CHAPITRE PREMIER LA VIE DU CHEIKH JUSQU A LA MORT DE SON PERE

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En ce qui concerne cette date de naissance, l'on dit qu'il naquit en 1272 de l'Hégire (18521853) à Mbacké-Baol dans la maison de son père située près de l'actuelle route de Dakar. A ce propos, l'érudit Al-Hadji Hamid fils d'Outhman de Pout dit: Le Serviteur naquit en l'an 1270 H. D'un père observant la loi de l'Elu. Il retourna à son Seigneur dans la nuit du Mercredi 20 Muharram de l'an 1346 H. âgé de 74 ans 4[4] L'on dit également qu'il fut âgé de 72 ans Que Dieu réalise nos souhaits et nous réserve le meilleur sort Ahmadou BAMBA passa les premières années de sa vie dans la maison paternelle. Il ne la quitta qu'à l'âge d'aller à l'école coranique. Pour ce qui est de son nom, il s'appelle AHMAD fils de Muhammad fils de Habiboullah fils de Muhammad le grand fils de Habiboullah fils de Muhammad al-khayr. C'est Muhammad le grand, surnommé Maram qui construisit en 1780 le village de Mbacké-Baol 5[5] y installa son fils aîné Muhammad Farimata, et retourna au Djolof où il mourut 6[6]. Quant à ses origines, ses ancêtres furent des Toucouleurs qui quittèrent Fouta pour s'installer au Djolof. On dit communément qu'ils étaient venus de la Mauritanie. Leurs cousins restés dans cette contrée sont appelés Alu-Modi Nalla. L'on dit qu'ils sont des shérifs 7[7]. Mon frère et maître Mukhtar Binta LO fils d'Ibrahim, le cheikh Niomrée m'a appris qu'Ahmadou BAMBA lui avait confirmé cela. A ce propos, il dit: "J'étais avec lui un jour, et, au cours de notre conversation, nous avons parlé de cette tribu maure considérée comme shérif... Il me dit: "Ne sais-tu pas que ce sont nos frères?" C'est ainsi que j'ai su que les ancêtres du Cheikh étaient des shérifs." Je crois que le témoin le plus éloquent du "Charaf" 8[8] de cette famille réside dans la douceur de ses mœurs, dans sa générosité, sa mansuétude, son amour de la bienfaisance, son dédain de la bassesse et sa foi authentique en Dieu. D'autre part, Marième, la mère d'Ahmadou Bamba, surnommée Diaratoulah, est fille de Muhammad fils de Muhammad fils de Hammad fils de Ali Bousso le "charaf" des BOUSSO est vérifiée, leur généalogie remontant à l'Imam Hassan fils d'Alu ibn Alu TALIB (Que Dieu l'honore). Le cheikh est donc shérif aussi bien de son ascendance maternelle que paternelle. Un de mes cousins, qui connaît bien le Fouta, m'a dit qu'au cours de ces voyages dans cette province, il se rendit à Boggué et à Mbumba et vit les ruines des villages autrefois habités par les Mbacké. Un natif de cette province appartenant à la famille BA, lui, affirme que les Mbacké étaient leurs cousins et le nom de Mbacké était une déformation par les wolof du nom du BA. Cette opinion est, à mon avis, fort invraisemblable. Je crois, en revanche, que le nom Mbacké est aussi vieux que tous les autres noms non-arabes. Les Bousso habitaient le village de Golléré au Fouta qui avoisinait les villages des Mbacké. Ce voisinage entre les deux familles corroborent la thèse de leur origine commune...Parvenu à l'âge d'aller à l'école, Ahmadou Bamba fut confié à Muhammad Bousso, le frère germain de sa pieuse mère, qui l'initia au livre sacré puis l'envoya auprès de son oncle Tafsir Mbacké Ndoumbé (fils de Muhammad Sokhna BOUSSO fils du précité Muhammad le-Grand, qui était le frère germain d'Asta Walo Mbacké, la grand-mère maternelle d'Ahmadou Bamba). Tafsir et son élève passaient la saison sèche à Mbacké et l'hivernage au Djolof. A la mort de son maître, Ahmadou Bamba avait presque maîtrisé le Coran. Un homme sûr m'a raconté qu'Ahmadou Bamba lui avait dit qu'à la mort de son maître, il avait atteint le quarte vingt deuxième verset de la cinquantième sourate du Coran 9[9]. Il rejoignit son père et termina le reste du livre grâce à son propre effort et au concours de certains maîtres de l'enseignement coranique. A cette époque, il demeurait la plupart du temps aux cotés de son père qu'il ne quittait que pour rendre visite à Muhammad Diarra, son frère germain qui poursuivait encore son instruction coranique auprès d'un maître. Parfois, il passait un ou deux mois avant de rejoindre son père. Ce fut au temps du conquérant Maba 10[10] quand les parents d'Ahmadou Bamba, tout comme de nombreux habitant du Baol et du Djolof, émigrèrent au Saloum avec le dit conquérant. A la mort de ce dernier, beaucoup d'émigrés regagnèrent leur pays. Parmi eux le père d'Ahmadou Bamba qui alla au Cayor en compagnie du Damel Lat-Dior (M. 1886). Tandis que Ahmadou Bamba, son oncle Muhammad Bousso et la famille de ce dernier restèrent au Saloum où Ahmadou Bamba poursuivait son instruction auprès de son oncle Samba Toucouleur KA qui l'initia aux différentes disciplines de la théologie islamique. Son instruction dût bien avancée lorsqu'il rejoignit son père installé dans le village de Peter situé près de Keur Amadou Yalla, la capitale du Damel Lat-Dior. Ce dernier qui avait une grande affection pour Momar Anta Sali, avait fait de lui son conseiller bien écouté. Dans son for intérieur, Momar ne nourrissait aucun désir à l'égard des richesses et du pouvoir du roi et son attitude à son égard ne lui était dicté que par le souci de préserver les intérêts de sa famille. C'est pourquoi bien qu'étant à sa disposition, Momar n'habite pas avec le Damel, mais fonda son propre village. Cet isolement était d'autant plus nécessaire que Momar fut un enseignant et que l'enseignement ne pouvait pas être bien assumé dans la cour des rois. Comme son village se situait tout près de la capitale royale, il pouvait au besoin se rendre auprès du Damel sans peine ni retard. Quant à Ahmadou Bamba, il resta avec son père et poursuivit son instruction au point de briller dans toutes les disciplines islamiques. Pendant ce temps, il fréquentait Khali Madiakhaté Kala, le Cadi du Damel qui fut un érudit réputé notamment pour l'excellente qualité de sa poésie. Ahmadou Bamba le fréquentait pour approfondir sa connaissance de la langue arabe. Parfois, il lui montrait des poèmes qu'il avait composé afin qu'il vérifia leur conformité aux règles de la grammaires, de la lexicographie et de la métrique. Parfois, il décelait des fautes, parfois non. Leurs relations continuèrent ainsi jusqu'à ce que l'élève surpassa le maître dans l'art de la poésie. De sorte que les efforts du maître portant naguère sur la correction des poèmes de l'élève, visaient désormais à leur apprentissage par cœur. Mais l'instruction d'Ahmadou Bamba auprès de Madiakhaté ne dépassa pas le cadre ainsi décrit. Il n'étudie pas auprès de lui un ouvrage complet. Par ailleurs, dans le village avoisinant de Ndiagne, résidait un savant maure du nom de Muhammad Ibn Muhammad al-Karîm de la branche awlâd al-Fâdil de Banî Dayman. (Chez nous on l'appelait communément Muhammad al-Yadali. Il ne faut pas cependant le confondre avec l'auteur du commentaire du Coran intitulé: At Dhahab al-Ibrîz . Car ce dernier est yaddalite ancien). Ahmadou Bamba fréquentait ce savant pour apprendre la rhétorique et, je crois, la logique. S'étant aperçu de son excellence dans les disciplines littéraires et religieuses, de son dynamisme et de son honnêteté, Momar Anta Sali confia à son fils les tâches relatives à l'enseignement. Auparavant, par confiance en son intelligence et en la bonne maîtrise de son savoir, il lui donnait des leçons à transmettre aux élèves absents. Ahmadou Bamba s'acquittait convenablement de ses devoirs, et les élèves de son père se contentèrent de lui. De même celui-ci l'agrée. Peu de temps après, le Damel quitta Keur Amadou Yalla pour s'installer dans sa résidence de Souguère. Momar Anta Sali à son tour construisit près de là un village baptisé MbackéCayor. Il y resta deux ans avant de mourir au mois de Muharam de l'an 1300 de l'Hégire. J'ai entendu Ahmadou Bamba dire: "J'ai récité le Coran au chevet de mon père qui agonisait  au  cours  de  la  journée  du  lundi.  Il  mourut  dans  la  nuit  du  mardi  et  fut  inhumé  à Dékhelé  (un  village  situé  dans  la  province  de  Mbakol)  où  sa  tombe  fait  toujours  l'objet  de visites."  Je  l'ai  même  visitée.  Dieu  merci.  Ahmadou  Bamba  accompagna  le  cortège  qui transporta  la  dépouille  mortelle  de  son  père  à  Dékhelé.  Au  cours  du  trajet,  certains cavaliers  lui  offraient  leurs  montures.  Mais  il  leur  répondit  qu'il  préférait  marcher.  La  foule immense  réunie  pour  assister  aux  funérailles  choisit  pour  diriger  le  service  funèbre  Serigne Taïba  Muhammad  Ndoumbé  de  Sill  (dont  nous  parlerons  au  chapitre  des  témoignages  des dignitaires  religieux  en  faveur  d'Ahmadou  Bamba).  Il  présente  ses  condoléances  à  la famille  du  défunt  et  s'adressa  particulièrement  à  Ahmadou  Bamba  en  ces  termes. -  Où  est  Serigne  Bamba?  (C'est  ainsi  qu'on  l'appelait  alors) Ahmadou  Bamba,  qui  se  trouvait  à  l'extrémité  de  la  foule,  répondit  et  se  leva. - Rapproche-toi! Il  rapprocha  de  l'orateur  de  façon  à  pouvoir  le  voir,  l'entendre  et  lui  répondre  sans  lever  la voix  (il  s'abstint  d'avancer  encore  afin  de  ne  pas  déranger  l'assistance). -  Rapproche-toi  encore! -  -                Je t'entends  bien. -  Je  voudrais  que  tu  nous  accompagnes;  d'autres  dignitaires  et  moi  parmi  les  collègues  de ton  père  chez  le  Damel  afin  que  nous  lui  présentions  nos  condoléances,  le  défunt  était  son ami  intime,  son  guide  et  conseiller  personnel,  et  nous  te  recommandons  à  lui  pour  te permettre  d'occuper  auprès  de  lui  la  même  place  que  ton  père  et  de  jouir  des  mêmes honneurs. -  Je  vous  remercie  pour  vos  condoléances  et  conseils.  Pour  ce  qui  concerne  le  Damel,  je n'ai  pas  l'habitude  de  fréquenter  les  monarques.  Je  ne  nourris  aucunes  ambitions  à  l'égard de leurs richesses et ne cherche des honneurs qu'auprès du Seigneur suprême.  Ces  propos  semèrent  le  désarroi  au  sein  de  la  foule.  Les  pieux  furent  étonnés  de  voir  un de  leurs  fils  tout  jeune  transcender  les  futilités  et  oser  critiquer  implicitement  ceux  qui ambitionnaient  les  richesses  terrestres.  Les  gens  du  commun  furent  étonnés  de  le  voir  se détourner  d'un  prestige  gratuit.  De  plus,  ils  le  considèrent  comme  un  déséquilibré. L'attitude  de  ces  deux  groupes  lui  inspira  deux  beaux  poèmes.  L'un  d'eux,  dont  je  n'ai  pas vu  le  texte  pendant  mon  service  auprès  du  Cheikh  et  dont  je  ne  me  souviens  plus,  débute par: "Puisque j'ai détourné mon regard d'eux, ils m'ont traité d’aliéné..." Voici l'autre: Penche  vers  les  portes  des  sultans,  m'ont-ils  dit, Afin  d'obtenir  des  dons  qui  te  suffiraient  pour  toujours Dieu  me  suffit,  ai-je  répondu,  et  je  me  contente  de  Lui, Et  rien  ne  me  satisfait  sauf  la  Religion  et  la  Science. Je  ne  crains  que  mon  ROI  et  n'espère  qu'en  Lui, Comment  mettrais-je  mes  affaires  dans  les  mains  de  ceux Qui  sont  aussi  incapables  de  gérer  leurs  propres  affaires  que  les pauvres? Et  comment  la  convoitise  des  richesses  m'inciterait-elle A  fréquenter  ceux  qui  ne  sont  que  des  suppôts  de  Satan? Et  si  je  suis  attristé  ou  que  j'éprouve  un  besoin, J'invoque  le  Propriétaire  du  Trône, Il  est  l'Assistant  et  le  Détenteur  de  la  puissance  infinie Qui  crée  comme  il  veut  tout  ce  qu’il  veut. S'il  veut  hâter  une  affaire,  elle  se  réalise  rapidement; S'il  veut  l'ajourner,  elle  s'attarde  un  moment. Ô  toi  qui  blâmes!  Ne  vas  pas  trop  loin!    Cesse  de  ma  blâmer! Car  mon  abandon  des  futilités  de  cette  vie  ne  m'attriste  point Si  mon  seul  défaut  est  ma  renonciation  aux  biens  des  rois, C'est là un précieux défaut qui ne me déshonore point. Quant  à  la  mère  d'Ahmadou  Bamba,  elle  mourut  à  Porokhane  dans  le  Saloum  lors  du séjour de son père dans cette province.

Vie Et Oeuvre De Serigne Touba MbackeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant