Chapitre 2

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Au fil des heures, les vignes et les champs qui occupaient le paysage laissent progressivement place à des immeubles et des magasins. Je suis consciente que Papa habite en plein centre ville et que je ne reverrai pas de champs de tournesol ou de forêt de si tôt. Mais au fond de moi, j'ai du mal à me faire à cette idée.
Après avoir traversé un large tunnel souterrain, Maman attire mon attention vers un immense bâtiment.
- Regarde ça Maddie ! Un centre commercial ! Avec un peu de chance il y aura un vendeur de vinyles, tu pourras agrandir ta collection.
- Maman... La boutique de vinyles de Jo est géniale, mais je te rappelle qu'elle est dans notre village. Ça m'étonnerait qu'une ville aussi moderne que celle-ci ait une boutique pareille...
- On ne sait jamais, me répond-t-elle en soupirant.
À mesure que l'on se rapproche du centre-ville, je me sens de plus en plus mal à l'aise. Tous les éléments de cette ville m'étouffent. Je me sens minuscule et je réalise peu à peu que mon village va réellement me manquer.

- Et voilà, je crois que c'est cette rue les enfants, nous lance Maman.
La voiture roule désormais dans une sorte de lotissement rempli de villas magnifiques.
- Ouah... Votre père m'avait dit que sa nouvelle maison était immense mais je ne m'attendais pas à ça.
Moi, je ne pense qu'à une seule chose : ma vieille maison de campagne. Celle dans laquelle j'ai grandi, celle qui abrite tous mes souvenirs d'enfance. Celle que je ne reverrai pas avant un bon bout de temps. Je regarde donc avec indifférence les palais qui défilent un à un par la fenêtre de la voiture.
- On y est ! Regardez ça ! C'est immense !
Teddy écarquille ses petits yeux et sourit de toutes ses dents. Il sort de la voiture à toute vitesse et se précipite vers la porte d'entrée, que je qualifierait plus de pont levis, avec ses gravures en bois et cette impression de pénétrer dans un château rien qu'en la regardant. Maman le rejoint tout en continuant de s'émerveiller devant la maison. Quant à moi, je préfère me diriger vers le coffre de la voiture et commencer à le décharger. J'entends Teddy enclencher la sonnette située à l'entrée, puis le "pont levis" s'ouvrir.
- Et ! Salut mon bonhomme !
- Papa ! Tu m'a manqué !
Teddy se jette dans les bras de notre père qui le soulève en riant. Je reste à l'écart, ne sachant pas comment aborder ses retrouvailles. 1 ans et 3 mois que je n'ai plus vu mon père. Évidemment je l'ai eu régulièrement au téléphone, du moins quand il avait le temps. Environ 1 fois par mois si je me souviens bien. Ça ne semble pas énorme, mais pour le peu que l'on se disait, cela ne nécessitait pas davantage de temps.
J'inspire profondément et avance jusqu'à la porte d'entrée, je m'arrête à environ 1 mètre de celle-ci.
- Salut Maddisson ! Ça fait plaisir de te revoir !
Bon sang ce que je déteste quand on m'appelle comme ça.
- Salut P'pa...
- Comment ça va ?
- Ça va.
Sans le vouloir ma voix est froide et mes réponses sont sèches. Face au désarroi de mon père, j'esquisse un petit sourire forcé qui semble le rassurer. Il me sourit également avant de nous entraîner à l'intérieur de sa demeure qui est à la hauteur de l'extérieur. Nous pénétrons tout d'abord dans un long hall d'entrée meublé de deux tables symétriquement placées de part et d'autre de la porte. Puis il nous dirige vers ce qui semble être la pièce principale. Un salon d'au moins 150 m2 dont les murs sont tous équipés d'immenses baies vitrées, avec une vue qui surplombe toute la ville.
- Ouah...
- Impressionnée, Maddison ? Et attend de voir ta chambre ! En effet, je ne suis pas déçue. Ma chambre est immense, avec une plateforme en hauteur sur laquelle repose mon lit d'environ 5 places. Et moi qui était déjà ravie de mon lit 1 place et demi. Maman qui effectue la visite avec nous, me lance régulièrement de grands sourires. À la fin de notre tour de la maison, qui a pris une vingtaine de minutes, elle profite d'un moment où Papa s'amuse avec Teddy pour me prendre à part.
- Alors ? Qu'est-ce que tu en penses ?
- C'est... Grand.
- C'est tout ?! Maddie je t'en prie !
- C'est magnifique... Mais je ne vois pas l'intérêt d'avoir 5 salles de bain, je serais incapable de retrouver ma chambre sans un guide et j'ai déjà oublié le nom de la moitié des gens qui travaillent ici !
Maman lâche un petit rire et me regarde avec tendresse.
- Crois le ou non, tu ressembles à ton père. Ça va aller ma puce, tu verras.

Après le départ de Maman j'entreprends de monter mes affaires dans ma chambre, mais lorsque je vais la récupérer devant la maison, il y a déjà du personnel de Papa qui s'affaire autour de nos valises et de nos sacs.
- Emmanuel, il y a encore un livre sur les dinosaures...
- Vraiment ? Mais ce doit être le douzième !
Je souris en repensant à Teddy et sa passion pour le Jurassique. Au fond, je suis plutôt fière d'avoir un petit frère qui ait délaissé des consoles de jeu pour des livres.
- Attendez je vais vous aider, euh... Emmanuel c'est ça ?
- Oh non ! C'est très gentil à vous Mademoiselle Maddisson mais c'est notre travail pas le votre, me répond-t-il en souriant
Je lui rend son sourire.
- Appelez moi Maddie.
Je le contourne pour atteindre le coffre et je saisis la poignée de ma valise.
- Faites bien attention aux livres de mon frère, si quoi que ce soit leur arrivait, il ne s'en remettrait pas.
Sur ces mots je m'éloigne en direction de la maison.
Je met 5 bonnes minutes à retrouver ma chambre car l'étage est un dédale de couloirs sans fin qui semble toujours me ramener au même endroit.
Épuisée, je jette ma valise sur mon lit et l'accompagne ensuite en m'affalant sur l'immense matelas. Malgré le fait que je le trouve bien trop grand pour une seule personne, je dois reconnaître que j'ai rarement senti de matière aussi confortable. Je commence alors à repenser à toute cette journée. Peut-être que j'ai été trop dure avec Maman ce matin. Dans le fond, je la comprends parfaitement. Son entreprise ferme soudainement, elle perd son emploi, elle se voit dans l'obligation de vendre sa maison et d'aller vivre dans un ridicule T2. Et à côté de ça, elle a un richissime ex-mari prêt à accueillir leurs deux enfants. Son choix avait dû être vite fait, c'est pour notre bien que nous nous retrouvons ici. Et même si je déteste déjà cette ville, je me promet intérieurement de faire des efforts.
Sans m'en rendre compte, mes paupières se ferment peu à peu et je m'endors profondément.

Ne pas ouvrir, morts à l'intérieur...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant