à en à plus finir. Sa taille était bien marquée, et bien que son chemisier était fluide il réussit à déceler la planctureuse poitrine qui se trouvait en dessous. Ah ça, il fallait le dire, Thalia Émane était devenue une sacrée belle femme, comme on les aime en Afrique, bien fournie où il faut et comme il faut. Il la détaillait tellement qu'il ne s'aperçut même pas qu'elle avait désormais le regard sur lui. Il aurait cru qu'elle voulait le tuer. Mais à sa grande surprise, son regard était lourd de sensualité et plein de malice ?! À quoi pensait-elle ? Serait-ce par rapport à ce qu'elle entendait à l'autre bout du fil ? Ou parce qu'elle l'avait pris en flagrant délit de lèche-vitrines ? Peut-être se trompait-il sur toute la ligne et que l'éclairage y était pour quelque chose.

-Il faut que j'y aille. Annonça-t-elle en revenant.
-Déjà ? Demanda Marc Emmanuel
-Mais Thal', on vient juste d'arriver ! Se pleignit Séphora
-Eh ah... Commença Thalia avec une pointe d'amusement dans la voix. Je te rappelle qu'il est 19h et demi et qu'on est là depuis deux heures. Il y eut un bref moment de rire. Puis elle reprit:
-On a une réunion familiale à laquelle je me dois d'assister. Dc je vais vous laisser profiter de la soirée. Elle parlait sans même lancer un regard à Julian qui n'en était pas moins gêné que ça.

-Je te raccompagne.

Thalia ressentie comme une bouffée de chaleur en s'imaginant cloîtrée dans un taxi, de Bastos jusqu'à Odza, avec pour compagnon Julian Elame, l'être humain le plus insipide qu'elle puisse connaître. Il était hors de question qu'elle rentre avec, elle ne voulait tout simplement pas avoir à faire à lui, il en avait déjà assez fait comme ça dans sa vie pour qu'on l'y reprenne encore à jouer avec du feu. Son avis n'était pas partagé par les deux tourtereaux de la soirée qui virent dans la proposition de Julian, une excellente idée d'une pierre deux coups; d'une part, Thalia serait en sécurité et d'autre part ils termineraient la soirée en tête à tête et ils s'empressèrent dès lors de la convaincre d'accepter .

-Il me semble que ce soit une bonne idée Thalia, commença Marc Emmanuel devant la réticence difficilement voilée de Thalia.
-C'est vrai. Et puis avec Julian tu seras en toute sécurité, lança Sephora non sans un brin de malice en regardant sa copine.

Il en était hors de question pensa Thalia, elle ne voulait pas, elle n'en avait pas envie et puis elle connaissait très bien la route qui menait à son domicile, pourquoi l'assimiler à une gamine qui aurait nécessairement besoin d'un guide pour se rendre chez elle. Sans compter que son sixième sens lui soufflait que les deux tourtereaux essayaient tant bien que mal de caser leurs amis... Elle se surprit à rire intérieurement, s'ils savaient qu'ils n'avaient pas eu besoin d'eux pour se caser il y a 5 ans.

-Ne vous inquiétez pas pour moi, je connais le chemin, dit-elle.
-Mais c'est qu'il se fait tard Thalia, et je ne te parle même pas des bouchons, tenta Séphora.
-Ce n'est pas un problème et puis je n'aurais qu'à faire une bonne proposition au chauffeur de taxi qui m'emmènera sans discuter à bon port.
-On pourrait faire abstraction de tout cela et je te ramène. Ma voiture est garée juste en bas.

Cette merveilleuse intervention de Julian cloua le bec à tout le monde, et Thalia ne sut quoi répliquer si bien qu'elle n'eut d'autre choix que d'accepter Julian et de prendre congés de leurs camarades qui commençaient déjà à roucouler.

Arrivés au bas du restaurant, ils traversèrent la route afin d'atteindre la luisante Range Rover de couleur noire de Julian. Ah ça, on pouvait dire qu'il avait du goût pensa Thalia en référence à son type de voiture. Et comme s'il avait lu dans ses pensées, il la regarda avec malice tout en lui tenant la portière. Elle se contenta de bredonner un merci.

-J'espère qu'elle est à ton goût. Bien que je sais que tu les as toujours préférées blanches.

Thalia écarquilla les yeux,  stupéfaite. Lorsque qu'elle voulut en placer une, le ronflement sourd du moteur éteignit sa voix. Elle se ravisa aussitôt. Il était hors de question qu'elle lui fasse ce plaisir là d'autant plus qu'ils avaient des heures à passer dans cet espace cloîtré. Le trajet étant long, valait mieux que tout se passe... Bien, pensa Thalia.

Little HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant