1. faute de larmes

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« Même lorsqu'elle pleurait, son visage conservait toute sa beauté. »


Nous avons un problème avec cette phrase. N'est-ce pas Guichet que nous en avons un ?


Oui, nous avons un problème. C'est une phrase que nous apercevons très souvent à travers les lignes, et qui nous a toujours intrigués.


D'abord, qu'est-ce que pleurer ?


Pleurer, v. : action de transpirer des yeux et du nez lors de situations stressantes et/ou tristes.





Mais revenons à nos tickets.


Trouver cette incohérence m'a été très facile. Il m'est arrivé il y a quelques temps de passer devant un miroir après avoir pleuré tout mon soûl. Grossière erreur. Je me suis trouvée très moche. Hein Guichet, tu t'en souviens ? Je n'étais pas moche, simplement, disons, dégradée. Et j'ai eu comme, pitié de moi-même.


J'ai pensé (j'avais beau être en détresse, je réfléchissais toujours aussi bien) à cette fameuse scène, que j'ai si souvent relevé dans les romans puant l'eau de rose à des kilomètres (je ne lisais pas ce genre de sottises, c'était un pur accident, mes yeux ont glissé là où ils n'auraient pas dû, c'est la vérité) et qui ne m'avait jamais autant frappé par sa fausseté que ce jour-là. Généralement, ça se passe ainsi : la fille, que nous nommons Herwest, commence à pleurer pour q raison (c'est le moment pour x de mettre la clé sous la porte), le garçon, appelons-le Racoin, tente de la réconforter en laissant divaguer ses pensées et sa testostérone un peu partout, puis il se rend compte que malgré les larmes, sa copine reste toujours aussi belle.


Eh bien voilà, nous ne sommes pas d'accord. N'est-ce pas Guichet que nous ne le sommes pas ?


Oui, notre avis personnel diffère de l'avis général.


Les yeux bouffis, les lèvres qui tremblent et la morve qui coule du nez, tu trouves ça sexy Racoin ? Parce que la tristophilie c'est par là (à ma droite). Ne parlons même pas de l'espèce d'œil au beurre noir qui apparaît sur le visage de Herwest en faveur d'un maquillage qui n'est pas Waterplouf. D'accord, très bien, admettons, la fille est parfaite, elle est d'une beauté époustouflante même lorsqu'elle évacue le stress sous forme de morve et son maquillage résiste au chagrin. Mais il n'empêche que les pleurs sont preuve de grande tristesse (sauf exception, larmes de joie, qui ne diffère pas vraiment du moral à -5 si on se base uniquement sur la tronche). Alors la tristesse, tu trouves ça beau, hein Racoin ? Ça te plaît de voir ta copine pleurer ? Guichet, tranche-lui les baskets et attache-le sur un siège.


Alors Racoin, répond-moi, la tristesse, si c'est si beau, pourquoi est-ce que l'on pleure ? Bien sûr, tu peux dire que voir la beauté là où il n'y en a pas beaucoup est preuve d'amour, de ton amour pour Herwest. Mais non. Ça ne marche pas de cette façon. De ton point de vue, Racoin, j'imagine plutôt la scène de cette manière.





Les yeux d'Herwest scintillèrent à la lumière du jour, si brillants que pendant un instant je me demandais si des larmes n'allaient pas bientôt en couler. Et en effet, une perle salée dévala sa joue, suivie de deux autres qui arpentèrent sa peau à grande vitesse, tel un train. Elle baissa son visage baigné de larmes, et j'eus une soudaine et folle envie d'y coller mes lèvres pour avaler le fruit de son désespoir. Elle était parfaite. D'une telle manière que le chagrin ne parvenait à détruire sa beauté. Une odeur de pluie et de feuilles mortes se mêla à celle de ses cheveux qui virevoltaient dans le vent. Je me contentai de sourire, attitude qui ne lui échappa pour rien au monde.

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