Ils n'avaient jamais été riches et Hizya Madani n'en avait jamais eu honte. Elle avait dû travailler à côté de ses études pour pouvoir aider sa famille et ils ont chacun décidé de faire de l'argent à leur façon. Certains de ses frères sont partis du mauvais côté, choisissant l'argent facile, d'autres un travail correct tandis que les derniers de la fratrie n'ont eu que pour seuls choix et volonté de ne rien réclamer, ne voulant pas rendre le reste de la famille coupable de ne pas pouvoir leur acheter la dernière paire de chaussure à la mode ou encore le dernier modèle de téléphone. Cependant, de façon assez surprenante, Hizya ne s'était jamais demandée comment leur père avait réussi à entretenir la maison, à payer les dettes, à nourrir les huit enfants qu'ils étaient et tous les paiements à côté. Elle aurait dû. Si elle l'avait fait, le destin ne l'aurait pas autant prise par surprise.
Mais non, Hizya avait trouvé plusieurs emplois à côté de ses études. Tout comme son jumeau Hakim, ils ne s'étaient pas quittés dans les études mais lui aussi voulait gagner de l'argent. Cependant, leurs deux grands frères, Nabil et Kaïs, avaient choisi ce terrain sombre de l'argent facile mais malhonnête. Après tout, les trafics de drogue rapportaient si facilement. En voyant de telles sommes, si facilement gagnées, s'ils arrivaient à devenir plus « gros » dans le domaine, alors tout s'arrangerait. C'est ce qu'ils pensaient ou du moins ce qu'ils espéraient. Hakim avait tenté sa chance et la tentait encore. Hizya avait été plus sage, plus correcte et avait pris le même chemin que leur aîné à tous, Faress, en choisissant un véritable travail reconnu et légal. Un petit travail mais c'était déjà cela. Alors elle avait jonglé entre études et travail, oubliant sa vie personnelle.
Cet oubli de soi s'était accentué à la mort de sa mère, maman décédée en donnant naissance au petit dernier de la famille, Mehdi. Bien évidemment, elle savait dès le début que sa grossesse risquait d'être dangereuse. Après la naissance des cadets d'Hizya, les jumeaux nommés Amir et Anis, leur mère était devenue si faible que la grossesse suivante avait été déclarée très dangereuse pour sa vie. Mais elle avait aimé cet enfant, ce dernier petit bébé dans son ventre, du plus profond de son cœur, dès lors qu'elle avait appris son existence. Son choix avait été si rapidement fait que même son mari n'avait pas pu lui en vouloir, comment lui demander de tuer leur enfant pour se sauver elle-même ? Il ne pouvait pas lui implorer cela même s'il le voulait, c'était son choix.
Enfin, leur père, Adam, mentirait s'il disait qu'il ne lui en avait pas voulu. Seul Dieu sait à quel point il avait eu envie de la secouer mais à chaque fois, l'expression triste de sa femme qui savait qu'elle ne verrait pas son dernier enfant grandir le faisait reculer. Il prenait une expression faussement joyeuse et rejoignait sa femme au ventre rond. Ainsi leur mère avait laissé la vie il y a six ans en donnant naissance à Mehdi, dernier petit garçon de la famille.
Hizya était devenue la femme de la famille et une fois son lycée terminé, elle aurait voulu continuer ses études en droit. Mais elle avait laissé tomber l'idée. Les moyens n'étaient pas pour elle et elle se sentait responsable du bien-être de ses frères, alors elle avait arrêté avec l'espoir fou de reprendre un jour. Du haut de ses dix-neuf ans, elle s'occupait de ses sept frères et de son père. Cependant elle n'avait pas pris en compte la variante « dette » dans son équation future. Non, elle n'avait jamais pensé que son père avait dû s'endetter en six ans auprès non pas des banques, qui lui auraient pris un taux d'intérêt trop important (surtout que ses caractéristiques de client pour rembourser le prêt n'étaient pas à son avantage), mais auprès d'une connaissance, un ami. Enfin, plutôt une famille. Il ne pouvait pas réellement les considérer comme des amis.
La famille MADANI était endettée, il fallait qu'elle paye. La famille TAHIR était riche, elle en bénéficierait.
Samir Tahir n'avait pas toujours été riche. Au contraire, il avait vu la détresse de sa famille, notamment de ses parents, dès son plus jeune âge. Voyant ses deux parents veiller tard et se morfondre malgré les emplois qu'ils possédaient chacun, il avait voulu les aider mais s'était senti trop jeune, trop immature. Cependant, comment faire quand la mère tombe malade, ne peut plus assumer un travail le temps de ses soins, et que le père a un état physique déplorable ? Un jour, cela lui avait fendu le cœur un jour d'avoir vu sa mère, prunelle de ses yeux, gravement malade et pourtant en train de faire la manche pour quelques vulnérables centimes. Au travail de son père, les retards de paie étaient si fréquents que parfois, pour donner un semblant de repas à son fils, mendier était la meilleure solution.
Du haut de ses treize ans, il avait pris sa vie en main. Enfant avec des responsabilités d'adulte, il avait traîné dans la ville à la recherche d'une solution. Dans sa cité, la solution fut très vite trouvée : la drogue, les réseaux, les gangs et la mafia. Alors il avait tenté. Il avait tenté son entrée dans cette mafia qui terrorisait la ville et jour après jour, années après année, il a gagné en grade. Il a fondé la richesse de sa famille, mis son père à la tête d'une société corrompue pour lui permettre de ne plus faire de tâches physiques, et permis à ses parents de se reposer enfin. Alors ses parents avaient même pu avoir d'autres enfants innocents, insouciants, Bilel et Soumia. Ils avaient pu fonder une plus grosse famille et devenir une famille riche. Une famille aisée qui avait les moyens de prêter de l'argent à une famille pauvre. Ils étaient une famille dont le fils aîné, Samir, avait eu tellement d'opportunités, tellement de potentiel, qu'il avait fini à la tête de cette mafia française qui s'était développée.
Samir était devenu respecté, commençant en bas à treize ans, il avait fini en haut à vingt-deux ans. Ses parents n'étaient pas idiots, ils avaient compris que leur fils ne traînait pas dans les bureaux de grosses entreprises pour récolter son argent. Il travaillait dans l'ombre, mais c'était lui qui avait relevé sa famille, que pouvaient-ils réellement lui reprocher alors qu'ils avaient si facilement profité de sa réussite ? Ils n'avaient rien dit mais voulaient tellement que leur aîné soit heureux. Dès ses treize ans, il s'était métamorphosé, passant du petit garçon attentionné et heureux à l'homme froid, menaçant, pour qui le respect était source de toute chose. Alors ils s'étaient mis d'accord, ses parents avaient trouvé leur solution, ce qu'il fallait à leur enfant était une femme, une bonne femme qui lui montre la réalité et la joie qu'une vie peut apporter avant qu'il ne se perde lui-même dans ce monde noir. Et ils lui en parlèrent, d'abord refusant catégoriquement, ce furent les larmes de sa mère qui le firent céder malgré son énervement et son dégoût envers cette future femme qu'il n'avait encore pas rencontrée.
Sans qu'ils ne comprennent réellement à ce moment-là, leurs destins étaient déjà entrelacés. Chacune des familles avaient une obligation, la famille MADANI devait rembourser sa dette, la famille TAHIR devait sortir leur fils aîné de ce monde cruel dans lequel ils l'avaient poussé malgré eux. Ils avaient deux objectifs, ils avaient une solution commune. Une dette contre un mariage. Hizya deviendrait la femme de Samir, la dette deviendrait la dote de la famille Tahir. Mais était-ce vraiment une bonne solution de diriger la vie de leurs enfants ainsi ? Ils auraient dû se le demander avant.
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Une dette, un mariage
General FictionPour aider son père, Hizya se marie avec un mafieux. *** Un lien existe entre les familles Madani et Tahir : celui d'une dette colossale que la première doit à la seconde. Pour rembourser la dette de sa famille, Hizya accepte d'épouser Samir. Mais S...
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