Chapitre 2

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Voilà plusieurs jours que je me trouve dans cette pièce qui constitue tout pour ces femmes. De temps en temps je les vois sortir, mais jamais elles ne me disent ce qu'elles font. Il arrive parfois qu'elles découchent pour la nuit. Je ne suis pas idiote, je sais ce qui se passe dans ces moments-là. Anaya prend soin de moi, elle m'apprend l'arabe tout en me coiffant, elle aime beaucoup ça, contrairement à moi. Cela fait à peine quelques jours que je suis ici, mais je peux déjà voir que je ne pourrai plus faire ce que je veux. Mon droit à la liberté m'a été arraché et à présent je dois faire tout ce qu'on me dit.

- Fais un effort, ça doit venir du fond de ta gorge, dit Anaya en tirant un peu sur mes cheveux pour faire une belle tresse.

Je soupire assez bruyamment, montrant bien que cela m'ennuie et que je commence à en avoir marre qu'elle me reprenne sur chaque mot que je prononce. Depuis le lendemain de mon arrivée, cette femme m'apprend les bases : les mots de politesse, comment demander ce que je serai amenée à demander régulièrement. C'est ennuyeux, mais elle ne me lâchera pas tant que je ne les aurai pas retenus. Là je dois dire "Veux-tu un peu de thé ?". Je trouve ça complètement idiot, il me suffit de montrer la théière, mais apparemment ce n'est pas suffisant. Quand je vivais encore chez moi, il m'arrivait de regarder des séries où les acteurs parlaient en arabe. Je lisais les sous-titres ce qui était simple, mais là c'était plus compliqué. Jamais je n'aurai cru devoir un jour l'apprendre. Latélévision me manque... Je la regardais souvent le soir, ici je dois me trouverd'autres centres d'occupations. Toutes technologies étaient bannies du harem.Anaya me dit qu'il y a la télévision dans les autres pièces, mais pas ici. 

- Wach kasek atay ?

- KHasek, pas kasek, ça doit venir du fond de ta gorge, recommence.

- Wach khasek atay.

- Voilà.

Pas de compliment de sa part, pourtant je fais de gros efforts. Je me retourne vers elle, la poussant à lâcher mes cheveux tirés en arrière, coincés dans une longue tresse qu'elle a eu le temps d'attacher. Anaya est toujours souriante, c'est une femme remplie de bonheur, elle me dit être contente d'être ici. En fait selon elle, c'est la meilleure chose qui ait pu lui arriver. Je suis restée littéralement sur le cul lorsqu'elle m'a dit cela, mais ensuite j'ai compris quand elle m'a expliqué que dans son village il y avait très peu de possibilités pour améliorer sa vie. Elle s'est donc enfuie, un jour, avec sa cousine, et le hasard a voulu qu'elle croise le chemin de Haider, le "propriétaire" du harem. Il a été bon pour elle. Mais pas pour moi. J'aimais ma vie d'avant, et je veux la récupérer. Mon visage doit exprimer mes pensées, car Anaya pose sa main sur ma joue.

- Ce sera dur au début, mais ensuite tu t'y feras.

- Jamais, je ne veux pas être ici et je ne le voudrai jamais.

Elle me sourit d'un air triste et se met à coiffer ses cheveux.

- Pourquoi partir ? Nous sommes bien ici, dit-elle, convaincue par ses mots.

- J'étais aussi bien chez moi, dis-je en prenant la brosse, elle se retourne et je me mets à passer la brosse dans ses cheveux.

Nous restons silencieuses un moment, parler de ça est inutile, car elle a son opinion et moi le mienne. Et bien sûr, chacune d'entre nous veut convaincre l'autre. Les portes s'ouvrent pour laisser entrer Rima, la troisième femme ou concubine -je ne sais pas encore quel terme employer- de Haider. Elle peut entrer et sortir quand elle veut et elle passe beaucoup de son temps avec lui. Je ne l'ai toujours pas vu et je ne suis pas pressée, mais ma curiosité me pousse souvent à me coller aux grilles parsemées de trous -en général je me poste de l'autre côté de la pièce à l'abri des regards, loin des gardes- où j'observe les personnes passer. Aucune d'elles ne ressemble à l'homme qu'Anaya m'a décrit.

Perle D'Occident (EN RÉÉCRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant