Vivant - Chapitre 2

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Un battement de cœur. Un autre. La pulsation du sang dans sa gorge. Encore un battement. Le mouvement de la brise dans ses cheveux. Le goût du vent sur sa langue. Le froid sur sa peau. La douleur dans son corps.

Shion était encore vivant.

Le soleil s'était levé depuis deux heures déjà lorsqu'il avait décidé de retourner chez lui pour ne pas inquiéter ses proches de son absence. Quand il était arrivé, tous dormaient. Il s'était faufilé sans bruit dans la maison en ruine, s'était emmitouflé dans sa couverture mitée et avait fermé les yeux. Mais il n'avait pas pu s'endormir. La douleur était trop présente, la mort trop étouffante. Sa poitrine était comme écrasée, oppressée par le trop plein de sentiments qu'il accumulait. Il n'aurait su dire s'il avait peur. Peur de la mort, ou peur de faire du mal à ses proches ? Peur de disparaître bien et âmes dans un néant de douleur, de plonger dans l'infinité, de s'abandonner à la noirceur ? Peur que chaque instant soit son dernier, que chaque soupir marque sa fin, qu'après chaque clignement d'yeux il ne puisse les rouvrir ? Il ne savait pas. Il ne savait plus. Sans doute aurait-il pu savoir, dans d'autres circonstances. S'il avait été comblé, peut-être se serait-il posé la question différemment. Peut-être aurait-il pensé un peu plus aux autres, un peu plus à lui. Peut-il se serait-il dit qu'il qu'il avait quelque chose qu'il n'avait pas envie de perdre. Mais la seule personne qu'il ait jamais vraiment aimé, la seule personne qui l'ait jamais fait ressentir pleinement vivant, pleinement présent, lui avait déjà été arrachée. Alors il ne savait pas. Il ne voulait pas savoir.

C'était ironique, pour lui ou pour les autres, que son existence s'achève en de pareils termes. Il était celui qui avait cru. Il était celui qui avait changé les autres. Il était celui qui leur avait appris à vivre et à respecter la vie comme à respecter la mort. Et il était celui qui allait mourir. Il n'avait pas cherché à savoir combien de temps il lui restait à vivre. Il ne voulait pas savoir. Pas par peur, par tristesse ni par regret. Mais parce qu'il n'avait pas envie de se dire qu'il avait raté quelque chose de ses derniers instants. Si la mort s'emparait de lui, au moins aurait-il le cœur un peu plus léger.

La certitude qu'il allait mourir lui était venue avant même que Nezumi ne le laisse. Il était mort une fois lorsqu'il avait perdu sa mère. Une deuxième fois lorsque le jeune homme aux cheveux gris avait pris une balle. Et, une fois encore, lorsque ce dernier l'avait abandonné. Il était tombé en morceaux petit à petit, sans même y faire attention, sans tâcher d'y remédier. Il ne faisait qu'avancer et avancer encore, son sourire collé au visage, qui lui était devenu étranger à force d'être si... lui. Il avait toujours su qu'il allait mourir plus tôt qu'il n'aurait dû, ne serait-ce que d'un jour, d'un an ou de dix ans. Il l'avait su et n'en avait jamais rien dit à personne. Parce qu'il ne voulait pas leur faire mal. Parce qu'il ne voulait pas leur imposer sa perte. Et quand Nezumi était parti, il n'avait pas cherché à courir après lui, ni à lui crier dessus, ni à pleurer pour lui et pour le monde. Quand il était parti, tout s'était effondré, et il avait finalement compris que le compte à rebours venait d'être lancé.

La douleur n'était pas allée grandissante. Il avait toujours eu mal, depuis le jour de l'apparition de sa cicatrice. Il avait toujours senti ce tiraillement, cette brûlure infinie qui ne le laissait jamais en paix, pas même la nuit. Il l'avait toujours senti mais il n'en avait rien dit à Nezumi, ni à Inukishi ni même à sa mère. Il l'avait gardé pour lui et pour le murmure de la nuit lorsque ça lui pesait trop et peu à peu il s'y était habitué, à tel point qu'il en avait oublié ce que c'était de ne plus avoir mal. C'était le jour où Nezumi était parti qu'il s'était laissé tomber pour la première fois. Alors que sa voix s'étranglait dans sa gorge, que des larmes menaçaient de couler de ses yeux, il sentit la morsure de la brûlure. Et il voulut crier. Ses veines étaient en feu. Il avait été jeté dans les flammes mêmes d'un volcan et on l'y laissait mourir sans pitié. Son sang n'était plus que poison. Son souffle était celui d'un damné. Ses muscles fondaient. Ses entrailles tombaient en pièce. Son cœur, ses poumons, sa gorge étaient enserrés, enserrés à en mourir, sans espoir de délivrance, si douloureusement qu'il s'était abandonné à cette morsure du feu et s'y était perdu.

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 06, 2015 ⏰

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