Chapitre .1.

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19/10
Aujourd'hui, comme tout les autres jours de ma vie monotone, je me lève non sans regrets et me traîne jusqu'à la porte de ma chambre, qui, malgré sa petite taille, semble si loin de mon lit. J'avale mes pilules quotidiennes, et m'extirpe des couvertures.
Ma tête me fait affreusement mal, mais ce n'est qu'une question de temps avant que les médicaments agissent. Je soupire un grand coup en passant la porte. "Le sommeil aide à soigner le cancer" m'avait assuré le docteur Thomas avant de me quitter à notre dernier rendez-vous. Sauf que dormir m'est impossible. Mon cas est désespéré, c'est évident. Je ne vivrais pas au delà de vingt-ans ( et encore, je suis optimiste !). Quand on sait que nous vivons chaque jour comme notre dernière bonne journée, il ne vous viens pas à l'esprit de gaspiller ce précieux temps que l'on vous accorde effondré sur un matelas de fortune pendant un temps indéterminé. Dormir n'est qu'un entraînement. Le véritable test, c'est la mort.
Or, je ne veux pas d'entraînement. C'est une perte de temps. Dormir me rend affreusement mal à l'aise. Dans mon état, ( quand on est un effet secondaire ) on ne sait pas si on se réveillera d'une sieste ou d'une nuit. Nul ne le sait. Alors autant limiter les risques. Bien sûr que je dors, un minimum. Il s'agit de me garder éveillée le plus longtemps possible, mais juste suffisamment, trois ou quatre heures, je ne me permet pas plus.
Je traverse l'étroit couloir de notre appartement défraîchi, triste et vieux. Le temps avait laissé une marque indélébile encrée dans les vieux murs qui encadraient l'appartement. Nous n'avions pas les moyen de rénover l'appartement, ou même d'en acheter un autre, alors on s'en contentait.
Je rejoignis ma mère dans la cuisine, qui me tendis un sachet de thé qu'elle venait d'utiliser. Je le laissa infuser dans ma tasse et m'installa à côté d'elle. Mon mal de tête avait presque disparu. Ma mère me gratifia d'un pâle sourire que je lui rendis à contre cœur.
- Anna, tu dois dormir mon cœur. Ça soigne le cancer, dit-elle en souriant faiblement.
- J'ai dormis, répondis-je, 3 heures et 54 minutes, pour être précise.
Elle me lança un regard désapprobateur avant de poursuivre :
- Je te laisserais la boutique ce matin, j'ai rendez-vous avec la banque. Nous sommes à découvert. Encore.
J'acquiesce et bu une gorgée de thé.
- Ça va aller ? Tu n'es pas obligée d'ouvrir si tu ne veux pas, ne te surmène pas, reprit-elle.
- Maman, c'est bon. Ne t'inquiète pas. Tout ira bien.
Elle enfila sa veste et son sac et me tendis les clés de son commerce.
- J'arriverais vers 10h30, dit-elle, n'hésite pas à m'appeler s'il y a le moindre soucis.
- Oui, maman.
Je jetais un regard à ma montre. 6h45. La boutique ouvrait à 8h. J'avais encore le temps de me préparer. Ce qui, en général était rapide, mes cheveux courts ne nécessitaient pas de coiffure particulière et mon teint pâle se trouvait affreusement en désaccord avec le reste de mon corps si je faisait l'erreur de mettre du fond de teint. Je n'était pas belle, du moins, je ne me considérais pas en tant que telle. La beauté n'est que superficielle, j'aurais pu être mannequin, avoir des jours bien rebondies et légèrement rosées au lieu de mes joues bouffies et asymétriques de cancéreuse ou même avoir de longs cheveux en cascade, mais je ne vivrais jamais assez longtemps pour en arriver là. "Apparement, la vie n'est pas une usine à exaucer les vœux" pensais-je.
Pendant le temps restant, je surfais sur Facebook. Je n'avais pas beaucoup d'amis, beaucoup d'hypocrites prêts à tout pour avoir le plus "d'amis" possible, n'en connaissant bien qu'une minorité quasi superficielle.
Nul n'était censé ignorer ma maladie, non pas que je l'écrivais en gros sur ma page, mais mes amis étaient réels et savaient ce que je supportais. Je réalisais soudain que nous supportons beaucoup de choses insupportables.
Je ne vous dirais pas que j'aime la vie que j'ai, car ce serait clairement un mensonge, inutile d'être détective pour s'en apercevoir. La seule raison qui me poussait à faire tout ce que je fais depuis mon diagnostic, était toujours la même : faire plaisir à ma mère.
En surfant sur mon fil d'actualité, je vis un post, d'une amie chère, qui était, elle aussi, morte du cancer. Moi je suis peut être vivante au yeux des autres, mais intérieurement, je dépéris. Je ne serais bientôt qu'une coquille vide, ne sachant que faire de ma misérable vie, et, dans ces moments là, je me dis que, puisqu'on m'a accordé le privilège de vivre quelques années, autant faire le plus d'heureux possible sur mon passage, même si la vérité est toute autre. Je ne ferais que détruire les gens qui me connaissaient, en tout cas, personnellement.
Pour en revenir à ce fameux post, il s'agissait en fait de ses parents, ils ont créés une fondation : "Fondation Katy, soignons le cancer pour l'empêcher de toucher d'autres jeunes enfants. Nous, maintenant ex-parents, avons décider de créer cette fondation pour lutter contre le cancer qui, aujourd'hui encore, détruit des centaines de familles à travers le monde. Envoyez vos dons au..."
J'aimais bien Katy. C'était une de mes meilleures amies lorsque j'étais encore scolarisée. Mais l'année dernière, son état à empiré et elle a fait une rechute. Son cancer de la thyroïde est devenue insurmontable et elle est morte en soins intensifs. Lorsque ses parents m'ont appelés pour me faire part de son décès, j'aurais voulu pleurer, crier, mais je n'y arrivais tout simplement pas. Je restais figée, ne sachant que faire, que répondre, a la voix brisée de sa mère à l'autre bout du fil. C'est sans doute un effet secondaire de mourir, pensais-je.





Voilà pour le chapitre 1 ! J'espère qu'il vous a plu n'hésitez pas à laisser un commentaire et à partager l'histoire si elle vous plaît.

Capu xxx

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