Chapitre 3

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Les cinq chasseurs s'étaient remis en route, menés par le plus vieux d'entre eux, sur les traces du troupeau que l'on avait aperçu voilà quelques jours. Paco avait raison de s'inquiéter : cette année, quelque chose n'allait pas. Nul n'était suffisamment vieux pour se souvenir du temps où sa tribu avait commencée à alterner, selon la saison, entre l'orée du bois et ses profondeurs. La raison en était l'abondance de nourriture : en été, il était possible de revenir aux champs et d'échanger avec les tribus des plaines. Plus les nuits s'allongeaient et plus il fallait remonter vers les lacs qui parsemaient la forêt, et les chemins de migration des troupeaux de cerfs, d'élans et de bisons.

Seulement, lorsque les feuilles s'étaient mises à tomber et que la tribu s'était mise en marche, nul brame ne parcourait la forêt. Pas plus que de chant d'oiseau ou de bourdonnement d'insecte ; les siens n'entendirent que leurs pas pendant des jours, avant qu'ils ne parviennent au camp de chasse.Tout le reste n'était que silence. On avait bien croisé quelques petites proies, cueilli quelques baies, mais rien d'autre. Cette absence de bruit oppressait chaque membre de la tribu, jusqu'aux enfants qui pleuraient plus que de coutume. Les sorciers tentaient bien de comprendre, mais nul rêve ne leur évoquait la réponse, nul danse ne ramenait la chasse. Il n'était pas dans les habitudes des esprits de détourner les grands animaux de leur route : si ces derniers évitaient à présent les lacs, c'est que quelque chose de mauvais s'était glissé entre les arbres et rampait entre les racines. Quelque chose qui avait la force de faire taire les esprits et d'imposer sa volonté malsaine à la forêt.

Mais pour les chasseurs, peut importait ce qui avait fait la rareté des proies. Ce qui comptait, c'était de ramener ce qu'il fallait pour nourrir les leurs. Dans d'autres circonstances, une apparition d'un cerf immense aurait donné lieu à toute une cérémonie chamanique, qui impliquait que l'on cesse de poursuivre les troupeaux quelques jours durant, afin de ne pas offenser l'ancêtre. Seulement, même le vénérable Sahale avait un ventre. Ils suivirent donc, en dépit des craintes, en dépit de l'esprit, en dépit du silence et du chemin qui les éloignait du camp, la trace des cerfs qui peuplaient encore les bois.

« -Nous y sommes, lança finalement Sahale après deux heures de marche. Ils faisaient face à un amas rocheux qui déchirait le flanc d'une colline. Entre les roches épaisses, une petite ouverture tournée vers l'Ouest semblait descendre en pente douce vers l'intérieur d'une grotte.

-Oui, je reconnais le lieu, répondit Paco. Il faut que l'un de nous vérifie l'intérieur. Yahto ?

Yahto hocha la tête et se glissa vers l'entrée. Il n'était pas quelqu'un de loquace : on disait même qu'entre le cri de sa naissance et l'âge adulte, il n'avait pas dit un seul mot.Il s'exprimait par phrases courtes qu'il ne prononçait que lorsqu'il n'avait pas le choix. Autrement, il préférait l'acte à la parole et était toujours volontaire pour tout. Cela lui attirait bien sûr les moqueries des autres membres de la tribu, mais il ne semblait pas y prêter attention, ou plutôt ne voulait sans doute pas gaspiller sa maigre réserve de mots pour répondre à ce qui n'était jamais trop véhément pour qu'il le prit pour une insulte. Tandis qu'il se faufilait dans la paroi, chacun prit sa place aux alentours de l'entrée et l'on fit signe à Wakiza de faire comme les autres. Mais ce ne fut pas nécessaire : Yahto revint moins d'une minute plus tard.

-Personne. »


FaimOù les histoires vivent. Découvrez maintenant