L'automne avait tapissé le sous-bois de feuilles colorées. Le soleil déclinait chaque jour plus vite. Ce jour-là,il s'était à peine levé qu'il replongeait déjà à l'horizon,laissant le monde virer au pourpre et à l'orange, si bien que la forêt entière avait la couleur des feuilles mortes. Les chasseurs avaient de plus en plus de mal à se dissimuler. Ils se couvraient du sang de leurs précédentes proies pour masquer leur odeur.
Wakiza se tenait aux côtés de Sahale, sans un bruit, sans un mot. Il était jeune, élancé, les cheveux mi-longs tombant sur sa nuque basanée. Mais il manquait d'expérience : une des nombreuses raisons pour lesquelles ont lui avait ordonné de rester auprès du vieux. Il avait un visage déjà tout fripé et était devenu toujours plus petit au fil des années. Seulement, il était aussi le plus rapide. Un murmure passa entre les troncs et siffla contre leurs figures ; s'ils ne parlaient pas, ils se tendirent ensemble. Le vent avait tourné. Ce soir, ils pourraient manger.
Le bruit d'un oiseau lointain leur parvint. Puis,distinctement, celui de traits fendant l'air. Ils ne fallait pas qu'ils bougent, ou tout serait gâché. Les esprits du bois étaient avec eux : un grand piétinement venait droit vers eux, avec des cris gutturaux le suivant de près. On allait rabattre l'animal blessé sur eux. Wakiza faillit partir en avant, mais la main de Sahale le retint. Son regard parlait pour lui. « Pas maintenant »dardaient ses yeux. « Mais elle va nous échapper ! »répondirent ceux de Wakiza. « Ne fait pas comme ton frère : on ne gagne rien à tout vouloir tout de suite. » Un fracas de branche les firent se retourner. La main du vieux tremblaient : encore quelques instants, et Wakiza pourrait prouver sa valeur.
Sur la toile rouge et dorée de la fin de journée, une ombre gigantesque passa devant eux. C'était un cerf magnifique. Il avait d'avantages de ramures que les arbres de branches, son garrot eut dépassé en taille les chasseurs s'ils s'étaient mit debout. Son pelage était si clair que l'on distinguait mal où finissait sa poitrine blanche. Son regard lui aussi resplendissait d'une flamme qui aurait très bien put être celle d'une intelligence humaine. Le plus étrange, c'est que malgré la rapidité de sa course, Wakiza put distinguer tout cela : il avait l'impression que la bête ne faisait qu'effleurer le sol. Jusqu'à présent, il n'avait jamais chassé que de gros oiseaux, ou aidé à la pose des collets ; il était subjugué qu'une chose si belle put exister.
D'un geste rapide et précis, Sahale propulsa sa lance en un arc-de-cercle parfait vers l'animal. Mais le trait de Sahale ne toucha rien : c'est à peine s'il effleura le cerf. A quelque chose malheur est bon : si le vieux chasseur avait manqué, en forçant le cerf à dévier légèrement de sa course, il avait ménagé un angle parfait pour son jeune disciple. A son tour, comme on le lui avait apprit, Wakiza saisit sa lance et, se redressant en plongeant en avant pour donner plus de force à son jet, hurlant sous l'effort, il envoya de toutes ses forces son arme vers le cerf. Il aurait put juré qu'il avait visé juste. Sahale également, il en était même surprit venant d'un chasseur si jeune. Mais si précis que ce tir fut, l'animal déploya une telle adresse qu'elle ne pouvait pas être naturelle : il dévia encore, au dernier moment, et sans que ni le jeune homme ni le vieux chasseur ne puissent voir le mouvement.
Sahale se jeta sur son disciple pour qu'il ne se trouve pas dans les pattes du cerf. Il le poussa juste à temps : d'un bond, la créature passa au-dessus d'eux et fila vers l'Est,sans ralentir. Sur le tapis de feuilles, les deux lances reposaient, intacts.