Le reste du temps, on s'interpelle, on se donne des petits
surnoms, mais il est rare de se nommer directement. Je
me souviens très bien de l'effet que cela avait produit
sur moi :ça m'avait donné du courage. Pendant le
cours trajet jusqu'au terrain de jeu des grands, d'autres
ont décidé de nous accompagner. Nous avons fondu
sur le 6e comme une nuée de moineaux piaillants. Il
n'a pas résisté longtemps. Ce jour-là, j'ai appris une
chose essentielle : dans un combat, ce n'est pas le plus
fort qui l'emporte, mais le plus convaincu.
Aujourd'hui, plus personne ne nous vole nos trousse,
mais nous affrontons d'autres problèmes et nous avons
gardé l'habitude de compter les uns sur les autres. Ce
soir, notre souci, c'est Mlle Mauretta. Elle enseigne
le dessin à ceux qui ont choisi l'option. Ce n'est pas
une simple prof, c'est aussi une célébrité locale qui se
la raconte. Elle est mondialement connue dans notre
petite ville ! La pauvre s'y crois complètement. Elle
nous regarde comme des insectes, certaine d'être une
artiste dont le public ignorant ne peut comprendre le
génie. Sa spécialité, c'est de peindre des vêtements sur
des cintres. Ça ne vous allume pas des étoiles dans
les yeux ? Je vous rassure, à moi non plus. Elle en
a peint des dizaines. Des robes, des jupes, et même
des soutiens-gorge, qu'elle a offert à la ville. Sympa,
le cadeau. Elle explique à qui veut l'entendre que sa
source d'inspiration, c'est son placard. Rien que le
concept, c'est déjà du rêve. . . Sa vieille penderie pour-
rie comme muse. Pendant ses expos - que toutes les
classes son obligées de se coltiner -, elle prend un
air pénétré pour nous révéler la signification profonde
de son oeuvre :