Lorsque deux étoiles se rencontrent

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Elyas longeait les couloirs silencieux de l'Hôpital, ses pas claquant sur le sol immaculé de blanc.

Il avait, comme à son habitude, un carnet à reliures noires assez simple, et son éternel fusain sombre.

Fils de Charles Boyer, -un célèbre cancérologue-, le jeune homme passait ses temps de poses à sillonner les couloirs fantômes, passant de porte à porte dans l'espoir de rendre la vie des patients plus douce, moins mélancolique.

Il prenait ce rôle à cœur, heureux de voir que ses visites avaient redonné le sourire à certains.

Toutefois, Elyas se réservait pour l'Art : il avait dans l'idée de devenir graphiste.

Ce choix ne plaisait pas à sa famille mais qu'importe : c'était le sien et si cela contribuait à rendre ses malades heureux, c'était d'autant plus extraordinaire.

Il tourna à l'angle de l'aile dédiée aux personnes atteintes de paralysie avec l'espoir de croiser Madame Bichet, l'octogénaire enjouée avec laquelle il passait le plus clair de son temps et vit une porte ouverte à l'opposé du couloir.

Etrange.

De l'autre côté se trouvait les chambres de patients cancéreux et si sa mémoire était bonne -et elle l'était- personne ne l'occupait depuis plusieurs mois.

Intrigué, Elyas se rapprocha et frappa discrètement, soucieux de ne pas déranger.

Une voix faible lui répondit :

 ─ Entrez.

Il s'avança donc et se figea devant le lit aux draps sagement dénoués : Aphrodite le contemplait de son regard embrumé, si belle aux reflets des tons doucereux de l'aurore qu'il ne put s'empêcher de rester béat d'admiration.

Son visage anguleux, ses pommettes hautes et ses lèvres boudeuses ne manquèrent pas de le charmer, mais c'étaient ses yeux qui retinrent le plus son attention ; elle avait le regard bouleversant d'émotions contradictoires, les pupilles d'un bleu incandescent dont le cercle principal flamboyait, dansant avec les petites particules grisâtres de ses iris.

Les yeux d'un ange.

Toutefois, l'immortelle avait perdu de sa superbe : les cernes violacées et la maigreur de ses membres étaient affolants, aussi préoccupants que la pâleur qui ornait ses traits.

Ignorant l'ampleur de l'attention qui lui était portée, l'inconnue le dévisageait silencieusement.

─ Bonjour.

─ Bonjour, lui répondit-elle avec un calme troublant.

Elyas chancelait légèrement, transporté par le son de sa voix.

Ce n'était pas tant le poids des mots qu'elle employait qui lui donnait de tels frissons, c'était le timbre de sa voix qui lui transperçait l'âme : un chant cristallin aux notes majestueuses qui transcendait le silence avec noblesse.

Elyas se sentit gauche devant elle et ne sachant quoi dire, le jeune homme crispa nerveusement ses doigts sur son carnet devenu insignifiant.

─ Je m'appelle Elyas. Je rends souvent visite aux autres patients de l'hôpital... Est-ce que je vous dérange ?

Elle eut un petit sourire qui lui ravit le cœur et pendant une seconde, il en oublia jusqu'à son nom.

« Encore », lui murmurait sa conscience. « Fais la sourire, encore ».

Son rire devait être renversant.

Elyas songeait que c'était exactement ce qu'il allait faire.

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