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Elle n'en revenait pas. Elle qui avait souhaité ne plus jamais avoir à faire à ce grotesque personnage, et voici que la nature des choses s'était chargée de leurs retrouvailles plus que surprenantes. Bien serrés dans leur ceinture de sécurité, ils prirent la route.

Julian ne pouvait le nier, il avait adoré l'expression du visage qu'avait affichée Thalia à sa réflexion. C'était d'un bien fou de la déstabiliser elle qui se voulait toujours tranquille et imperturbable. Il se surprit à y prendre du plaisir si bien qu'il ne comptait pas s'arrêter là. Il voulait la faire sortir de ses gongs comme cette dernière soirée... Et le souvenir ressurgit, Thalia en colère, larmoyante, mais gardant son calme... Jusqu'à aujourd'hui il se convaincrait toujours qu'il avait bien agi, pour son bien naturellement, et le sien ensuite. Cette décision leur était profitable et la plus décisive de sa vie. Si elle lui en voulait toujours aujourd'hui, c'est qu'elle n'avait pas mûri tout au long de cette période quinquennale. Par ailleurs, il comptait bien en apprendre davantage sur elle, sur sa vie, ce qu'elle était devenue. Du moins c'était mieux que ce silence presque strident et oppressant.
-Alors Thalia, le monde est vraiment petit hun. Je parie que tu n'espérais plus jamais avoir à me revoir. Commença Julian
-C'est peu de le dire, répliqua Thalia.
-Hahahaha, rit-il, je savais que tu le prendrais de cette manière. Mais j'ose croire que tu ne m'en veux plus pour...
-Oh c'est bon, ma vie ne se résume pas à toi. J'ai oublié. C'est du passé.

Du passé, le passé, elle aurait for souhaité laisser tous ces événements tristes derrière elle, mais elle n'y pouvait rien. Julian l'avait marquée à vie et ne pouvait pas en ressortir aussi facilement. Elle avait pardonné certes, oublié oui, mais son indélibilité était toujours et à jamais présente dans sa vie. Elle avait beau essayer de ne plus y penser, mais son quotidien lui rappelait toujours Julian Elame, les journaux en parlaient, sa famille aussi, ce qui n'était pas sans lui faire un flash back en arrière sur cette soirée qui était l'une des plus humiliantes de sa vie. Sa vie c'était lui, elle lui vouait son existence, l'aimait plus que tout mais finalement, elle s'était résolue à l'idée que l'amour ne suffit pas toujours . Maintenant elle était une toute autre femme, différente de l'adolescente qu'il avait eu à connaître et qui avait du se battre pour arriver où elle en était aujourd'hui.

-Et toi ? Tu as toujours les mêmes idées préconçues sur moi, balança-t-elle non sans animosité.
-Je préfère qu'on évite le sujet, répliqua Julian en tournant au rond point du centre ville.
Quelques secondes plus tard, il ajouta :
-Le fait est fait. Nous sommes des adultes épanouis aujourd'hui, je propose que cette étape de notre vie ne refasse plus surface. Dit-il sèchement, les yeux bien fixés sur la route.
-Si tu le dis, conclut-elle résignée.

Il pensait toujours que c'était vrai. Peu importe. Cinq ans plus tard elle se serait encore justifiée, mais aujourd'hui, elle s'en fichait pas mal de ce qu'il pouvait penser d'elle. Il avait sa vie et elle, la sienne.

Les bouchons n'étaient plus ce qu'ils étaient il y a cinq ans pensa-t-il ravi du développement qui avait eu à s'opérer dans la ville de Yaoundé. Les routes étaient plus grandes et les différents périphériques qui servaient de raccourcis avaient été améliorés et mis à la disposition des automobilistes. Ce détail l'incombait peu face à l'attitude hostile de Thalia qui, pendant toute la soirée s'était montré si accueillante, chaleureuse. Quoiqu'il ne méritait pas tout ça mais il espérait un peu plus de sympathie à son égard. Il est vrai il avait été dur, mesquin, mais sa conscience lui soufflait que c'était la conduite à suivre. S'il avait été tenu par des sentiments, il n'en serait pas là aujourd'hui, s'il avait continuer à la fréquenter, il ne serait pas la figure qu'il était aujourd'hui. Et seulement pour ça, il ne regrettait rien, pas même toute l'humiliation qu'il lui avait fait subir. D'ailleurs, il avait oublié cette épisode qui avait été bien décisif pour son avenir. Ce qu'il voulait aujourd'hui ce n'était qu'avoir de bons rapports avec elle, juste ça. Donc plus question de revenir sur le pourquoi du comment de leur rupture au pied de son appartement trempé.
Il était profondément plongé dans ses pensées quand soudain une sonnerie de téléphone le détacha de ses pensées, ce n'était pas la sienne. Mais celle de son passager qui s'empressa de décrocher.
-Allô... Rholala pas la peine de crier, j'y suis presque... Je suis au niveau de la Boulangerie Santa Lucia... Je sais ton chéri est rentré et tu dois te lever tôt demain, j'arrive... Iris , j'arrive eh !... Que ?... Passe le moi vite.
Ça se voyait carrément que Thalia était exasperée par sa soeur juste par les traits de son visage froissés qui quelques instants après se detendirent.
-Hey... Comment tu vas mon amour ?... Et ta journée ?... Je te promets qu'en rentrant chez nous, on se fait un bon dîner. D'accord ?... Allez bisou, je t'aime. À tout à l'heure.

Thalia raccrocha l'appel bien rayonnante que quelques heures plus tôt. Et ce n'était pas cela qui intriguait le plus Julian, mais plutôt l'identité de l'interlocuteur. Qui était ce ? À qui pouvait-elle parler ainsi? À qui souriait-elle si sensuellement au bout du fil ? Le "je t'aime" lui revint en pleine figure... Était ce son amants t ? Au pire son époux ? En 5 ans, se serait-elle mariée ? Sûrement avait-elle une ribambelle d'enfants qu'elle et son mari regardaient gambader dans le jardin. Il jeta furtivement un coup d'oeil à son annulaire gauche. Quel fut son soulagement de constater qu'il était tout nu. Mais encore qui était ce alors ? Et puis d'abord quel intérêt avait il à savoir cela ? Elle pouvait faire ce qu'elle voulait avec qui elle voulait, ce n'était pas son problème. Il résolut d'en rester là, mais sa langue fourcha, sa curiosité prit le dessus.

-Alors, qui était ce ? Monsieur ? Lança-t-il
-De quoi tu parles ? S'enquit Thalia, les yeux rivés sur l'écran de son Smartphone.
-La personne à l'autre bout du fil, voyons.
-Et qu'est ce que ça peut bien te faire, Monsieur le footballeur pro ? Demanda-t-elle sans lui jeter un regard.
-Pas que ce soit mes oignons, mais tu n'as pas à en avoir honte, c'est ainsi qu'est fait le 21ème siècle, tu peux avoir un amant sans que ça ne fasse un drame. Et puis...
-Ce n'était pas mon amant, se tourna-t-elle lentement vers lui. Encore estomaqué non par le fait de la supposition d'un amant, mais de son intérêt à la chose au point de donner son avis, elle s'en contre balançait de ce qu'il pouvait penser. Non mais carrément quoi.
-Ah bon ? Dit-il troublé.
-Oui. Et je crois que tu ferais mieux de me déposer au coin de la rue.
Il se gara au bas de son appartement.
-Et ta réunion familiale alors ? Dit-il pendant qu'ils descendaient tous les deux de la voiture.
-Pfff... Lança-t-elle se dirigeant vers la porte du hall d'entrée. Ce n'était que prétexte pour vite retrouver...
-Ton amant c'est ça...

Il y eut quelques secondes de silence rompu par les cris d'un bambin

-Maman !!! Lança Aymar très heureux de revoir sa mère.

Julian écarquilla les yeux, la bouche bée, pétrifié sur place tant la surprise était de taille.
-... Pour vite retrouver mon fils. Maintenant tu peux t'en aller et merci encore de m'avoir raccompagnée. Bonne soirée.
-Thalia  je suis des...

Et la porte se referma sur lui. Ah ça, il n'aurait pu l'envisager, Thalia ne s'empressait pas de rentrer pour une nuit de passion avec son amant, mais pour un dîner avec... Avec son fils ! Mais quel idiot il faisait à cet instant quand le gamin est apparu ! De toute façon, il aurait le temps d'y penser sous une bonne douche à son retour.

Little HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant